L'écriture et le style


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Méphistophélès
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Message Posté le: Dim Avr 01, 2007 12:37 pm    Sujet du message: L'écriture et le style
Un débat récent dans la section "poésie" m'a fait prendre conscience d'un problème récurent. L'on a souvent tendance à différencier un commentaire qui vient du coeur, du ressenti, d'un commentaire dit technique. L'on considère que juger un poème sur l'effet qu'il produit sur nous et juger ce même poème au travers de sa consruction, ce sont deux démarches radicalement opposées. Avons-nous raison d'établir une telle dichotomie ? Je ne pense pas.

Prenons-nous le temps de nous demander, lorsqu'un poème nous touche, lorsqu'il produit un effet sur nous, d'où viennent ces sensations que nous éprouvons ? Si l'on creuse un peu, la réponse à cette question n'est pas si compliquée. Ce qui nous émeut dans un texte, c'est le style.

Qu'est-ce que le style ? Il s'agit d'apporter une dimension subjective à ce que l'on dit, il s'agit de jouer sur le langage afin que le message que l'on communique touche le lecteur, qu'il produise un effet sur lui. Le style c'est écrire par le biais de ce que l'on appelle des "figures stylistiques" (répétition, images, ...) qui donnent au message une connotation nouvelle.
Ce qui différencie un beau texte d'un texte creux, ce n'est pas tellement le fond, mais la façon de présenter les choses. Pour illustration: parler d'amour est une chose magnifique, mais encore faut-il en parler bien, c'est ce qui fait la différence entre Lara Fabian et Baudelaire.
Et c'est amusant parce que très souvent, l'on utilise des figures de style sans même s'en rendre compte. C'est une chose naturelle pour nous, alors il serait bon de se réconcilier avec elles.

____________________

J'en viens au but de ce topic. Ce qui serait intéressant, ce serait que chacun notre tour nous postions une phrase sur ce topic, et que les autres utilisateurs essaient de trouver quelle figure de style se cache là-dessous. Les noms des figures de style, on s'en fiche: ce ne sont que des mots compliqués avec de vagues consonance latines. Non le plus important, c'est de comprendre et de savoir décrire l'effet produit dans cette phrase.

Un exemple simple: "Je le vis, je rougis, je palis à sa vue" (il s'agit d'un vers de Racine). Ici, il y a un effet d'insistance qui passe par la répétition du "je". Cette figure de style s'appelle une répétition ou plus précisément, une anaphore. Cela permet d'insister sur ce que ressent le poète.

Ce topic se veut ludique: il s'agit de mieux comprendre l'écriture, voir même d'apprendre quelques tournures de style pour notre culture personnelle.
Cela vous dit-il ? Je propose que le prochain posteur nous soumette une phrase afin de lancer la machine.
Prométhée
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Message Posté le: Dim Avr 01, 2007 14:34 pm    Sujet du message:
Moi, celà me dit pour deux raisons:
1. 'Pour notre culture personnelle', je suis loin de maîtriser parfaitement les figures de style.
2. ça peut être marrant.

J'ai pris celà sur un autre forum, c'est de la poésie eddique, poésie de scandinavie:

'C'est le soir qu'il faut louer le jour
La femme, quand elle a vécu
L'épée, quand on l'a éprouvée
La vierge, quand elle est mariée
La rivière gelée, quand on l'a traversée
La bière, quand elle est bue ''

Je pense que c'est encore une anaphore, comme dans l'exemple, mais j'aimerais savoir si c'est plus... Sinon, et bien encore un exemple d'anaphore.
Méphistophélès
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Message Posté le: Dim Avr 01, 2007 15:24 pm    Sujet du message:
Tout à fait, il s'agit ici d'une figure de style appelée anaphore qui consiste à répéter le même mots plusieurs fois en début de phrase ou de segment de phrase.

Citation:
C'est le soir qu'il faut louer le jour
La femme, quand elle a vécu
L'épée, quand on l'a éprouvée
La vierge, quand elle est mariée
La rivière gelée, quand on l'a traversée
La bière, quand elle est bue


En plus de cela, si vous faites un peu attention, vous constaterez que les phrases se ressemblent beaucoup: elles ont toutes la même construction. On appelle cela un parallélisme.
Enfin, c'est un peu plus subtile, mais si vous regardez ce paraléllisme, vous vous rendez compte que dans la deuxième partie de chaque vers il n'y a qu'un seul mot qui change d'un vers à l'autre. L'on appelle cette figure de style un hypozeuxe.

Voilà pour la partie "mots-compliqués-à-ressortir-à votre-prof'-de-français-pour-vous-taper-une-bonne-note". Maintenant que nous avons analyser la chose d'un point de vu technique: quel effet produisent ces figures de style ? Il s'agit d'un effet de redondance volontaire qui permet d'insister sur la répétitivité du propos. Il s'agit de rythmer la strophe, de lui donner un aspect cadencé, de mettre en avant des différences entre chaque vers: la femme, la vierge, la rivière... Cela m'évoque une mélopée, une mélodie hypnotique qui se reproduit à chaque instant, un effet entêtant. C'est une très belle strophe.

_____________

Je vous propose de nouveaux vers, avec de nouvelles tournures de style. A vous de me dire ce que vous en pensez, ce que vous éprouvez en les lisant, et si vous arrivez à les décortiquer:

Citation:
"Rappelez-vous l'objet que nous vîmes - mon âme !
Ce beau matin d'été si doux,
Au détour d'un sentier, une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux."

Une charogne - Les Fleurs du mal - Baudelaire


PS: J'aimerais que Biotop lise ce message, afin de lui faire comprendre que la beauté d'un poème et les sensations qu'il nous procure passent par ces figures de style qu'il a en horreur. Et que la connaissance de ces dernières n'es pas une honte.
Invité








Message Posté le: Lun Avr 02, 2007 12:43 pm    Sujet du message:
Bonne initiative Métempsychose. Je prendrai part au topic quand j'en aurai le temps mais en tout cas je trouve l'idée excellente.
Prométhée
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Message Posté le: Lun Avr 02, 2007 17:21 pm    Sujet du message:
...

Dernière édition par Prométhée le Dim Avr 08, 2007 14:06 pm; édité 1 fois
Prométhée
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Message Posté le: Dim Avr 08, 2007 14:05 pm    Sujet du message:
Bon, sinon, qu'est-ce que l'on peut y trouver?
Méphistophélès
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Message Posté le: Lun Avr 09, 2007 08:27 am    Sujet du message:
OK, je m'y colle (mes excuses, j'ai fait un peu long... mais n'importe quelle demoiselle vous dira que plus c'est long, plus c'est ...)

Citation:
"Rappelez-vous l'objet que nous vîmes - mon âme !
Ce beau matin d'été si doux,
Au détour d'un sentier, une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux."

Une charogne - Les Fleurs du mal - Baudelaire


Je n'ai pas trop réfléchi en choisissant ces vers, en fait ils sont un peu complexes: le mieux est de procéder phrase par phrase en nous arrêtant à chaque fois qu'il nous semblera qu'une phrase n'est pas neutre. Car qu'est-ce qu'un figure de style sinon un procédé permettant de donner de la dimension et un peu de subjectivité à une phrase neutre ?

Citation:
"Rappelez-vous l'objet que nous vîmes - mon âme !
Ce beau matin d'été si doux,


La première chose à dire de ce vers, c'est qu'il se voit profondément marqué par une rupture. Cette rupture - "mon âme !" - casse la phrase en deux, il s'agit d'une anacoluthe. En effet, une phrase normale aurait donnée "Rappelez-vous l'objet que nous vîmes ce beau matin d'été si doux". En ce cas, pourquoi cette rupture en plein milieu de la phrase ? Il s'agit tout d'abord de créer un effet d'attente, d'avertir le lecteur que le poète s'apprête à nous dire une chose très importante. En fait, le "Mon âme !" est prononcé à l'avance, c'est à dire que le poète plutôt que de suivre le cours normal de la narration, nous prévient à l'avance que ce qu'il dira plus tard est important, le poète veut captiver le lecteur, aussi il le devance en faisant un saut dans le futur: il s'agit d'une prolepse. Au contraire, si le poète était revenu en arrière au cours de sa narration, nous rappelant un fait passé, l'on aurait parlé d'analepse (ou plus vulgairement de flashback).

Citation:
Au détour d'un sentier, une charogne infâme


Autre point, l'utilisation des adjectifs qualificatifs. Dans ce poèmes ils sont de deux sortes: les épithètes de circonstance, très communs ("beau matin") et, ceux qui nous intéressent, les épithètes de nature ("charogne infâme"). Quelle différence ? Les épithètes de circonstance définissent le nom auquel ils sont attachés en fonction de leur environnement (ainsi, le ciel peut être beau ou non). Les épithètes de nature en revanche, mettent l'accent sur une caractéristique précise du nom ("charogne infâme", une charogne est toujours infâme, "vaste mer" la mer est toujours vaste, "aristocratique prélat" les prélats sont tous des aristocrates). Ici, il s'agit donc de mettre l'accent sur l'horreur de la trouvaille: en fait l'adjectif est redondant puisque nous l'avons dit, une charogne est nécessairement infâme, il s'agit donc de nous le faire plus clairement comprendre.

Citation:
Sur un lit semé de cailloux.


Ici, ce n'est pas compliqué: le chemin sur lequel est étendu la charogne est-il vraiment un lit ? Non, c'est une image. Et puisqu'il n'y a pas d'outil de comparaison (comme, tel, pareil à,...) nous en déduisons qu'il s'agit d'une métaphore, apportant une touche de sensibilité, voir d'érotisme à la description de cette carcasse.
Petit rappel des différentes images les plus employées ?
La métaphore associe une chose à une autre sans outil de comparaison.
La comparaison associe une chose à une autre au moyen d'un outil de comparaison.
L'allégorie associe un élément abstrait à un élément concret.
Le symbole est une allégorie lexicalisée, tellement connue qu'elle est rentrée dans les moeurs (la colombe de la paix, le feux de l'amour, ...)
La métonymie associe un élément par un autre à l'aide d'un lien logique; la métonymie peut se décliner en antonomase (pour les noms propres), synecdoque (pour les rapports de contenant), ...


Citation:
"Rappelez-vous l'objet que nous vîmes - mon âme !
Ce beau matin d'été si doux,
Au détour d'un sentier, une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux."


Dernier point: la figure de style la plus ambiguë mais aussi la plus importante; elle se prolonge sur toute cette strophe. L'avez-vous remarqué ? Intéressez-vous une seconde à la construction des phrases qui composent cette strophe: ne trouves-vous pas qu'elles sont bizarrement agencées ?
En effet, la plus simple façon de raconter la scène aurait été de dire "nous avons vu une charogne au détour d'un sentier, un matin d'été.
Dans la strophe de Baudelaire la phrase a été coupée et ses fragments ont été repositionnés afin de servir le rythme et l'intrigue, encore une fois de créer un effet d'attente en alternant vers agréables à lire "ce beau matin d'été si doux", "sur un lit semé de cailloux", et vers angoissants parlant de d'horreur et de charogne. Ce découpage de la syntaxe porte un nom, l'on parle de clivage.
Pour faire simple, si nous devions décomposer cette strophe cela donnerait: "ce que nous avons vu ce beau matin au détour d'un sentier, c'est une charogne infâme".
Remarquez que l'évocation de la charogne, qui est le point central de toute la strophe, est évoqué à la fin; le poète a tout fait pour nous le dire le plus tard possible. Il s'agit ici d'un clivage spécifique: la phrase est pseudo-clivée. Notons au passage qu'il y a une ellipse au second vers qui vient servir le clivage, la phrase sans ellipse donnerait cela: "au détour d'un sentier, nous avons vu une charogne infâme".

Pour terminer, un petit rappel des différents types de clivages, ils sont au nombre de trois et nous les employons couramment sans y faire attention.

Phrase neutre, sans clivage: "Nous avons vu une charogne au détour d'un sentier".
Clivage par topicalisation: "Une charogne ! C'est au détour d'un sentier que nous l'avons vu".
Clivage par focalisation: "C'est une charogne que nous avons vu au détour d'un sentier".
Phrase pseudo-clivée: "Ce que nous avons vu au détour d'un sentier, c'est une charogne".

Tout est dit je pense: je laisse au suivant le soin de choisir une strophe ou un vers.
Cyrilleee
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Message Posté le: Lun Avr 09, 2007 11:47 am    Sujet du message:
Tu sais que je trouve ton topic très interessant, riche en savoir et généreux! Merci alors!
Prométhée
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Message Posté le: Lun Avr 09, 2007 11:48 am    Sujet du message:
Rien d'autre à ajouter. Je vais même écrire certains mots pour m'en rappeller.
Studio
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Message Posté le: Mer Mar 26, 2008 23:12 pm    Sujet du message:
Un topic qui mérite d'être remonté, enfin un truc intéressant dans la section Poésie. (et j'en ai vu, des poèmes nuls d'ozizi.. )
alcibiade
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Message Posté le: Jeu Mar 27, 2008 09:39 am    Sujet du message:
Très bonne idée, ce topic est passionnant. Ma contribution:

"Versez des larmes et des prières" (Bossuet)
Méphistophélès
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Message Posté le: Jeu Mar 27, 2008 22:12 pm    Sujet du message:
Il date ce topic Aux anges
Qu'en penses-tu, toi, de cette citation, alcibiade ?
alcibiade
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Message Posté le: Ven Mar 28, 2008 18:35 pm    Sujet du message:
Qu'elle contient un zeugma, c'est à dire que des deux compléments du verbe, seul le premier lui convient.

A ce propos, je suis bien d'accord avec le message de départ. On a assisté à une dévaluation du style, au nom d'un "fond" qui primerait sur la forme. Résultat: le même qu'en essayant de faire de la peinture sans pigment ou de la sculpture sans marbre/bronze. Du Marc Lévy quoi.
Ozimandias
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Message Posté le: Ven Mar 28, 2008 20:16 pm    Sujet du message:
"Va je ne te hais point !"

(Mdr j'ai oublier le nom de cette figure de style ... Je suis vraiment trop vieux XD)

Je ne suis pas entièrement d'accord avec toi Méphistophélès.
La mémoire, le vécu même si on peut dire que ces deux choses sont "une forme de l'existence", ces deux choses et surtout ces deux choses possèdent plus de subjectivité qu'il n'y en aura jamais dans un seul mots.

En conséquence de quoi on peut effectivement distinguer fond de forme, en admettant que le fond est relatif à l'expérience d'un seul individu.
Attention tout de même, un seul individu A LA FOIS, c'est à dire que le fond serait différent pour l'auteur, et pour chacun des lecteurs.

Que ce passe-t-il dans les faits ? D'où vient ce bordel dans l'esprit commun tel que le fond serait totalement détaché de la forme ?
Ce bordel vient de la similitude des individus, en effet on se ressemble fortement, mais pas parfaitement par conséquent l'on pense que ce que l'on ressent de nos expériences et réciproque. Or ça ne l'est pas forcément, on observe donc une explosion de messages "qui vient du cœur" (comme dit si bien Méphistophélès) qui crée un décalage de compréhension.

Où est donc le problème, ils se comprennent pas c'est tout ?
Et bien non ce n'est pas tout, car lorsque l'on pose un poème plein de ressentis on attend à ce qu'il soit partagé, quand il l'est tout va bien, quand il ne l'est les commentaires s'effectuent sur ce qui reste : la maitrise de la langue.

Au final nous avons donc une formation de deux partis. D'un côté les formalistes qui dans un poème ne cherchent pas à comprendre l'expérience qui est antérieur au poème. Et de l'autre, il y a des auteurs/critiques qui ne comprennent pas pourquoi quand ils parlent de leur(s) expérience(s) on leur dis qu'ils parlent mal français ?

>Les deux ont tords d'être deux.
GROLUX
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Message Posté le: Ven Mar 28, 2008 20:42 pm    Sujet du message:
Un de mes amis dit toujours : "Tranquille le chat, pacha la souris." Idea Question
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Message Posté le: Ven Mar 28, 2008 20:43 pm    Sujet du message:
damnation...
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Message Posté le: Sam Mar 29, 2008 10:56 am    Sujet du message:
grozizi a écrit:
"Va je ne te hais point !"

(Mdr j'ai oublier le nom de cette figure de style ... Je suis vraiment trop vieux XD)

C'est une litote, et ça vient de Corneille il me semble.

Au fait, on écrit "tort" pas "tord", ni "tore".
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Message Posté le: Sam Mar 29, 2008 11:58 am    Sujet du message:
Ozimandias a écrit:
Je ne suis pas entièrement d'accord avec toi Méphistophélès.
La mémoire, le vécu même si on peut dire que ces deux choses sont "une forme de l'existence", ces deux choses et surtout ces deux choses possèdent plus de subjectivité qu'il n'y en aura jamais dans un seul mots.

Certes, mais si tu cherches à exprimer par écrit cette mémoire, ce vécu, tu auras besoin de mots, et tu ne les exprimeras jamais aussi bien que si tu le fais avec talent, c'est à dire avec style. Il y a un décalage entre l'émotion que tu éprouves et celle que tu parviens effectivement à exprimer par écrit, et ce n'est pas être formaliste que d'expliquer à un écrivain pourquoi, concrètement, son émotion ne s'est pas répercutée dans son oeuvre. Le formalisme n'a strictement rien à voir avec l'exégèse littéraire: attention au sens des mots que tu emploies.

Va, je ne te hais point

On s'entend généralement pour y voir une litote (va je ne te hais point = va je t'aime à la folie). Plus récemment, une autre interprétation a été suggérée - et je trouve cette dernière plus fine - à savoir que va je ne te hais point signifie: va je ne te hais point, mais mon devoir me pousse à te chasser. Je ne sais pas trop en vérité s'il s'agit d'une tournure stylistique particulière, disons simplement qu'il y a dans cette seconde interprétation une ellipse, un sous-entendu, et ce sous-entendu Chimène n'ose pas l'exprimer clairement car ce serait contraire à son honneur que de faire montre d'affection envers l'assassin de son père. Au final, les deux interprétations ne sont pas nécessairement contradictoires, loin de là.
Ozimandias
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Message Posté le: Sam Mar 29, 2008 15:27 pm    Sujet du message:
Intéressant, pauvre Chimène Very Happy .


Il y a plus de lien entre l'analyse et le sujet de l'expérience. Car quelque serait l'expérience si le décalage était le même il donnerait lieu à la même critique.

C'est donc parler essentiellement de la forme du texte car l'expérience n'apparait plus. La forme regroupant la précision du vocabulaire, la force des figure de styles, etc.
C'est dans ce sens que j'utilise formalisme, pas dans le sens formel.


Je peux dire que c'est une démonstration flagrante du décalage entre l'expérience qui est expliquée (le sens où j'emploie formel) et l'analyse (=exégèse) qui ne s'est pas adapté à l'expérience et trouve un décalage de transmission.
Le problème c'est qu'il y a bien un décalage de transmission mais il y a aussi un décalage de réponse.

En gros c'est répondre à une chose qui est exclusivement sur l'expérience par une analyse qui est exclusivement sur la forme (dans le sens où je l'entends).
Pour faire une comparaison simple (et surtout ne pas répéter 4 fois la même chose) c'est exprimer la couleur et obtenir en réponse l'intensité.


La réponse est juste mais ce n'est pas le sujet.
C'est atroce car lorsque l'auteur accuse de ne pas avoir été compris l'analyste lui prouve que son analyse est vraie.

C'est un dialogue de sourd pour l'auteur. Car il aura beau dire ce qu'il voudra cela ne changera rien son expérience ne sera en rien comprise.

Pour l'analyste c'est ce que j'appelle rester dans ses chiottes. Car c'est à lui de comprendre que son analyse est décalée par rapport a l'expérience.
Invité








Message Posté le: Sam Mar 29, 2008 15:45 pm    Sujet du message:
Ozimandias a écrit:
C'est atroce car lorsque l'auteur accuse de ne pas avoir été compris l'analyste lui prouve que son analyse est vraie.

C'est un dialogue de sourd pour l'auteur. Car il aura beau dire ce qu'il voudra cela ne changera rien son expérience ne sera en rien comprise.

Pour l'analyste c'est ce que j'appelle rester dans ses chiottes. Car c'est à lui de comprendre que son analyse est décalée par rapport a l'expérience.


Bien que je ne comprenne absolument pas ton langage (mélange de termes étrangemment employés), ici ce que tu dis me pose problème. En gros tu dis que l'analyste a raison dans tous les cas, mais qu'au final ce qu'il fait est mal (donc il a tort?)

tu mélanges tout, j'ai l'impression que tu effleures les sujets sans les connaître vraiment.

Je suis au coeur de ce combat idéologique entre les deux clans, de par mes recherches et mon travail. D'un côté, les formalistes, qui pensent qu'il n'y a que le texte en lui même qui importe (d'ailleurs, notre rêve secret serait que tous les textes deviennent anonymes); de l'autre, tu as les tenants de Sainte-Beuve qui font de la critique biographique : analyser un texte en fouillant dans la biographie de l'auteur, dans le contexte historique, etc...

au milieu, il y a les indécis.

Moi même je suis d'abord passée pendant de longues années par la case biographique, avant de me rendre compte que l'on ne faisait que du chimérique et du fantasme. Désormais je suis l'un des plus tenaces défenseurs du formalisme, adepte de la théorie ricardolienne (tapez : textique et google sera votre ami)

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