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Posté le: Dim Nov 14, 2010 12:32 pm Sujet du message:
Un article très intéressant :
Yvan Blot a
écrit: | Rubrique : Politique /
A La Une / Articles recommandés
La façon dont l'oligarchie traite l'homme :
une matière première
Deuxième conférence du cycle de l’Institut néo-socratique prononcée par
Yvan Blot, le 19/10/2009
(voir : ***LIEN***)
Les régimes politiques qui dominent à présent l’Occident sont des
oligarchies, bien plus que des
démocraties, la Suisse étant sans doute la seule véritable exception. Mais
qu’est-ce qu’une oligarchie ?
Relisons à ce sujet Aristote. Dans le monde moderne toutefois, l’oligarchie
gouverne selon une logique
nouvelle qui est celle du « Gestell », de l’arraisonnement utilitaire,
selon la formule de Heidegger. La
logique du Gestell conduit à traiter l’homme comme la plus précieuse des
matières premières, et à rendre
autant que possible tous les hommes interchangeables, en mobilisant pour cela
les ressources des passions
égalitaires. Enfin, pour achever le processus de domination oligarchique, il
faut éliminer l’obstacle de la
démocratie au profit d’une « gouvernance » de soi-disant experts, tout en
gardant la fiction de la
démocratie pour désarmer les oppositions. Il faut alors voir s’il est
possible de se libérer de cet engrenage
fatal.
1/ L’oligarchie régnante
Il y a bien des sortes d’oligarchies : militaires, marchandes, politiques,
religieuses, voire ethniques. Mais
elles répondent toutes à une définition unique : c’est le gouvernement de
quelques-uns dans leur intérêt
propre et non dans l’intérêt du peuple. Si l’intérêt du peuple
coïncide avec l’intérêt de l’oligarchie (assurer
la croissance économique pour favoriser sa propre réélection), tant mieux !
S’il y a conflit d’intérêts, celui
des oligarques l’emporte : on en a des exemples avec le niveau de la
fiscalité, avec le laxisme en matière
d’immigration, avec l’endettement public, avec la politique européenne
entre autres. Dans une société où
les valeurs militaires de l’aristocratie demeurent importantes, le souci de
l’intérêt général l’emporte
souvent (gaullisme de la Résistance). Dans une société marchande où les
fonctions altruistes (religieuses,
militaires notamment) sont en retrait, l’oligarchie est le trait dominant du
pouvoir car chacun ne cherche
que son intérêt propre, le politicien comme les autres.
Dans Politique, Aristote note qu’il est fréquent que la constitution soit,
selon la législation proclamée,
démocratique, mais que, par la coutume et la façon de conduire les affaires,
le régime soit oligarchique
(1). C’est le cas que nous connaissons.
Pour Aristote, l’oligarchie est un régime stable tant que les oligarques
sont solidaires entre eux. Le
système se fragilise, selon lui, dans deux cas de figure : lorsque
l’oligarchie traite injustement la masse
populaire ou lorsque les oligarques « deviennent démagogues par jalousie »
(2) et se combattent entre eux.
L’oligarchie actuelle n’est pas limitée à ce que l’on appelle la «
classe politique ». Elle comprend la haute
administration, les dirigeants salariés des grandes entreprises, les
dirigeants des syndicats et des différents
lobbies qui font pression sur le pouvoir, ainsi que les dirigeants des
médias. Elle est assez homogène
***LIEN***
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idéologiquement. Ses valeurs et son comportement sont essentiellement
déterminés par la situation
métaphysique dans laquelle se trouve aujourd’hui l’Occident et que le
philosophe Martin Heidegger a
appelé le « Gestell » ou « arraisonnement utilitaire ».
2/ L’oligarchie moderne gouverne selon la
logique du Gestell (3)
Selon Heidegger, le monde moderne est structuré par l’arraisonnement
utilitaire. Prenons l’exemple du
téléphone portable. Vous êtes pratiquement contraint d’en avoir un dès
lors que tout le monde autour de
vous en a un ! Bien sûr qu’il rend des services. Mais ce n’est plus votre
choix. Vous êtes requis d’en avoir
un ! Pour Heidegger, l’essence de la technique est cet arraisonnement.
L’homme en est l’employé. Ce
processus échappe à l’homme, surtout s’il n’en a pas conscience.
L’homme lui-même est pris en main par
le processus. Il devient un rouage du système d’ensemble (ein Stück und
nicht ein Teil !). Cet utilitarisme
exacerbé conduit l’homme à oublier son être propre. Les dirigeants sont
des rouages de ce système. Pour
Heidegger, le Gestell est pour l’homme le danger par excellence, car il
déshumanise celui-ci. Au XXe
siècle, on a connu plusieurs formes politiques du Gestell.
Le communisme est une de ces formes. Il considère l’être humain comme une
matière première au service
de sa puissance. En cela, il est inhumain au sens propre du terme. Les
dirigeants eux-mêmes sont
arraisonnés au système. Il faut que l’échec patent de ce dernier soit
réalisé pour que les hommes puissent
s’échapper de cette machinerie. C’est ce qui s’est passé avec
l’effondrement de l’URSS.
Pour Heidegger, le nazisme, surtout à sa fin, est devenu une autre forme
d’application de la logique du
Gestell. Mais l’Occident n’est pas indemne. Le signe en est la façon de
faire la guerre. La logique
purement utilitaire du Gestell conduit dans une guerre à tuer autant les
civils que les soldats car les civils
sont aussi un rouage de l’appareil ennemi. C’est ainsi que les Alliés ont
décidé de bombarder au
phosphore des milliers de femmes et d’enfants dans les villes allemandes.
Pour Heidegger, tant Roosevelt
que Hitler ou Staline ont décidé pour des raisons utilitaires liées à leur
volonté de puissance de tuer
massivement des civils !
Pour Heidegger, l’Amérique et l’Union soviétique furent après 1945 les
deux bastions du Gestell !
Politiquement totalement différentes, elles avaient une métaphysique
commune, celle du Gestell, celle de
l’utilitarisme déchaîné de la technique au service de la volonté de
puissance ! Curieusement Arnold
Gehlen (4), un philosophe d’une autre tradition que Heidegger, celle de
l’anthropologie philosophique,
écrivit la même chose : « Il est très remarquable que les manifestations
les plus évidentes de la culture
industrielle apparaissent en Amérique du Nord et en Russie, sur des sols où
n’a jamais pris naissance une
grande culture d’ancien style ! »
L’arraisonnement utilitaire est donc le danger par excellence pour la survie
même de l’homme en tant
qu’homme. Mais c’est au sein même de ce danger que le « tournant » peut
advenir ! « C’est le danger qui
permet l’apparition de ce qui sauve », selon un vers de Hölderlin que cite
Heidegger. Encore faut-il
prendre conscience de l’existence de l’arraisonnement utilitaire et du
danger qu’il représente !
3/ L’homme matière première, l’homme
interchangeable
L’homme, dans ce système lié à l’époque et qui n’a pas été voulu
en tant que tel, n’est apprécié que pour
son utilité économique. Il devient alors « la plus précieuse des matières
premières » ! Dans le langage des
sociétés, on a remplacé le mot « personnel » (avec la racine « personne
») par le terme de « ressource
humaine » : cela traduit bien la déshumanisation à peine consciente de
notre vocabulaire ! L’homme est
un Stück, un élément utilisable au même titre qu’un boulet de charbon
dans un stock d’anthracite ! Il doit
avant tout être interchangeable pour pouvoir être requis le plus facilement
qui soit !
L’oligarchie régnante, qui administre la logique du Gestell pour son profit
et pour satisfaire sa volonté de
puissance, va donc appliquer sa « gouvernance » à rendre le plus possible
les hommes interchangeables :
***LIEN***
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toutes les distinctions essentielles doivent s’effacer, à commencer par
celles entre les hommes et les
femmes. C’est là la source de l’obsession de la fameuse « parité » :
on s’acharne à vouloir que les listes de
candidats aux élections soient composées pour moitié d’hommes et de
femmes et on se garde bien
d’évoquer les vraies questions politiques, à savoir que les élus sont
dessaisis de leurs pouvoirs par
l’administration et que le citoyen est devenu totalement impuissant à
influencer le système de décision de
la gouvernance politique. On détourne les débats vers des sujets sans
importance mis en avant de façon
artificielle.
Tout ce qui distingue les êtres humains doit être éliminé dès lors que
cela peut gêner le caractère
interchangeable que les hommes doivent avoir pour être de parfaites matières
premières.
L’homme du Gestell doit donc avoir quatre caractéristiques :
- ne pas avoir de racines (ni race, ni nation, ni religion notamment) ;
- ne pas avoir d’idéal : il doit être un consommateur et un producteur
matérialiste et relativiste prêt à
gober tous les produits lancés sur le marché (y compris les produits
bancaires permettant de l’endetter et
donc de mieux le soumettre) ;
- ne pas avoir de religion hors celle de son propre ego, pour être plus
facilement isolé donc manipulable ;
- ne pas avoir de personnalité afin de se fondre dans la masse (il doit donc
être éduqué de façon purement
technique et utilitaire, sans culture générale lui permettant de se situer
comme homme libre).
Cyniquement, l’idéologie des droits de l’homme est utilisée pour
détruire tout ce qui fait la spécificité des
hommes, pour mieux asservir l’homme aux besoins du Gestell en prétendant
protéger ses libertés
fondamentales ! Un des exemples les plus emblématiques fut le cas de cette
femme députée néerlandaise
menacée de mort par l’islamisme radical. Ses voisins ont obtenu
l’expulsion de celle-ci de son logement au
nom des droits de l’homme parce qu’elle faisait subir un risque
d’attentat sur eux. Ecoeurée, celle-ci a
quitté les Pays-Bas !
L’homme idéal souhaité par le Gestell n’a rien à voir avec le citoyen
animé par l’esprit civique, la
conscience de ses libertés et l’amour de sa patrie, qui est le porteur de
la démocratie bien comprise. Il
ressemble à ce « dernier homme » annoncé par Nietzsche dans Ainsi Parlait
Zarathoustra !
« Hélas ! Vient le temps du plus méprisable des hommes qui ne sait plus se
mépriser lui-même ! Voyez ! Je
vous montre le dernier homme. Qu’est-ce que l’amour ? Qu’est-ce que
créer ? Qu’est-ce que la nostalgie ?
Qu’est-ce qu’une étoile ? demande le dernier homme et il cligne de
l’oeil !
« La terre est devenue plus petite et sur elle sautille le dernier homme qui
rend tout plus petit. Sa race est
aussi solide que celle du puceron. Le dernier homme est celui qui vit le plus
longtemps. Nous avons
inventé le bonheur, disent les derniers hommes et ils clignent de l’oeil.
Ils ont abandonné les pays où la vie
était dure, car on aime la chaleur. On aime encore son voisin et on se frotte
à lui car on a besoin de
chaleur. Devenir malade ou méfiant passe chez eux pour un péché : on
respecte avant tout le principe de
précaution. Fou celui qui butte encore sur les pierres et sur les hommes ! Un
peu de poison de-ci de-là qui
procure des rêves agréables. Et beaucoup de poison au final pour avoir une
mort agréable. On travaille
encore car c’est une distraction. Mais on a soin que la distraction reste
modérée. On ne devient plus ni
riche ni pauvre. Les deux sont trop astreignants. Qui veut encore commander ?
Qui veut encore obéir ?
Tout cela est trop fatigant.
« Pas de berger et un seul troupeau ! Chacun veut la même chose et tous sont
égaux ; qui pense autrement
sera interné !
« Autrefois, tout le monde avait tout faux, disent les plus malins et ils
clignent de l’oeil. On est malin et
l’on sait tout ce qui est arrivé : on n’en finit pas de se moquer. On se
querelle mais on se réconcilie bientôt
de peur que cela ne gâte l’estomac ! On a son petit plaisir pour le jour et
son petit plaisir pour la nuit : mais
on honore la santé !
« Nous avons trouvé le bonheur, disent les derniers hommes et ils clignent
de l’oeil ! »
Ici s’arrête le discours de Zarathoustra qui est interrompu par les cris de
la foule : donne-nous ce dernier
***LIEN***
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homme, ô Zarathoustra ! Nous te ferons quitte du surhomme ! Et tout le peuple
se réjouissait et claquait
de la langue ! Zarathoustra devint triste et dit : je ne suis pas la bouche
faite pour ces oreilles (…) Ils me
regardent et rient, mais dans leur rire ils me haïssent ; il y a de la glace
dans leur rire » (5).
Ces derniers hommes sont les citoyens passifs idéaux pour l’oligarchie
régnante ! Tout le système
médiatique et éducatif est là pour modifier la personnalité des Français
et les transformer en outils
interchangeables du Gestell. On pense apprivoiser ces animaux sauvages que
seraient les citoyens par la
consommation de biens matériels et en flattant l’égalitarisme. La
politique est celle du gardien de zoo !
4/ Eliminer l’obstacle de la
démocratie
Pour que l’homme soit une matière première docile, il est finalement
nécessaire d’éliminer l’obstacle de la
démocratie. La monarchie ne permettait, certes, pas l’interchangeabilité
absolue des hommes et
l’oligarchie, pour s’installer, a dû l’abattre, en se trouvant pour
elle-même une nouvelle légitimité : la
démocratie fut alors mise en avant au XIXe siècle. Mais par la suite, la
démocratie fondée sur la nation et
la participation active des citoyens s’est montrée un obstacle à
l’interchangeabilité mondiale des hommes,
donc à l’utilitarisme au service de l’oligarchie.
Il a donc fallu vider la démocratie de son contenu réel. Cela consiste à
dissoudre le cadre national qui est
un cadre d’enracinement, le cadre historique d’enracinement de la
démocratie. Le parlementarisme a été
affirmé et en même temps vidé de son contenu : il n’y a plus de
séparation des pouvoirs et le prétendu
pouvoir législatif est totalement dominé par l’exécutif. Le vrai pouvoir
est dans les mains des dirigeants
oligarchiques des grands partis politiques en liaison avec de puissants
lobbies syndicaux, bancaires,
culturels et cultuels. La démocratie directe est bannie (sauf en Suisse et
avec de grandes restrictions aux
USA, en Italie et en Allemagne) car le citoyen doit être réduit à la
condition de spectateur, non d’acteur,
de la politique. Le citoyen est magnifié en paroles mais il est réduit dans
les faits à n’être qu’un agent
économique, une matière première de premier choix, un « animal technicisé
» (autre formule de
Heidegger).
Tout d’abord, l’oligarchie, jouant les apprentis sorciers, cherche à
enlever aux hommes leurs racines pour
les rendre plus interchangeables ; c’est ce que Heidegger appelle « la
destruction de la terre » produite par
le Gestell. La race a été la première à être mise aux gémonies, au nom
des horreurs commises lors de la
deuxième guerre mondiale. Puis c’est le tour de la nation, de son histoire
(qui doit devenir l’occasion de
repentance), de la famille (dont l’existence serait une insulte aux
homosexuels, semble-t-il) !
L’immigration a été encouragée pour affaiblir ce qui restait de racines.
Les résistants ont été diabolisés,
traités de « populistes » voire de « racistes », l’accusation suprême.
Tout cela se fait au nom d’une morale
politique imposée qui n’a jamais fait l’objet du moindre référendum !
Sous ces prétextes moraux, il y a en
réalité la volonté de ramener l’homme à sa condition sujette de matière
première disponible pour le
pouvoir oligarchique.
L’oligarchie assiste complice au déclin des valeurs transcendantes, et
l’argent devient peu à peu la seule
valeur suprême. Les politiques de lutte contre la discrimination n’ont pas
d’autre but : on ne doit jamais
faire de distinction entre les hommes, sauf par l’argent, seul critère de
discrimination reconnu !
Bien sûr, tout cela a des conséquences négatives : la montée du crime tout
d’abord. L’immense majorité
des crimes et des délits sont commis pour de l’argent : les grands trafics
mondiaux criminels, trafic de
drogue, trafic d’êtres humains, trafic d’armes, n’ont pas d’autre
objet que de rapporter de l’argent.
Comme l’écrivait plaisamment Sigmund Freud : dès qu’il s’agit
d’argent, le surmoi en Amérique devient
très tolérant : aujourd’hui, cela atteint tout l’Occident ! Les crimes
et délits sont passés de 1,5 million en
France, chiffre stable de 1946 à 1966, à 4,5 millions aujourd’hui !
Le philosophe Arnold Gehlen a dénoncé l’effondrement de la culture en
Occident, laissant la place à un
monde où la cruauté s’unit avec le bien être matériel. En effet,
l’homme est naturellement chaotique (6) :
« L’instabilité intérieure de la vie pulsionnelle humaine apparaît sans
limites. Ce sont des formes
***LIEN***
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d’inhibition rigides et toujours limitatives, découvertes par
l’expérience au cours des siècles et des
millénaires, comme le droit, la propriété, la famille monogamique, la
division précise du travail, qui ont
imposé leur marque à nos pulsions, et à nos pensées, qui les ont
façonnées selon les hautes exigences
exclusives et sélectives que nous appelons la culture. Ces institutions, le
droit, la famille monogamique, la
propriété ne sont nullement naturelles et sont très fragiles. Tout aussi
peu naturelle est la culture de nos
instincts et de nos pensées qui doit bien plutôt être rigidifiée, soutenue
et tirée vers le haut par l’action
extérieure de ces institutions. Et si l’on retire ces appuis, nous
retournons très vite à la primitivité. »
« Quand les sécurités – les stabilisateurs que contiennent les traditions
établies – tombent et sont détruites,
notre comportement perd toute forme, il est déterminé par les affects,
devient pulsionnel, imprévisible, on
ne peut se fier à lui. Et dans la mesure où normalement le progrès de la
civilisation exerce une action
destructrice, c’est-à-dire qu’il érode les traditions, les droits, les
institutions, il rend l’homme naturel et le
rend primitif et le rejette à l’instabilité naturelle de sa vie
instinctive. Le mouvement conduisant à la
décadence est toujours naturel et vraisemblable, le mouvement vers la
grandeur, l’exigence et le
catégorique est toujours imposé, difficile et invraisemblable. (…) La
culture est l’invraisemblable, c’està-
dire le droit, la moralité, la discipline, l’hégémonie de la morale.
(…) Quand les jongleurs intellectuels,
les dilettantes, s’imposent au premier plan, quand souffle le vent de la
pitrerie universelle, les institutions
les plus anciennes et les corporations professionnelles rigides se défont
elles aussi, le droit devient
élastique (laxiste), l’art nervosité, la religion sentimentalité. Alors
l’oeil expérimenté aperçoit sous l’écume
la tête de Méduse, l’homme devient naturel et tout devient possible (voir
les crimes de masse du XXe
siècle). Il faut alors dire : retournons à la culture ! » Car nous
retournons vers une nature chaotique, celle
« de la faiblesse de la nature humaine qui n’est pas protégée par des
formes strictes ».
Après les racines et les valeurs culturelles, voyons ce qu’il en est dans
le domaine du sacré et de la
religion.
Tocqueville a montré comment le socle religieux permettait à la démocratie
américaine de fonctionner.
L’oligarchie au service de l’arraisonnement utilitaire se méfie du
religieux et veut le cantonner à la sphère
intérieure de l’individu. Il importe que l’homme soit centré sur son
ego, sur ses plaisirs et qu’il soit ainsi un
consommateur parfaitement inoffensif. On a vu comment un candidat à la
Commission européenne,
Rocco Buttiglione, a été éliminé pour avoir fait savoir ses convictions
religieuses ! Le sacré est quelque
chose qui peut s’opposer à l’interchangeabilité des hommes et doit donc
être éliminé ou cantonné dans la
sphère privée. Par ailleurs, dès lors que l’utilitarisme règne, tout
sens du sacrifice lié au sacré est quelque
chose de parasite qu’il convient de marginaliser. Le sacré doit
disparaître car le prosaïque, avec le Gestell,
devient totalitaire.
Enfin, si la démocratie est fondée sur des racines nationales, des valeurs
morales transcendantes et un sens
du sacré, elle repose aussi sur l’idée du citoyen responsable, qui veut
participer au destin de sa patrie. Or,
on n’a plus besoin d’une démocratie de citoyens et le citoyen est prié
de devenir un simple spectateur des
médias. Les politiciens deviennent des pitres, des comédiens pour amuser la
galerie. Les choses sérieuses
relèvent d’une « gouvernance » réservée aux experts. C’est
d’ailleurs une telle gouvernance d’experts
achetés d’avance qui nous a menés à la grande crise financière venue des
Etats-Unis l’an dernier ! La
gouvernance d’antichambres se substitue au pouvoir des chambres. Nos
régimes ne sont parlementaires
que de façon fictive. La réalité du pouvoir est dans les mains du seul
exécutif, qui a vassalisé le Parlement
et qui gouverne en réseau avec les patrons des puissants lobbies syndicaux,
patronaux, cultuels et
culturels. Dans cet esprit, la démocratie directe n’est pas envisagée car
elle risquerait de mettre en échec,
non le pouvoir des chambres parlementaires, qui est réduit, mais le pouvoir
bien réel des antichambres et
des lobbies.
5/ Résistance et libération
L’oligarchie au pouvoir est la traduction politique du Gestell, lequel
n’est pas une création volontaire de
l’être humain mais une figure imposée par ce que Heidegger appelle
l’histoire de l’Etre. Cette oligarchie
ne peut donc être renversée que si des conditions objectives le permettent.
Ces conditions, comme ce fut
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le cas pour l’URSS, sont l’effondrement démographique, économique et
financier. « C’est du danger que
vient ce qui sauve », a écrit le poète Hölderlin. Mais il n’est pas
interdit de préparer le tournant qui doit
marquer la sortie du Gestell nécessaire à la survie même de l’humanité.
Les deux piliers de cette
préparation sont la prise de conscience et la mobilisation.
La prise de conscience consiste à réaliser qu’on n’est absolument pas en
démocratie mais en oligarchie.
C’est la prise de conscience politique indispensable. Il y a aussi la prise
de conscience métaphysique de ce
qu’est le Gestell et du danger qu’il représente pour l’être même de
l’homme, notamment de l’homme
occidental. Le Gestell, comme l’écrit Heidegger, détruit notre terre et
nos racines, obscurcit notre ciel et
nos valeurs, fait fuir la Divinité et le sacré et massifie totalement les
hommes. Tout ce qui va dans le sens
opposé est donc bienvenu : la défense des racines et des valeurs, la
référence à un sacré en dehors de
l’ego et la résistance à la massification barbare accomplie par les
médias (et l’urbanisme, entre autres !).
Outre la prise de conscience, qui suppose la plus large diffusion de nos
analyses, il y a la mobilisation. Il
existe en effet dans notre société des forces de résistance, celles de tous
les milieux sociaux qui ne sont
pas soumis à la seule logique purement utilitaire à court terme. C’est le
cas des victimes du Gestell :
victimes de la délinquance, victimes du déracinement, victimes de la
dictature fiscale et de l’inefficacité
économique, victimes de la mauvaise éducation de leurs enfants, etc.
Mais les victimes en soi ne sont pas porteuses d’histoire si elles ne sont
pas elles-mêmes mobilisées par ce
que j’appelle les héros. Les héros, ce sont tous ceux qui se dévouent au
bien commun, souvent pour un
profit modique : soldats des corps d’élite, policiers qui chassent le
crime, magistrats antiterroristes,
professeurs amoureux de la vérité, prêtres courageux et j’en passe ! Ces
forces varient selon les pays.
Malheureusement, je ne suis pas sûr qu’elles soient les plus puissantes en
France. Elles existent aussi aux
USA bien que ce soit le centre du Gestell à présent. En Europe, elles sont
plus fortes dans un quadrilatère
alpin entre Zurich, Munich, Vienne et Milan : on le voit aussi politiquement
à la force des mouvements
qualifiés de populistes en Italie du Nord, en Suisse, en Autriche ou en
Bavière. On le voit aussi à la force
des traditions populaires et des valeurs traditionnelles dans ces pays qui
sont en même temps à la pointe
du progrès technologique et économique. On le voit à la force de leur
sociologie fondée sur un tissu
puissant de petites et moyennes entreprises assises souvent sur une structure
familiale de la propriété. Il
faudrait qu’une solidarité active s’organise entre ces forces qui restent
aujourd’hui dispersées.
Prise de conscience et mobilisation : voici ce qu’il y a à proposer
aujourd’hui ! Merci de votre attention !
Yvan Blot
Institut néo-socratique
19/10/2009
Notes :
1. Aristote, Politique, GF Flammarion, 1990, livre 4, chapitre 5, p. 297.
2. Ibidem, chapitre 6, p. 363.
3. Das Gestell : exposé fait à Brême, publié dans la Gesamte Ausgabe
(oeuvres complètes), Klostermann
(Frankfurt-am-Main), 2005, volume 79.
4. Arnold Gehlen, Anthropologie et Psychologie sociale, PUF, 1990.
5. Friedrich Nietzsche, Also sprach Zarathustra, Kröner Verlag, Stuttgart
1969; traduit de l’allemand par
Yvan Blot.
6. Arnold Gehlen, ibidem, p. 67 et 68.
Correspondance Polémia
28/10/2009
Image : Domination des Eupatrides VIIe av. J.-C.
Yvan Blot
***LIEN***
6 sur 6 09/11/2010 15:20 |
Je pense qu'on ne combat pas une chose avec ses propres armes.
Et que par conséquent leur solution ne peut pas marcher, débuter.
D'habitude les choses se détruisent suffisamment bien elles-mêmes ...
Quelle gloire y aurait-il à accélérer un mouvement d'un pouillème ?
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