mikee
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Posté le: Jeu Déc 02, 2010 12:09 pm Sujet du message:
La Provence a
écrit: | la "révolution" de
Cantona taclée par Christine Lagarde
"Monsieur Cantona n'est pas à une provocation près. C'est un immense
footballeur, je ne suis pas sûre qu'il faille le suivre dans toutes ses
suggestions ", a déclaré la ministre de l'Économie lors d'une conférence
de presse hier.
"Je ne me risque pas à jouer au football et Éric Cantona devrait éviter de
jouer à l'économiste", a répondu Christine Lagarde à l'appel de la star à
vider en masse les comptes bancaires pour changer "le système".
L'ancien attaquant de l'OM et de Manchester United reconverti en comédien
s'est prononcé récemment pour un tel "bank run", une opération amplement
relayée sur internet et qu'un collectif souhaite organiser le 7 décembre
dans plusieurs pays d'Europe.
"Monsieur Cantona n'est pas à une provocation près. C'est un immense
footballeur, je ne suis pas sûre qu'il faille le suivre dans toutes ses
suggestions ", a déclaré la ministre de l'Économie lors d'une conférence
de presse hier. Les analystes financiers spécialisés dans le secteur
bancaire relativisent la portée de l'appel et ne craignent pas que cela
puisse entraîner une crise de liquidité. |
EDIT : Source : legrandsoir
Legrandsoir a
écrit: |
Juan TORRES LOPEZ
Le footballeur connu Eric Cantona a lancé en France un mouvement populaire
pour retirer son argent des banques le 7 Décembre prochain (*lien supprimé*)
[initiative lancée en fait par Géraldine Feuillien et Yann Sarfati, voir
lien - NDR].
Pour connaître les effets possibles de cette initiative, nous avons
interviewé Juan Torres López, professeur d’économie, membre du comité
scientifique d’ATTAC - Espagne, et auteur des livres Desiguales (Inégaux),
Mujeres y hombres en la crisis financiera (Femmes et hommes dans la crise
financière), avec Lina Gálvez, et La crisis de las hipotecas basura. ¿Por
qué se cayó todo y no se ha hundido nada ? (La crise des hypothèques
poubelle. Pourquoi tout tombe dedans et rien n’y sombre ?), avec la
collaboration d’Alberto Garzón .
Alberto Montero Soler : Quels effets auraient
une mesure comme celle que propose Cantona ?
Juan Torres López : Logiquement, cela dépend de la manière dont elle est
suivie. Si c’est massivement, les banques n’auraient pas assez de liquide
pour rembourser les dépôts de leurs clients, parce que la banque en occident
travaille avec un système appelé "réserves fractionnées". Ce qui signifie
que de tout l’argent versé par un client, elle ne conserve qu’une partie
(2% actuellement, plus quelques pourcentages additionnels qui dépendent des
règles établies par chaque pays). Le reste est utilisé pour donner des
crédits. C’est pourquoi l’argent de ceux qui le déposent "n’est pas"
à la banque sinon seulement sous formes d’écritures, si bien qu’il ne
pourrait pas être retiré dans sa totalité.
Cela veut dire que les banques ne "conservent"
pas l’argent de leurs clients mais l’utilisent pour faire encore plus
d’argent ?
Effectivement. Le négoce de la banque c’est de créer des moyens de
paiement par les dettes. Chaque fois qu’elle accorde un crédit avec cette
part de l’argent qu’elle ne conserve pas, elle crée de l’argent. Ce
n’est pas de l’argent établi par la loi (de la monnaie et des billets)
mais de l’argent bancaire.
Et elle gagne de l’argent comme
ça...
C’est clair qu’elle y gagne. Elle gagne beaucoup d’argent, puisqu’elle
perçoit davantage pour prêter que pour recevoir un dépôt. Et elle gagne le
pouvoir puisque, comme tout le monde le sait, l’argent donne le pouvoir de
décision et de jouissance.
Et les gouvernements ne pourraient pas éviter
une situation de ce type en rendant impossible de retirer ses dépôts
?
Théoriquement, les gouvernements se sont engagés à garantir les dépôts
des clients mais logiquement sous forme d’"argent bancaire". Ce qui se passe
c’est que si tous, ou un nombre très important, nous allons tous en même
temps retirer notre argent, ce ne sera pas possible. Ce qu’ont fait les
gouvernements c’est émettre un vœu pieux [brindis al sol] pour que
subsiste le système des réserves fractionnées. Maintenant, à un moment
donné, ils peuvent décréter qu’on ne pourra pas retirer d’argent, comme
cela s’est produit en Argentine pour aider les banques et les grands
épargnants.
Croyez-vous que l’appel de Cantona aura du
succès ?
Je suppose qu’au début il ne sera pas suivi par des millions de personnes.
C’est pourquoi je ne crois pas qu’il ne sera pas si efficace que ça sur
le problème des liquidités, qu’il ne va pas entraîner comme il l’a dit,
le début du ras-le-bol des gens à propos des banques. J’ai lu une fois que
Henry Ford aurait dit que si les gens savaient ce que les banques faisaient de
leur argent, le jour suivant, il y aurait une révolution.
Le rôle des banques a été si négatif lors
de cette crise ?
Je crois que oui. Si vous me permettez l’expression, elles ont été en
même temps l’arme du crime et celui qui a appuyé sur la détente. Au lieu
de consacrer les économies qu’elles ont reçues à des investissements
productifs, elles les ont fournies à la spéculation. Et à d’autres
affaires sales : les banques, ce sont elles qui permettent de blanchir
l’argent, qui s’installent dans les paradis fiscaux, qui servent de
véhicule pour le trafic d’armes, de drogues, de personnes ou pour que les
terroristes déplacent leur argent, elles qui financent à coups de milliers
de millions les affaires les plus sales et les personnes les moins
présentables du monde, pendant que les petits et moyens entrepreneurs
transpirent à grosses gouttes pour obtenir un crédit de quelques 1 000
euros. En plus, grâce au pouvoir financier qu’elles ont acquis, elles ont
étendu leur influence à la politique, aux médias, à la création de
matrices de pensée, à l’éducation... Et elles ont imposé des politiques
qui produisent de grandes inégalités et font ainsi que les crises sont aussi
récurrentes et graves. Il n’y a pas aujourd’hui un élément décisif de
la vie sociale qui puisse bouger sans avoir à faire à une banque.
Donc, vous pensez qu’il est justifié que
les gens sortent leur argent des banques ?
Complètement, mais avec des nuances. Les gens en ont le droit et je dirais
que c’est même un devoir moral de signifier à la banque qui fait tout ça,
que non, ils ne veulent pas qu’avec leur argent on fasse ce genre de choses.
Mais je dis que je nuancerais parce qu’il y des banques éthiques et que
toutes les banques ne se comportent pas de la même façon. Ce qui est à
faire c’est porter cette expression de rage et de refus à la banque sale
avec la demande d’un nouveau genre de banque. [Demander] la mobilisation de
l’épargne et sa mise à disposition de ceux qui ont besoin d’un
financement extérieur pour créer de la richesse. C’est à dire qu’une
activité financière est fondamentale dans tout système économique. C’est
une bêtise d’y renoncer. C’est pourquoi il est important de non seulement
retirer l’argent des banques qui font effectivement tant de mal, mais aussi
de créer un autre système financier, propre, transparent, au service de la
création de richesse.
Comment serait cet autre système financier
?
Eh, bien, je pense qu’au lieu d’être un système chaque fois plus
centralisé et concentré, comme le veulent les propriétaires des banques
privées pour mieux contrôler les marchés et la société, il devrait être
organisé à différents niveaux. Je pense évidemment qu’il doit y avoir
des banques de dimensions importantes et internationales parce
qu’aujourd’hui il est nécessaire de financer des projets de
développement de grande envergure. Mais elles ne peuvent être ni privées
(parce qu’elles chercheraient logiquement uniquement leur propre profit) ni
contrôlées de manière aussi antidémocratique que l’est par exemple
aujourd’hui la Banque Mondiale. Et pour éviter ce dernier écueil le mieux
est qu’elles soient "aux côtés" des gens, qu’elles soient soumises à
des principes de conduites très stricts et à un contrôle social permanent,
pluriel et démocratique.
Et les plus grandes de ces banques
continueraient à fonctionner avec des réserves fractionnées ?
Non, non, c’est le système qu’il faut changer. Si ça continue de la
même façon, nous nous retrouverons toujours dans la même chose. Il y a des
manières de faire pour qu’une banque fonctionne parfaitement et accomplisse
son travail de financement des activités productives sans réserves
fractionnées. Je ne dis pas que cela serait facile à organiser mais c’est
faisable
Et le reste ?
Le système financier fonctionne mieux et provoque moins de problèmes quand
il est plus décentralisé. Il faut créer des réseaux et un système de
financement à de multiples niveaux et avec de multiples fonctions. Il est
fondamental que les gens qui épargnent soient aussi maîtres du destin de
leur épargne, qu’ils interviennent au moment de décider de son
utilisation. Il serait ainsi plus facile que tous nous soyons plus imaginatifs
et entreprenants, que nous ne considérions plus la création de richesse,
d’emploi, ou de sécurité et de bien-être comme "un plus", mais comme
étant aussi la nôtre, dépendante de notre activité et de notre travail, de
notre épargne, de nos initiatives et de nos décisions. Il faut arriver à ce
que les finances ne rendent pas esclaves les consommateurs ou les petites et
moyennes entreprises, qui, du début à la fin, sont celles qui créent et
assument en Espagne plus de 90% de l’emploi. Et pour cela, le mieux est que
ce soient elles qui décident ce qu’on fait de l’épargne et qu’elles ne
dépendent pas des grandes et lointaines institutions financières, qui,
c’est logique, cherchent à accroître leurs profits avec une perspective
globale. Qu’importe à la Banque de Santander - qui poursuit l’objectif
d’avoir chaque jour des gains plus élevés - l’effet de son action
financière sur une femme du Bierzo qui a besoin de 1 500 euros pour ouvrir un
salon de coiffure, ou pour un charpentier qui emploie cinq travailleurs dans
une bourgade et estime à 5 000 euros ce qu’il lui faudrait pour changer ses
machines ? Ils peuvent dire ce qu’ils veulent dans la propagande mais le
fait est que les résultats des grandes banques qui aujourd’hui dominent la
finance dépendent d’autres variables, et qu’elles ne vont pas s’occuper
du bon fonctionnement des "affaires ordinaires de la vie" qui sont celles qui
constituent l’objet de l’économie, disait Alfred Marshall.
Vous faites référence à ce qu’on appelle
maintenant les micro-crédits ?
Oui, mais pas seulement. Il faut créer et soutenir les réseaux
interpersonnels de secours financier, appelons ça comme ça. Les finances ont
aussi à voir avec la solidarité et la générosité. Mohamed Yunus a
démontré avec son expérience des micro-crédits que les finances basées
sur ces valeurs aidaient plus à sortir de la pauvreté et à créer de la
richesse que celles basée sur le profit, ou, évidemment, celles qui incitent
à la spéculation financière. Mais il faut aussi établir un autre mode de
finance, à un niveau intermédiaire. Comme je le dis, vous n’avez pas
l’impression que le financement du [petit] secteur privé, des petits
entrepreneurs, qui ont besoin la plupart du temps de l’appui financier de
petites ou moyennes entités dépend de corporations financières
gigantesques. Il est bien mieux que cela soit lié à l’épargne
décentralisée. Il en a toujours été ainsi et il y a eu davantage de
possibilités financières pour la création de richesse. Aujourd’hui, il
paraît que nous vivons dans l’abondance des moyens de financement, mais en
réalité elle n’a existé et n’existe que pour financer les affaires de
grande dimension, ou pour créer une dette artificielle destinée à financer
les bulles et la spéculation.
Donc, vous recommanderiez de retirer son
argent des banques conventionnelles ? Vous-même, vous retirerez le vôtre
?
Bon. Je suis client de Triodos Bank. On pourrait dire que je l’ai déjà
retiré, au moins en grande partie parce qu’il y a encore aujourd’hui de
grandes difficultés pour que tous les retraits ou paiements puissent se faire
hors de la banque traditionnelle. Et j’ai d’autres alternatives pour
déposer mon épargne, Fiare, des coopératives variées dans quelques
communautés autonomes. Bien qu’elles utilisent encore le même système de
réserves fractionnées, elles sont beaucoup plus transparentes et ne font pas
les investissements méprisables que fait la banque conventionnelle.
Et il faudrait faire cela massivement
?
Je pense que nous devrions être conscients massivement de ce qu’est en
train de faire la banque conventionnelle, de ce qu’il est nécessaire
qu’il y en ait une autre, différente, publique et privée, sans le
privilège de créer de l’argent privé. Et, évidemment, que de plus en
plus de gens confient leur argent à une banque éthique ou aux coopératives
de crédit, bien meilleures.
Mais on peut utiliser le retrait des fonds
comme une arme contre la banque ? Cela ne provoquerait-il pas des grincements,
une cassure généralisée des banques ?
C’est à voir, allons-y point par point. Si les banques sont aujourd’hui
proches de la cassure, ou victimes d’une cassure dissimulée, ce n’est pas
précisément par la faute de leurs clients qui souhaitent protéger leur
argent de l’irresponsabilité et de la cupidité des banquiers. Qui plus
est, les gens ont le droit de retirer leur argent de la banque quand ils le
veulent. C’est le leur ! Et s’ils veulent le faire massivement, ce qui
dans tous les cas briserait les banques, ce ne serait pas par cette décision
de leurs clients, mais par le systèmes de réserves fractionnées.
Mais ce n’est pas irresponsable l’appel de
Cantona ?
Il est possible que c’est ce que diraient ceux qui ont fait sombrer le
système financier mondial en provoquant une crise sans précédent, ou ceux
qui les appuient depuis les gouvernements, mais la responsabilité de ce qui
peut se passer au niveau du système financier n’est pas à rejeter sur
Cantona. Ca serait bien ! Cantona est un citoyen, comme tant d’autres, qui
en a assez des irresponsables. Autre chose est que ce moyen soit décisif et
qu’il soit utile à lui tout seul.
Que voulez-vous dire par là ?
Eh, bien, il ne suffit pas de dire aux gens de sortir leur argent des banques.
C’est bien comme étincelle, comme appel à l’attention, comme
avertissement, comme provocation... Mais il est nécessaire qu’il y ait des
alternatives. Cette proposition ne peut être une fin en soi. En tout cas,
cela doit être un moyen de pression pour quelque chose. Je pense qu’elle
doit être accompagnée, si elle est suivie, de la revendication d’une
banque publique, de la disparition des banques responsables de la crise,
d’autres politiques économiques et financières, de l’exigence de
nouvelles normes et modes de fonctionnement dans la finance et, par dessus
tout, de l’exigence de garanties pour ce qui revient financer l’économie
pour qu’elle fonctionne,et qui n’est pas garanti aujourd’hui par la
banque privée ... Nous travaillons dans cette direction à ATTAC par exemple.
Ce qui se passe, c’est qu’en toute rigueur on ne peut écarter le fait que
si les banques continuent à pressurer les gouvernements, si elles continuent
à attaquer les états et exigent des limitations des droits pour aller de
l’avant les gens en aient assez. Et je serais le premier à être favorable
à des mesures bien plus agressives. Parce que s’ils sont insatiables, la
patience des gens a des limites.
Juan Torres López est professeur d’économie appliquée à l’Université
se Séville.
Alberto Montero Soler est professeur d’économie appliquée à
l’Université de Malaga.
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