alcibiade
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Posté le: Sam Juil 28, 2007 14:20 pm Sujet du message: Destruction de livres et religion
Je ne pense pas surprendre beaucoup de gens en annonçant qu'au nom de l'islam
et du christianisme, on a détruit un nombre incalculable de livres. Pourquoi,
selon vous ? Quelle est l'explication de cette fureur qui a mené les
autorités religieuses à bruler des ouvrages par milliers, de Porphyre à
Diderot et même des bibles traduites en "langue vulgaire" ? Quels sont selon
vous les moteurs de cette rage qui a duré des siècles ?
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uacuus
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Posté le: Sam Juil 28, 2007 19:06 pm Sujet du message:
Cette rage n'était pas forcément insensée, il n'y a qu'à voir la
surproduction de sous-écrits pour regretter le bon vieux temps de
l'inquisisition. Dans un bel acte de foi, il me serait plaisant de brûler
tout Coelho tout Lévy, et tout Werber.
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ICEBLOCK
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Posté le: Sam Juil 28, 2007 20:54 pm Sujet du message:
uacuus a
écrit: | Cette rage n'était pas
forcément insensée, il n'y a qu'à voir la surproduction de sous-écrits
pour regretter le bon vieux temps de l'inquisisition. Dans un bel acte de foi,
il me serait plaisant de brûler tout Coelho tout Lévy, et tout
Werber. |
Je ne suis donc pas le seul à ne pas accrocher du tout à Coelho et Werber...
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Méphistophélès
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Posté le: Sam Juil 28, 2007 21:12 pm Sujet du message:
A croire qu'il faille aimer les livres d'un amour véritable pour songer ainsi
à les bruler cérémonieusement.
Cela me rappelle cette histoire complètement folle des Combustibles de Nothomb: un vieux professeur
de lettres séquestré sur son lieu de travail doit utiliser ses ouvrages
comme combustible afin d'allumer la cheminée et de survivre au froid mordant
d'un hiver particulièrement rigoureux. Bien évidement, il lui fait choisir
à chaque fois quel livre sera sacrifié, et le mouvement se répète jusqu'à
épuisement total de la bibliothèque; la mort s'en suit.
"On a créé de l'énergie,
s'esclaffait le diable de Pauwels, mais on a
perdu de la chaleur humaine..."
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alcibiade
Suprème actif


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Posté le: Lun Juil 30, 2007 15:58 pm Sujet du message:
Citation: | A
croire qu'il faille aimer les livres d'un amour véritable pour songer ainsi
à les bruler cérémonieusement.
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L'amour d'UN livre justement. Onfray dit qu'ériger un livre en parole de Dieu
a amené à détruire les livres qui le contredisaient. Et c'est vrai que
cette explication n'est pas insensée...Même dans les actes des apotres on
parle déjà destruction de livres.
"Plusieurs de ceux qui avaient cru venaient confesser et déclarer ce qu'ils
avaient fait.
Et un certain nombre de ceux qui avaient exercé les arts magiques, ayant
apporté leurs livres, les brûlèrent devant tout le monde : on en estima la
valeur à cinquante mille pièces d'argent. "
Actes des apotres chapitre 19
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ICEBLOCK
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Posté le: Lun Juil 30, 2007 16:39 pm Sujet du message:
"Un assez grand nombre de ceux qui avaient pratiqué la sorcellerie
apportèrent leurs livres [de sorcellerie] et
les brûlèrent devant tous [pour montrer qu'ils
changeaient de foi]." Actes 19 : 19
C'est symbolique, ils brûlent les bouquins de sorcellerie pour montrer la
rupture avec leur ancienne croyance (renaissance par le feu blablabla), c'est
tout. Mais, la Bible ne dit pas "Brûlez vos bouquins de philo et vos
classiques, car c'est l'incarnation du Mal".
Dernière édition par ICEBLOCK le Lun Juil 30, 2007 23:07 pm; édité 1 fois
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Méphistophélès
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Posté le: Lun Juil 30, 2007 18:44 pm Sujet du message:
La philo, caaaaay le mal !
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uacuus
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Posté le: Lun Juil 30, 2007 21:49 pm Sujet du message:
J'ai oublié Onfray dans ma liste des livres à brûler.
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K
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 00:50 am Sujet du message:
et j'aimerais ajouter Nothomb sur les braises, si personne ny' voit
d'inconvénient, sans vouloir offenser le moins du monde Méphistophélès.
la meilleure scène de bûcher littéraire que je connaisse est celle de Don
Qichotte, chapitre VI si je me souviens bien ; ah, les curés qui jugent la
littérature... on en revoudrait des comme ça (malheureusement on n'est pas
loin d'en AVOIR des comme ça.)
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Méphistophélès
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 08:40 am Sujet du message:
Mais d'où vient chez les jeunes littéraires cette haine implacable envers
nos auteurs contemporains: n'avez-vous donc aucune pitié à l'endroit de vos
collègues - Nothomb est licenciée en philologie romane si je ne m'abuse et
elle emploie encore plus de mots bizarres que moi
J'aime beaucoup son style mordant, la caractérisation décalée de ses
oeuvres; cette construction très intuitive et déstructurée à la fois. Et
vous savez quoi ? A choisir entre un Stendhal pompeux et lourd, imbibé
d'italienneté moralisatrice et un Nothomb: y a pas photo. J'ai vomi la Chartreuse de Parme, j'ai vomi Le Rouge et le Noir, et je sens que les
Chroniques italiennes ne sont pas loin
d'emprunter la même voie (voix ?)...
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uacuus
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 11:49 am Sujet du message:
Nothomb est injustement méprisée, elle n'est pas un grand écrivain, mais
elle restera probablement, comme de la littérature extrèmement plaisante.
Quant à Stendhal, s'il a un défaut, c'est beaucoup plus la sécheresse que
le style pompeux ou moralisateur. Il est par ailleurs exrèmement mordant et
féroce.
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K
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 12:52 pm Sujet du message:
je n'aime pas la Nothomb qu'on encense, c'est tout. après, elle reste tout à
fait lisible, oui, bien que je ne trouve pas son trait franchement plaisant ;
mais ceci ne concerne que moi. et pour stendhal, s'il me faut choisir, mon
camp est celui de Méphistophélès, sans hésiter, même si "pompeux" n'est
pas le qualificatif que j'aurais employé. contrairement, je ne sais pas,
à... Proust, par exemple, dont les troubles du sommeil présentés comme des
drames pour l'humanité ne m'intéressent que fort peu.
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Méphistophélès
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 14:20 pm Sujet du message:
Oui bon, j'ai tendance à trouver pompeux toutes ces circonlocutions tournant
autour des malheurs d'une pauvre jeune fille qui, par un hasard malheureux, a
vu son foulard lui échapper un jour de grand vent, et par là-même, a
dévoilé bien involontairement ses blanches épaules. C'est une autre
époque, ce qui implique bien evidemment d'autres moeurs - j'entends bien -
aussi me permets-tu d'échanger mon "pompeux" contre un plus modeste "cul-cul"
? Et je maintiens que son style est d'une rare lourdeur.
Outre l'affaire du foulard, l'on trouve parfois chez Stendhal un peu de sexe,
un peu de libertinage, du cul kôa, enfin ! Mais très franchement, un
onaniste un tant soit peu rigoureux lui préfèrera de très loin Sade. Entre
les Cenci et Justine: y a pas photo
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uacuus
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 14:42 pm Sujet du message:
Au point de vue onanistique, Stendhal n'est pas une référence. Par contre il
fait autorité sur les fiascos, l'impuissance, et la désillusion érotique.
Ses descpriptions de femmes amoureuses ou pudiques peuvent paraitre cul cul,
mais à chaque fois, il y a une analyse assez approfondie de tourments
intérieurs, dont les mesquineries sont aussi dessinées. Il y a une
permanente ironie, y compris pour voir les sentiments romantiques.
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uacuus
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 14:45 pm Sujet du message:
Quant à Proust, le passage sur l'insomnie est un des textes les plus géniaux
que j'ai lus. Il importe peu que le point de départ semble faible, l'enjeu de
cette insomnie. C'est une page de littérature sur l'angoisse qui est d'une
puissance à mon sens inégalée. Tu aurais tort de croire que certains sujets
sont trop petits et ne méritent pas de grands développements, c'est au
contraire le déploiement et le génie du style qui donnent intérêt et vie
à toute chose.
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Méphistophélès
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 15:09 pm Sujet du message:
Pas d'accord, je ne pense pas qu'il y ait véritablement d'analyse approfondie
de la psychologie des personnages de l'oeuvre de Stendhal. Bien au contraire,
ces dernières m'apparaissent tout à fait vides, privés de substance:
l'ethopée comme la prosopographie ont ici un rôle purement fonctionnel - les
femmes sont belles, les hommes charismatiques et courageux - celui de la
distribution des rôles. Ainsi, toute l'oeuvres de Stendhal tourne autour de
cette double articulation: stéréotype et protoype.
Lorsqu' Hélène se morfond dans son couvent, ce n'est pas la détresse
d'Hélène qui nous est contée, mais celle du "personnage femminin vertueux
dont la faiblesse entraîne son déclin". Lorsque Fabrice del Dongo vient
faire des coucous à sa petite copine - dont j'ai oublié le nom - il est en
tout point semblable à un Jules Branciforte: aventurier vertueux quoique un
peu bêta, mais absolument privé de personnalité.
Stendhal se veut portraitiste de la bonne morale italiano-française des XVI
et XVIII, mais il n'a rien d'un naturaliste à la Zola. Son oeuvre n'a pas
même pour ambition de nous dévoiler l'intériorité d'un être ou d'une
catégorie socioculturelle: il ne fait que nous parler morale; tout en
s'amusant à planter ça et là des décors quasi théatraux pour y faire
jouer des tragédies plus ou moins saugrenues - sans doute du goût de
l'époque. En fait, je le vois plus historien que romancier: ce qui transpire
véritablement de toutes ses oeuvres, c'est son amour de la culture italienne,
de son passé, de ses moeurs, du fonctionnement de ses institutions; et
l'importance qu'il donne à la chronographie par rapport à son récit semble
aller dans le sens de mon propos.
Cela étant: je ne dis pas que c'est mal, je dis que ça m'emmerde.
Dernière édition par Méphistophélès le Mar Juil 31, 2007 15:38 pm; édité 1 fois
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uacuus
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 15:20 pm Sujet du message:
Le personnage véritablement consistant de l'abesse de Castro, c'est la mère
d'Hélène. Elle fait preuve d'une énergie, d'une ruse, et d'une forme de
possessivité tout à fait intéressante. La fin où elle arrive par un tunel
qu'elle à fait creuser est chargée de symboles (d'où l'aspect de
stéréotype que tu peux voir), mais si tu regardes le style et les débats,
il se dégage néanmoins une certaine intériorité des personnages, alors
même que l'univers dans lequel ils progressent a quelquechose de factice, et
est plus une sorte de géographie symbolique, qu'un milieu "scientifiquement"
décrit à la manière naturaliste. Donc il y a des scènes de balcon,
d'empoisonnements, toutes choses qui relèvent de topos fantasmés, mais qui
n'interdisent ni la complexité ni l'intériorité. La "morale" du XVI° et
des brigands, ne s'applique pas si aisément au récit qu'on voudrait le
croire. Le "mouvement énergique des passions" qu'il prétend décrire dans
ces personnages, se révèle si on lit, une série de vanités de mensonges de
duplicités et de faiblesses. Tu ne fais pas justice à cette oeuvre en y
voyant, j'ai l'impression, une sorte d'opérette mignonne stéréotypée qui
est étrangère à peu près à tout.
|
uacuus
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 15:25 pm Sujet du message:
Méphistophélès a
écrit: | ce n'est pas la
détresse d'Hélène qui nous ait contée,
. |
C'est juste une mesquinerie en réponse à la Brachylogie.
|
Méphistophélès
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 17:55 pm Sujet du message:
Non, décidément, je ne suis pas d'accord. Je ne peux concevoir que l'on
puisse voir dans le personnage de la mère d'Hélène une quelconque
consistance: la description tant physique que morale est on ne peut plus
impreçise, faisant d'elle un spectre, une vague allégorie, et les quelques
traits de caractère qui lui sont attribués sont absolument indissociables de
la dynamique même de l'histoire.
Pour exemple, dans la première partie de l'Abbesse de Castro (2-1 pour Méphi), le personnage
de la mère est passif tout comme Hélène, parallèlement les figures
masculines sont elles dominantes - Jules, le seigneur de Compireali.
Inversement dans la seconde partie de la chronique les deux femmes deviennent
actives: elles gagnent en profondeur il est vrai, mais seulement dans le cadre
de cette dynamiques contraire, dynamique globale insufflée par une bizarre
forme de destinée tragique qui les pousse ineluctablement vers leur fin
malheureuse; et cette prise de position correspond par un système de vases
communiquants à la lente chute des figures masculines.
Peut-on dire pour autant que les personnages de Stendhal ont une âme ? Je ne
le pense pas: ils tendent, tous autant qu'ils sont à s'effacer derrière le
rôle qui leur est attribué - mère soumise / mère manipulatrice; fille
soumise / heroïne: il est à noter l'alignement parfait de leur personnalité
avec le déroulement du récit. Aussi, leurs actes comme leurs pensées sont
définies par les besoins de la scène - et j'insiste sur les notions de
scène et d'acteur - non pas par quelque inclinaison psychologique qui leur
soit propre.
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uacuus
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Posté le: Mar Juil 31, 2007 18:35 pm Sujet du message:
Méphistophélès a
écrit: | Je ne peux concevoir
que l'on puisse voir dans le personnage de la mère d'Hélène une quelconque
consistance: la description tant physique que morale est on ne peut plus
impreçise, faisant d'elle un spectre, une
vague allégorie, et les quelques traits de caractère qui lui sont attribués
sont absolument indissociables de la dynamique même de l'histoire.
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3-2 pour uacuus.
Les notations psychologiques sont assez brèves il est vrai, réduites au
minimum. L'âme des personnages se déploie surtout par les délibérations
intérieures et les actions, où la présence du narrateur se fait sentir,
même s'il est hors de question d'assomer le lecteur d'analyses sur
l'hérédité ou les conditions sociales de leur caractère.
La mère d'Hélène est une allégorie si vague qu'elle n'en est pas une. Les
mouvements assez thétraux, les scènes de renversements ne sont pas d'après
moi étrangers à une logique interne. La vanité et les préjugés de
Campiréali telles qu'elles ses manifestent par ses actions et ses paroles,
est un moteur de l'action, et les hésitations d'Hélène, son ballotement
incertain entre Jules et sa mère sont un grand intérêt du livre, car s'il y
a une dynamique, et des contradictions, c'est dans ce balancement interne
qu'elles tirent leur origine. Le caractère de la mère moins hésitant, plus
décidé et opportuniste reste pour moi intéressant.
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