Méphistophélès
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Posté le: Mar Juil 24, 2007 19:53 pm Sujet du message: Le vers dans la pomme
Bonjour, bonjour mes lapins.
J'ai comme une envie, là, maintenant - comme
de quelque chose qui se mange dirait l'autre - de lancer une petite
conversation, de m'esclaffer allègrement à vos côtés, de baragouiner des
trucs et des machins. Alors voilà. Je vous propose un vers, quelque chose que
tout le monde connait: je ne sais pas moi ? Ce serait un vers d'Eluard, et le
vers, ce serait "la terre est bleue comme une
orange". Et là, gentiment, je vous demanderais ce que vous en pensez,
comment vous le comprenez, le vers; et accessoirement, vous me répondriez.
Ca vous tente ?
La terre est bleue comme une orange.
Dernière édition par Méphistophélès le Mer Juil 25, 2007 00:29 am; édité 2 fois
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WhiteRabbit
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Posté le: Mar Juil 24, 2007 20:02 pm Sujet du message:
Lapin au garde à vous....
Moi j'aurais bien envie de te répondre que la terre serait bleue comme une orange, si ça devait être
un vers d'Eluard...
Car ne disait-il pas tout de suite "Jamais une erreur les mots ne mentent
pas"...
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uacuus
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Posté le: Mar Juil 24, 2007 20:12 pm Sujet du message:
"La terre est bleue comme un orange": c'est un énoncé absurde et qui se
donne comme tel.
L'absurdité est criante car le mot "orange" a donné le nom même d'une
couleur qui n'a aucun point commun avec le bleu. C'est une absurdité inscrite
dans les mots. Ce qui est assez subtil dans cette absurdité, c'est que
l'analogie entre la terre et l'orange est possible, mais plus par le biais de
la forme que de la couleur.
Cela provoque et amuse, mais franchement, c'est un jeu qui ne va pas bien
loin.
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Sernard
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Posté le: Mar Juil 24, 2007 20:50 pm Sujet du message:
t'a pas lu tintin ????
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Alexandre-le-très-petit
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Posté le: Mar Juil 24, 2007 22:45 pm Sujet du message:
Uacuus ton esprit est terriblement clos, ça me donne envie de pleurer. "La
Terre est bleue comme une orange" : je trouve ces mots moins absurdes que
n'importe quelle banalité évidente. Ce serait absurde de dire quelque chose
que tout le monde connait. Allier les images et les couleurs dans un vers
aussi troublant que limpide, je trouve cela joli, voire fascinant. Au moins,
Eluard n'est pas fade. Tout au plus amer, ou sucré selon les goûts.
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Méphistophélès
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 00:20 am Sujet du message:
Méphistyophélès a
écrit: | "la terre est bleue comme une orange". |
Méphistophélès a
écrit: | La terre est ronde comme une orange. |
Ouarg: gros lapsus. Je suis distrait ce soir - bowling oblige - merci de la
correction
Pourrais-tu développer ton idée Alexandre ? Tu reproches à Uacuus de n'y
voir que de l'absurde, qu'y vois-tu donc, toi ? La simple superposition de
l'image et de la couleur ? Si tel est le cas, je trouve l'absurde autrement
plus subtil et intéressant. J'ai bien mon idée sur la question, mais étant
l'instigateur de ce sujet, il serait normal que je laisse les autres
s'exprimer.
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uacuus
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 00:45 am Sujet du message:
De l'absurdité, on peut faire un art, de même que de la banalité. Dans le
cas de cette phrase, il s'agit d'une jolie absurdité, bien tournée, et assez
subtilement faite. Mais il est vrai que par ma fermeture d'esprit, je ne suis
ni troublé ni fasciné par la limpidité affublée à ce vers.
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Méphistophélès
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 00:53 am Sujet du message:
Je dois admettre que je suis un peu de ton avis, j'irai même jusqu'à dire
que ce vers me laisse perplexe.
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Sernard
De passage
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 10:32 am Sujet du message:
et quand un ver laisse perplexe,...y glasse !!!!!
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Alexandre-le-très-petit
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 11:22 am Sujet du message:
Non je ne reproche pas surtout pas à Uacuus de ne voir que de l'absurde,
puisque nous avons une vision diamétralement opposée de ce sentiment, du
moins en poésie. J'aime ce vers à cause du fossé immense qu'il crée entre
son style et ce qu'il cache. Facile, mais profondément polysémique. Cela
apparait, sous la main d'Eluard, tout à coup évident que la Terre est bleue
comme une orange. Le style égard et conduit à l'erreur. Il déguise
l'impossible en évidence, et cela avec facilité. Eluard ne s'en cache pas :
"J'ai la beauté facile Et c'est heureux." C'est le génie qui donne des
couleurs à l'invisible. Evidemment on pourrait lui attribuer toutes sortes de
significations profondes et ennuyeuses, comme l'évocation féminine, la
perfection, l'universel. Mais on s'en fout du symbole. Ce vers est génial
dans son apparence, seuls les mots comptent; peu importent les comparés.
Eluard mélange toutes sortes d'images incompatibles et nage au delà des
limites. Ce qu'il crée apparait comme être. Rien n'est moins sûr en
réalité, mais nous sommes en poésie. En décidant que "La Terre est bleue
comme une orange", le poète fixe une existence inconnue, impose l'impossible.
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alcibiade
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 11:33 am Sujet du message:
Je suis d'accord avec Uacuus et Méphistophélès. Ce vers est absurde et
l'auteur le voulait ainsi. Il étonne, il amuse, mais pas plus. Je préfère
nettement qu'on décrive la nature comme elle est, à la manière de Virgile
ou Lamartine.C'est bien sur subjectif.
De plus, faire un vers de ce genre est une bonne idée mais en faire des
poèmes entiers dans ce genre est je pense, ridicule et commercial. C'est un
peu comme les monochromes: le premier est d'un génie, les suivants sont du
"foutage de gueule".
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Sernard
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 11:43 am Sujet du message:
le fait que la terre soit bleue rend il les schtroumpff invisibles ????
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Alexandre-le-très-petit
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 13:00 pm Sujet du message:
Vous êtes ennuyeux à en crever.
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WhiteRabbit
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 13:05 pm Sujet du message:
Et bien je ne sais pas trop si je suis d'accord avec quelqu'un,
personnellement...
Mais en tous les cas ce vers a tout de même un pouvoir de plus que celui
d'amuser. Comme le dit Sernard il s'impose comme une évidence, avec tellement
de naturel qu'on n'y lit pas forcément ce qui est écrit.
Méphisto s'est trompé dans son sujet en écrivant La terre est ronde comme une orange, parce que justement
l'analogie terre/orange est évidente pour ce qui est de la forme, le
rapprochement terre/blueue l'est aussi, c'est logique, cela s'impose à
l'esprit.
Il connaissait très bien ce vers d'Eluard, intemporellement célèbre, il
s'est trompé tout de même en l'écrivant car sa logique prend inconsciemment
le pas. Ce vers frappe par son absurdité posée comme un principe, sans mise
en garde, comme ça... On n'y verrait presque pas l'erreur, et du même coup
il nous pousse à regarder la poésie autrement qu'on regarderait la
réalité, autrement que Lamartine, débarassé des constructions de la
logique. Il nous demande de regarder le monde sensible avec des yeux de poète
en quelque sorte, il brise des lois universelles pour construire une image du
monde régie par d'autres règles, il libère le lecteur.
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WhiteRabbit
De passage
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 13:08 pm Sujet du message:
... cela ne se rapproche t-il pas de ce que faisait Baudelaire en donnant des
odeurs aux couleurs et des couleurs aux sons ? Je pense que si personellement.
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Sernard
De passage
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 13:39 pm Sujet du message:
et si la terre etait une cerise cubique de couleur incertaine ????
(je suis pas sur que cela change quoi que ce soit ???? )
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uacuus
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 13:43 pm Sujet du message:
Citation: | J'aime ce vers à cause du fossé immense qu'il crée entre son
style et ce qu'il cache. Facile, mais profondément polysémique. Cela
apparait, sous la main d'Eluard, tout à coup évident que la Terre est bleue
comme une orange. |
Si tu vois une "polysémie" (plusieurs sens), j'y vois plutot un non-sens, en
surface, comme en profondeur. Par ailleurs, tu ne te risques pas à lui
attribuer un sens:
Citation: | Evidemment on pourrait lui attribuer toutes sortes de
significations profondes et ennuyeuses, comme l'évocation féminine, la
perfection, l'universel. Mais on s'en fout du symbole. |
Du surréalisme, tu sembles conserver l'aspect qui me déplait le plus en lui,
un genre de terrorisme intellectuel, qui se manifeste ici par des formulations
définitives agressives et arrogantes de type: "on s'en fout du symbole".
Citation: | C'est le génie qui donne des couleurs à
l'invisible. |
Tu imites un autre trait des surréalistes, un certain dogmatisme, et un appel
à de grandes notions indéfinies et creuses comme "l'invisible", que tu
prends pour des références absolues. Il y a comme une adoration à un Dieu
qui ne veut pas dire son nom, et qui se déguise sous des dénominations de
métaphysique foireuse.
Citation: |
Eluard mélange toutes sortes d'images incompatibles et nage au delà des
limites. Ce qu'il crée apparait comme être. Rien n'est moins sûr en
réalité, mais nous sommes en poésie. En décidant que "La Terre est bleue
comme une orange", le poète fixe une existence inconnue, impose
l'impossible. |
Bon tout ça pour dire que le poète fait ce qui lui chante, et que du moment
qu'il dit quelquechose d'impossible ou de paradoxal, cela existe par la grâce
de la poésie et de la création.
Cette esthétique du paradoxe qui prétend dépasser toutes les limites, est
à mon sens une impasse, car plutot que de créer des choses, elle ne
constitue qu'un miroir inversé des choses. Inverser un lieu commun ou une
perception usuelle, ce n'est pas nécessairement aller au delà.
Dernière édition par uacuus le Mer Juil 25, 2007 13:46 pm; édité 3 fois
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WhiteRabbit
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 13:43 pm Sujet du message:
Sernard a
écrit: | et si la terre etait
une cerise cubique de couleur incertaine ????
(je suis pas sur que cela change quoi que ce soit ????
) |
Ah bon...
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alcibiade
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 14:06 pm Sujet du message:
Citation: |
Mais on s'en fout du symbole. |
Citation: | peu
importent les comparés. |
Citation: | Ce
serait absurde de dire quelque chose que tout le monde
connait. |
Citation: | Au
moins, Eluard n'est pas fade. |
Je peux me tromper mais j'ai l'impression d'entendre un dogme façon
religion...
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Alexandre-le-très-petit
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Posté le: Mer Juil 25, 2007 14:18 pm Sujet du message:
Tu me prends pour un religieux uacuus! Ah l'insulte, la pire de toutes les
vacheries que tu m'as jamais sorti! Mais mes propos sont ambigus. Ce que je
nomme l'invisible, l'impossible, le blanc, le vide, tous les grands noms
dénués de contenus, sont précisément ancrés dans la réalité. Me sors
pas ton indulgence pseudo philosophique, ce que j'insinue, c'est qu'au fond la
poésie, ce n'est ni la nature boueuse, ni les contemplations antropologiques,
rien qui n'existe. C'est ce qui se cache derrière, ce qui fait le poids de
l'existence des choses. On essaie de sentir ce poids du monde, mais on y
arrive pas. Simplement parce que derrière le monde, il n'y a rien. J'envisage
la poésie comme ce vide caché derrière le monde, non pas pour le combler,
lui donner du sens, de l'ordre, une raison d'être, une religion, mais
simplement pour témoigner de ce vide invincible qui écrase par sa force.
Non, la poésie n'est pas mon Dieu qui se cache derrière le monde, ni une
métaphysique qui tente de répondre à l'angoisse. Je n'adore rien, je
témoigne du rien, ou j'admire ces témoignages. Mon dogmatisme est
désespérément terre à terre.
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