Divertissement et violence, les mamelles d'une même dérive ?
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Kadjagoogoo
Super actif ![]() ![]() Sexe: ![]() Inscrit le: 30 Jan 2006 Messages: 2594 Localisation: Lyon |
![]() ![]() ![]() ![]() A posteriori, je regrette de ne pas avoir directement créé des topics - distincts - pour traiter des deux intéressantes (je crois et je constate) discussions engendrées ici par mon post critique à l'encontre de respectivement 1) le divertissement (cinématographique) pour le divertissement, et 2) Fight Club. Je me résous donc à le faire ici, dans un topic annexe, la réponse qui suit trouvant des points de rencontres entre les deux débats, en profitant même pour croiser, parfois, mes réponses faites à mes deux interlocuteurs, qui s'y retrouveront peut-être, comme je l'espère :
En effet, son succès massif, notamment auprès d'un public plutôt jeune (à l'instar de celui qui fréquente normalement un "forum pour jeunes" ![]() C'est d'ailleurs cela que je déplore, que ce soit chez James Bond et Mission : impossible ou dans Fight Club :
Je sais pas... Je ne peux pas me résoudre à voir d'un bon oeil ces productions qui flattent ainsi les goûts et les désirs archétypaux d'un public conquis d'avance. Je pourrais adresser la même critique, pour des raisons analogues mais propres à sa spécificité, à la chick lit, mais c'est de ces films qu'il s'agit ici, qui brosse le mâle dans le sens du poil : combats, courses de bagnoles, cascades, armes à feu, explosions à gogo, méchants caricaturaux, filles sexy (et faciles) et tout le décorum qui va bien.
Je m'interroge depuis tout à l'heure sur la nature de ton exception (?) : une femme qui aime un tel film, esthétisant et amoral, où la violence est magnifiée, glamourisée ? Comprends-moi bien : si j'apprécie l'absence de manichéisme du film (comme j'aime celui qui caractérise, par exemple, la filmographie de Gus Van Sant) et si je sais suspendre mon incrédulité mieux que le commun des mortels (d'après ce que j'observe et entends), je ne cautionne pas son propos délibérément provocateur et désinvolte, qui pose la violence comme biais initiatique, donc, et couronne ce cheminement d'un épanouissement personnel (appelons cela "libération", "délivrance", "réalisation", bref, on m'aura compris). Pour citer le cas d'un autre fleuron de la filmographie tapageuse d'Edward Norton, American History X a séduit tout aussi massivement les foules, je crois, fascinées qu'elles sont par la violence explicite que cet autre film choc met en scène et dénonce, pour le coup, dans un geste moralisateur que d'aucuns ont décrié.
Justement, à opposer au caractère défiant et amoral (immoral, même ?) du film de Fincher, je cite des exemples phares de films où la violence, cet exutoire délétère et vain, est une voie sans issue, où les protagonistes se fracassent salement contre le mur d'une société qui, si elle reste certes équivoque sur le sujet, n'en tente pas moins foncièrement de condamner l'idée de la violence (physique, à tout le moins) comme procédé valide pour dominer son prochain ; cette loi de la jungle incarnée dans la figure à la fois redoutée et idolâtrée du petit caïd de banlieue qui cogne sur tout ce qui bouge et prise la victoire et le reconnaissance aisées, ce respect mêlé de crainte octroyé par le fighting spirit, l'intimidation et la coercition. Gainsbourg disait judicieusement que "l'amour physique est sans issue", et je voudrais décliner là cette idée forte dans le registre combattif qui nous occupe (ici et par ailleurs ^^'), sur le principe d'une violence physique qui serait - heureusement - sans issue.
Toujours sur le principe de cette exception que tu serais à la règle (qui voudrait que les femmes n'aiment pas, contrairement aux hommes, la violence explicite et la logique du prédateur qui la sous-tend souvent), je t'invite à le voir, ou bien à lire le roman - culte, encore (décidément !) - éponyme de Bret Easton Ellis, qui défraya plus sûrement - et logiquement - la chronique que le plébiscite douteux avec lequel fut accueilli Figh Club.
C'est juste, en effet, et le succès de ces séries, qui ne se dément donc pas, en est bien le plus probant témoignage, symptôme d'une époque morose où le cinéma, cette belle "usine à rêve", se voit, plus que jamais, missionné de nous distraire de nos angoisses. Dommage, tout de même, de vouloir à ce point combattre et évacuer l'angoisse, qui est un état si propice à la compréhension de soi et du monde dans lequel on évolue. La philosophie l'a bien compris et démontré, qui nous a offert, à de rares exceptions près (Spinoza, l'heureux homme), une kyrielle de penseurs anxieux et conscients de leur chance d'être ainsi la proie chronique d'un sentiment si stimulant.
Avec cette dernière considération, que je partage ô combien, je comprends que tu rejoins, fut-ce agacé par une frustration déplorée, le propos de Louis Malle (que tu ne contestes d'ailleurs pas, celui-ci ![]() Pour parler deux secondes de ma petite trajectoire erratique, quand j'étais plus jeune et vivait encore dans le giron familial, divertissement rimait pour moi essentiellement avec télévision, qui rimait là encore principalement avec TF1 et M6. Soit "le gouffre du néant", selon que le décrivait bien Bigard. Il a fallu que je prenne - tardivement - mon indépendance pour que je découvre que la télévision pour rimer avec divertissement culturel de qualité (Arte, pour l'essentiel) et que ce dernier n'était pas obligatoirement fatiguant pour les neurones ; qu'il pouvait même être très gratifiant et amusant, car le fait de réfléchir, quoi qu'on en dise, est sacrément plaisant et s'avère souvent ludique, même, quand on y pense. Bref, divertissement n'a dès lors plus été pour moi synonyme de débranchage de fils et de loisir contemplatif (car je peux aussi bien me distraire en compagnie de Jude Apatow que d'Ingmar Bergman, si si). Et si j'ai ainsi une véritable estime pour les lecteurs (souvent compulsifs et exclusifs) de polars, je ne rejoindrais jamais cette club avide d'intrigues prémachés, hyper codifiées et de personnages stéréotypés (bien sûr, il y des exceptions, certaines inouïes, même). J'ai trop besoin de me dire que l'effort que je produis alors - lire - me sera, d'une façon ou autre, profitable, et pas seulement d'un point de vue dérivatif. Si c'est là un postulat snob et prétentieux, je l'assume, donc.
Je rappelle à toutes fins utiles que Jérôme Bel, l'auteur de cette phrase que je citais et que tu contestes là, est chorégraphe et non pas "simple" critique. Il est donc à la fois acteur et contempteur de l'art, qui se complique en effet d'une légitime aspiration au "simple" divertissement (dois-je préciser, pour vous dire d'où je parle - de la profonde estime pour l'entertainement et la comédie qui est la mienne -, que Louis de Funès est à mes yeux un formidable créateur, aussi génial et délirant qu'exigeant et populaire ?)
Hum, c'est sans doute pourquoi j'ai aimé la trilogie de la Mémoire, et nettement moins les James Bond que j'ai vus - plutôt que regardés (j'y vois une subtile nuance, comme celle, plus évidente sans doute, qui existe entre les verbe "entendre" et "écouter" ; un peu comme si le fait de "regarder" un film induisait plus d'intensité, de concentration et d'attention que le simple fait de le "voir", notion plus passif à mon sens ![]() Je précise toutefois que je ne me suis pas ennuyé en voyant Quantum of Solace (car je l'ai vu, donc, par acquis de conscience et par volonté de me distraire, sans abuser toutefois de ce genre d'évitements méthodique de la pensée). Par contre, et cela rejoint encore le débat parallèle avec la violence gratuite, j'ai été choqué par la violence (homicide, à mains nues, parfois ![]()
Je comprends parfaitement ton irritation face à la dernière situation, ce désappointement quant à la vacuité d'un film qui prétendait t'apporter matière à réflexion ; ou à ressentir, plus simplement, ce qui est une ambition tout aussi noble et élevée, pourvu que le film n'use pas de (trop) grosses ficelles (cf. les mauvais procès fait à des films "austères" tels que Sleeping beauty, qu'on a voulu censurer pour "préserver la jeunesse" au motif qu'il ne comportait "même pas de jolie musique !"). Maintenant, et sans doute parce que je suis un être pétri de contradictions doublé d'un type intègre, à la grande probité jamais démenti dans l'exercice du débat (quoique ![]() Peter Brook, tout d'abord, immense dramaturge et metteur en scène de théâtre, qui clame à qui veut l'entendre sa passion pour Indiana Jones et les films d'aventures en général, si éloignés de son propre travail artistique mais qui lui permettent, comme nul autres, de s'installer sur des rails et de se laisser porter par l'action incessante d'un scénario efficace. "Dans un film d'action, on ne s'ennuie jamais car il se passe toujours quelque chose !" Ensuite, Kate Bush, dont l'univers poétique puise aux plus dignes sources (Emily Brontë, le gothique anglais du XIXe siècle, le cinéma classieux de Michael Powell...) et qui avoue sans vergogne s'accorder quotidiennement son "heure de décrochage intellectuel devant le Jerry Springer Show et autres programmes racoleurs et ineptes, avec pour seul compagnie un pot de crème glacée. ![]() Dernière édition par Kadjagoogoo le Jeu Déc 15, 2011 22:27 pm; édité 2 fois |
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Sweetie Des Arts
Mister Genaisse 2013 ![]() Sexe: ![]() Inscrit le: 10 Oct 2011 Messages: 3977 |
S'il s'agit de savoir pourquoi Plasma a aimé, n'a-t'elle pas déjà répondu sur le précédent sujet, notamment en précisant justement qu'elle n'y voyait pas un film "amoral et magnifiant la violence?" |
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Kadjagoogoo
Super actif ![]() ![]() Sexe: ![]() Inscrit le: 30 Jan 2006 Messages: 2594 Localisation: Lyon |
Si tu le permets, je me contenterais de traduire en langage plus clair la première phrase seulement : "A l'heure de vous divertir, vos appétences vous portent-elles plutôt vers..." = "Quand toi vouloir te distraire devant un film, toi choisir plus naturellement et plus systématiquement..." ![]() EDIT : ah bah t'as édité, finalement ?!? ![]() ![]() |
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Sweetie Des Arts
Mister Genaisse 2013 ![]() Sexe: ![]() Inscrit le: 10 Oct 2011 Messages: 3977 |
Mais de quoi tu parles ?!
Mais sinon je ne me limite pas à un genre particulier, et je pense que tout le monde te répondra la même chose, outre je n'ai pas l'impression que tu aies créé un topic aussi long uniquement pour savoir ce que l'on regarde le soir à la télé. |
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Souki
Modératrice ![]() Sexe: ![]() Age: 38 Inscrit le: 05 Nov 2011 Messages: 3273 Localisation: Lyon |
Je peine à faire émerger du concept
de ce long post que je n'ai lu qu'en diagonale. J'ai cru comprendre 1) que tu
trouvais ça bizarre qu'une nana puisse apprécier le spectacle de la
violence, 2) que tu ne pensais pas que la voie de la violence puisse être un
moyen d'émancipation efficace, 3) que tu prônais un genre indéterminé au
détriment de ce qui est populaire.
1) Qu'une femme valorise la violence n'est étonnant pour personne sauf pour les misogynes. Les films que tu as cités comme exemples de violence me semblent un peu pâlichons. Pour ta gouverne, j'ai aimé Salo de Pasolini, Old Boy, Irréversible, et tant d'autres. Je ne pense pas être une exception, loin de là (pour aller plus loin dans le cliché, j'ai même connu une jeune femme voilée qui occupait ses soirées à lire Sade et à mater des snuff moovies...). Faut arrêter avec cette image de la femme douce et gentillette.
2) La violence, comme tout ce qui est interdit, EST un moyen d'émancipation efficace. Après, l'histoire de Fight Club est celle d'un homme qui dépasse cette violence pour aller vers la force. Autrement dit, l'émancipation, ça ne consiste pas à faire systématiquement tout ce qui est transgressif, ça consiste à ne pas se baser sur la morale reçue pour faire ses choix, privilégiant ainsi la raison à la peur. Le film est essentiellement centré sur la phase d'exaltation qui suit la découverte de la possibilité d'un recours à l'immoral. Pour autant, le film n'en reste pas là... Il serait bien pauvre sinon. Je te conseille de te mettre à la boxe. Un sport extraordinaire. Ça débloque pas mal de choses, si tu vois ce que je veux dire ! ![]() (d'ailleurs, oh oui, comme c'est novateur de dire que le recours à la violence permet d'évoluer... déjà dans l'antiquité on en parlait, à peu près tous les récits initiatiques en parlent d'une manière ou d'une autre, de très nombreuses civilisation y ont recours pour leurs rites initiatiques de passage à l'âge adulte... cf le service militaire, fade avatar...) 3) Il est idiot de vouloir classer des types de films en bon/mauvais. Affreusement prescriptif et élitiste... Tout le monde ne recherche pas la même chose dans l'art, de même que selon les moments, une personne aura envie de ceci ou de cela. Ce qui fait qu'un plat est apprécié, c'est 1. qu'on a envie de manger de ça au moment où on le mange. 2. que les ingrédients sont de bonne qualité. 3. qu'il est bien préparé. Or, peu importe le nombre de spectateurs d'un film, son succès n'en fait pas la qualité. Son genre non plus. Ça dépend de ce que ceux qui l'ont fait y ont mis et de la qualité de la réalisation. Dans tous les genres, il y a des perles. Je pense par exemple à Batman - Dark Knight. C'est un film qui a fait un tabac, qui est assez euphorisant et pourtant on y trouve tout un tas de leçons de vie, véritablement intéressantes. Il y a les œuvres qui vont nous caresser dans le sens du poil, ceux qui vont se présenter sous un jour beaucoup plus rugueux. J'ai une préférence, en général, pour les films rugueux, ceux qui vont créer un malaise et ainsi pousser à la réflexion sur ce que, comme beaucoup, j'aimerais parfois oublier. C'est très intellectuel et très valorisé par l'institution mais pour autant, je ne vois pas en quoi ce serait plus légitime. Si certaines personnes préfèrent les films pétris de bons sentiments ou purement cathartiques, grand bien leur fasse. On n'a pas le droit de les juger. *krypties : avant d'être admis parmi les hommes; les jeunes spartiates devaient prouver leur force. « On dit que [Lycurgue] introduisit aussi la kryptie, lors de laquelle, encore maintenant, on sort de la ville pour se cacher le jour, et, la nuit, en armes (…) et massacrer autant d'Hilotes qu'il convient. » Les Hilotes = les esclaves spartiates. Ce rituel ne concernait que les nobles, évidemment.
Non, je parlais du Fight Club et non de Fight Club. Le succèes d'un film réalisé par quelqu'un de connu, avec Brad Pitt et Edward Norton, adaptation de Palanhuik, bien distribué, n'a rien d'improbable. D'autant que le film est bon.
Tout le paysage artistique est en mal de repères depuis la seconde guerre mondiale... ![]()
Un archétype est une structure psychologique universelle, produite par l'inconscient collectif. pas du tout ce que tu peux dire. Peut-être pensais-tu aux stéréotypes ? Les œuvres à archétypes sont en général de grands succès non contestés (comme Star Wars, dont la conception s'est inspirée des théories de Jung sur les archétypes. Dernière édition par Souki le Ven Déc 16, 2011 15:28 pm; édité 4 fois |