Bulbizarrexx
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Posté le: Mar Fév 22, 2011 20:16 pm Sujet du message: L'animal que donc je suis. Derrida.
J'ai lu ce livre troublant, passionnant mais difficile je l'avoue, pendant les
vacances de Noel, je voulais vous faire partagers quelques trucs que j'ai
retenu, résumer un peu l'ouvrage, éventuellement si quelqu'un d'autre l'a lu
et pouvait m'éclairer ce serait génial!
Une situation très simple de la vie quotidienne : vous vous déshabillez pour
prendre votre douche, au moment d'y rentrer un regard vert retient votre
attention et vous trouble. Le chat se tient immobile dans le cadran de la
porte, silencieux, il vous observe. Vous ne pouvez vous empéchez alors
d'être pris d'un sentiment de pudeur et même de honte.
C'est comme cela que Derrida entreprend la rédaction de L'animal que donc je suis, sans doute son
oeuvre la plus troublante.
A partir du regard de son chat, regard malsain? Curieux?, il se livre à une
reflexion ethique sur l'animal en interrogeant un large pan de l'histoire de
la philosophie. Re-explorant le subjectivisme Kantien, cartésien, le dasein
ontologique Heideggerien et reposant dans toute sa portée la question de
Jeremy Bentham "can they suffer"
En vertu de quoi nous attribuons nous ce que nous refusons à l'animal?
Pour cela il crée le concept de différance. Avec un "a" pour montrer que c'est une différence
particulière qu'il s'agit de penser ici.
Il ne s'agit plus de s'interroger de ce qui sépare l'homme de l'animal mais
d'interroger le statut ethique de la question de l'animalité.
Au fond le regard du chat le renvoie à ce qu'il pense être sa propre
humanité.
Mais qui questionner pour se saisir dans sa propre identité?
Sinon le chat lui même.
Inevitablement définir l'Animal demande de définir l'Homme.
Derrida s'efforce de penser la limite entre humain et animal en repérant les
failles internes à cette limite.
Cette question de l'animalité concentre en fait tout les objectifs de la
déconstruction (courant philosophique s'appuyant principalement sur des
relectures de Nietzsche, Heidegger, Foucaut, Lacan et Freud et qui d'ailleurs
inclut la question du genre que j'ai évoqué sur un autre tropic) pour ceux
qui ne connaissent pas) tellement elle demande un travail sur l'identité du
soi, le particulier et l'universel.
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lililule
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Posté le: Mer Fév 23, 2011 01:35 am Sujet du message:
C'est très bien expliqué. Je répondrai quand j'aurai lu du Derrida.
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Typhaine
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Posté le: Mer Fév 23, 2011 17:36 pm Sujet du message:
Rien compris.
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Lyriss
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Posté le: Mer Fév 23, 2011 19:33 pm Sujet du message:
Typhaine a
écrit: | Rien
compris. |
omg, c'est ma réplique ça !
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Eponine
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Posté le: Mer Fév 23, 2011 20:02 pm Sujet du message:
lililule a
écrit: | C'est très bien
expliqué. |
En effet. Tellement que ça m'a presque donné envie, ce qui est un exploit...
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Exist@ncE
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Posté le: Mer Fév 23, 2011 22:01 pm Sujet du message:
Poser des problèmes. OK :
<< Qu'est-ce que l'identité de l'homme ? Quel rapport à l'animal ?
>>
(Est-ce bien les
problématiques principales posées ?)
Faudrait peut-être donner quelques mécaniques ?
Voir même quelques réponse ? Si elles existent.
(Nietzsche, Heidegger, Kant
: Ce ne sont pas des réponses, ni des théories, ce sont des auteurs.)
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Bulbizarrexx
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Posté le: Mer Fév 23, 2011 22:34 pm Sujet du message:
Effectivement, c'est peut être le résultat d'une carrière universitaire
mais je trouve que Derrida et "sa bande" ne donnent jamais de réponse
tranchées dans leur analyse pourtant foisonnantes d'auteurs, ça donne une
impression d'inaboutissement de la reflexion d'ailleurs, sans doute voulue,
ceci dit, je trouve pour ma part, que ça ne change rien à l'intérêt de
leurs analyses au sens ou c'est la question posée et la reflexion entamée
dessus qui sont interessantes plus que l'éventuelle réponse que l'on
pourrait donner.
Il y a l'idée que c'est pas parce qu'on ne peut pas donner une réponse à
une question, qu'il ne faut pas se pencher sur la question, y réfléchir est
déjà une sorte d'aboutissement.
Et oui les questions que tu poses constituent à peu près le fil conducteur
"qu'est ce qui fait de l'animal qu'il est animal" "qu'est ce qui fait de
l'homme qu'il est homme?", et la reflexion prend clairement une direction
plutôt éthique. La question de l'animalité a toujours hantée Derrida et
moi même je me suis reconnue dans ce questionnement en fait basique, que l'on
peut avoir lorsque notre animal de compagnie plonge ses yeux dans les nôtres,
parce que c'est subjectif en fait, on sait pas ce qu'il pense, ce qui se passe
derrière ce regard fixe.
Evidemment, il y a quand même une sorte de thèse, dans la mesure ou il y a
toujours l'idée, chez Derrida, de penser la différence/différance.
Il dit à propos d'Heidegger que pour lui, l'animal ne peut pas mourrir, il
"crêve" seulement.
(j'ai la tête posée sur le dos de mon chat en répondant ça justement )
Désolée de cette réponse incomplète mais je suis fatiguée et j'ai si peu
de temps.
En plus, c'est un livre que j'ai trouvé difficile et que j'ai envie de relire
parce qu'il m'a vraiment travaillée. Je l'ai lu trop vite et en periode de
partiels par contre.
En tout cas ça me fait plaisir d'avoir donné envie de le lire à deux
personnes, d'autant plus que j'aimerais vraiment pouvoir en discuter.
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Escapein
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Posté le: Mar Mai 17, 2011 18:00 pm Sujet du message:
.
Pourquoi dire que l'animal ne meurt pas, mais << crève >> !?
Quel anthropocentrisme révoltant !
L'homme n'est pas coupé à ce point du reste de la Création --- nous formons
un tout
.
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alcibiade
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Posté le: Mar Aoû 30, 2011 19:47 pm Sujet du message:
Citation: | Une
situation très simple de la vie quotidienne : vous vous déshabillez pour
prendre votre douche, au moment d'y rentrer un regard vert retient votre
attention et vous trouble. Le chat se tient immobile dans le cadran de la
porte, silencieux, il vous observe. Vous ne pouvez vous empéchez alors
d'être pris d'un sentiment de pudeur et même de
honte. |
Marrant, personnellement, je n'ai aucune pudeur devant les chats. Ce serait un
comble, alors qu'ils ne se gênent pas pour se promener les couilles à l'air.
|
Gelmah de Rothmir
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Posté le: Mar Aoû 30, 2011 19:58 pm Sujet du message:
Escapein a
écrit: | .
Pourquoi dire que l'animal ne meurt pas, mais << crève >> !?
Quel anthropocentrisme révoltant !
L'homme n'est pas coupé à ce point du reste de la Création --- nous formons
un tout
. |
Heidegger n'était pas l'homme le plus sympathique de son époque
|
alcibiade
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Posté le: Mar Aoû 30, 2011 20:02 pm Sujet du message:
Je crois comprendre ce que veux dire Heidegger. La mort n'a pas la même
dimension chez l'homme et l'animal, qui ne sait pas à l'avance qu'il va
mourir, et n'a guère l'occasion de la préparer, de la théatraliser, d'en
faire un évènement mémorable, comme ont pu le faire Socrate ou d'autre.
Cela dit, le mot crever a une connotation de mépris malheureuse.
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Bulbizarrexx
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Posté le: Mer Fév 29, 2012 22:33 pm Sujet du message:
Alcibiade : oui, c'est ça et c'est une reprise de la conception de l'animal
de Heidegger : l'animal ne conceptualise pas la mort, il ne conceptualise
rien, son monde n'est composé que d'"utils" pour la vie et pas d'objet ni de
faits.
J'aime énormément le fait que quelqu'un se soit offusqué contre la
crevaison attribuée dogmatiquement à l'animal.
Juste un mot pour dire qu'un an après ce livre n'a toujours pas fini de me
faire passer des nuits blanches,
que cette question-ces questions- n'ont pas finis non plus de me faire passer
des nuits blanches,
que je ne cesse de m'interroger sur cette/ces question(s) de la limite,
qu'il y a une urgence de penser ces questions soulevées par Derrida,
que c'est définitivement un très grand livre,
que vu l'urgence de la question je me dois d' y consacrer un mémoire de
master voire une thèse.
Et que j'ai envie de pondre un très grand post dessus, bientôt!
"Etre après, être auprès, être près de, voilà, en apparence,
différentes modalités de l'être, voire de l'être-avec.
Avec l'animal. Mais il n'est pas sûr, malgré l'apparence, que ces modalités
de l'être viennent modifier un être préalable, encore moins un "je suis"
primitif."
"Le point de vue de l'autre absolu, et rien ne m'aura jamais tant donné à
penser cette altérité absolue du voisin ou du prochain que dans les moments
où je me vois vu nu sous le regard d'un chat."
L'animal que donc je suis, Edition
Galilée, 2006 (p.27/28 ).
Bonne nuit à tous, je vais me replonger dans cet incroyable bouquin (et ne
pas trouver le sommeil du coup mais tant pis).
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Fromthesouth
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Posté le: Jeu Mar 01, 2012 08:31 am Sujet du message:
alcibiade a
écrit: | 'animal, qui ne sait
pas à l'avance qu'il va mourir, et n'a guère l'occasion de la préparer, de
la théatraliser |
En fait ils le sentent lorsqu'ils sont sur le point de mourir. Et bien souvent
ils s'écartent de la meute, de la horde, voire de ses "maitres" les humains.
Par contre je ne comprends pas qu'on puisse être gêné(e) du regard d'un
animal, comme Alcibiade je ne ressens ni pudeur ni honte dans une telle
situation, et je trouve très étonnant même que ça puisse arriver à
certain(e)s.
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Bulbizarrexx
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Posté le: Sam Mar 03, 2012 10:55 am Sujet du message:
A vrai dire moi non plus je ne ressens pas cette pudeur vis à vis d'un
animal, mais ce n'est qu'un prétexte à engager une reflexion plus
qu'audacieuse et brillante chez Derrida sur la limite et l'altérité
absolue-quoique je pense que ce qu'il raconte au début sur le regard du chat
est vrai parce qu'ils ont souvent un regard insistant et particulier. C'est
subjectif en fait, on peut quand même se demander ce qu'ils pensent quand ils
nous regardent et ressentir une certaine gêne, comme s'ils avaient une forme
d'intelligence dans la perception qu'il ont de nous qu'on ne pouvait capter et
qui rende du coup leur regard porté sur nous mysterieux voire un peu
inquietant. Le problème c'est que l'animal a bien "un point de vue", un
focus, au sens physique du terme, c'est indéniable.
Ce qui préoccupe Derrida c'est précisément : "le point de vue de l'autre
absolu, et rien ne m'aura tant donné à penser que cette altérité asolu du
voisin ou du prochain que dans les moments où je me vois nu dans le regard
d'un chat."
D'ailleurs il dit bien que c'est aussi ce rapport avec ce chat particulier
dans son intimité, son chat qui le regarde nu, il n'entre pas dans sa chambre
pour se poser comme l'ambassadeur de tous les félins de la terre : c'est
juste "un petit chat".
Les enjeux de la question? Ce que veut dire vivre, ce que veut dire parler, ce
que veut dire mourrir, être-au-monde ou être-dans-le-monde, être-avec,
être-devant, être-après ; suivre, être-suivant (parce que le titre du
livre fait un jeu de mot comme Derrida aime avec "suis" -être et suivre- là
où je suis de façon ou d'une autre mais irrécusablement près de l'animal.
Quand il me regarde il est trop tard pour le dénier, il aura été là, avant
moi qui suis après lui. Après et près de ce qu'on appelle animal.
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Lyriss
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Posté le: Sam Mar 03, 2012 11:53 am Sujet du message:
Peut-être aussi qu'on projette simplement sur le regard du chat le reflet
d'une intelligence pour la simple raison que ce dit regard ressemble fortement
a celui d'un humain.
Le fait est qu'un crabe vous regardera de la même manière qu'un chat sauf
qu'un crabe a des yeux sur les quel ils nous ai difficile de projeter le
moindre sentiment tant il sont physiologiquement différent des nôtres.
Pour être clair, c'est a mon sens une simple histoire de ressemblance
physique et de fantasme typiquement humain.
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Bulbizarrexx
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Posté le: Sam Mar 03, 2012 12:09 pm Sujet du message:
Oui, pour le premier mini-paragraphe : c'est un pari à prendre et une
supposition probable mais ça vaut le coup de se demander quand même.
Et c'est sûr : un crabe ce n'est physiquement pas pareil qu'un chat, un chat
ce n'est physiquement pas du tout pareil qu'un puceron...
Mais dans ce cas c'est aussi hyper arbitraire de définir la limite
homme/animal parce qu'il y a plus de différence entre un singe et un puceron
qu'entre un singe et un homme...cette grande variation parmi "les animaux" que
Derrida transforme en animot (car ce n'est qu'un mot au fond) permet de
remettre en question sévèrement ce qui sépare l'homme de l'animal et son
fondement.
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Lyriss
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Posté le: Sam Mar 03, 2012 12:23 pm Sujet du message:
Moi je vois la vie dans son ensemble comme un organisme unique, les
différentes formes qui la composent ne sont qu'un moyen de coloniser l'espace
et de diversifier ses adaptabilités dans le but d'augmenter sa capacité a
absorber les modification du milieux. Tout ceci dans le seul but d'exister
toujours plus.
Alors j'estime qu'un homme et un puceron sont habité de la même flamme
primordiale et que chacun a la même valeur car porteur du même espoir
colléctif.
L'individualisme est une résultante du mécanisme d'adaptation des cellules
du vivant qui permet de de soustraire de al fastidieuse complexité de la mise
en place d'une gouvernance unique et consciente. En dotant chaque cellule
d'une individualité (on notera quand même que les bases de cette
individualité sont commune pour chaque cellule du vivant : survire et se
reproduire) la vie est exempt de hiérarchie dans la mesure ou chaque cellule
peut a tout moment devenir la tête (comme après une extinction massive ou
sur 1000 cellules seul 1 a réussi a survivre, et fera renaitre d'elle 1000
autres). L'individualité n'est donc pas une opposition entre les cellules
mais une garanti de al sauvegarde du dessein commun.
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alcibiade
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Posté le: Mar Mar 06, 2012 19:48 pm Sujet du message:
Citation: | il
y a plus de différence entre un singe et un puceron qu'entre un singe et un
homme |
Physiquement oui, mais dans l'absolu je crois que non. L'homme est certes un
animal, mais son intelligence creuse un fossé immense entre lui et les autres
espèces. Les ressemblances physiques ou génétiques sont assez dérisoires
à coté de ça.
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Bulbizarrexx
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Posté le: Ven Mar 09, 2012 19:42 pm Sujet du message:
Je trouve que c'est une position totalement dogmatique et unicentrée
Alcibiade.
Je préfère ce que développe Lyriss au-dessus, une sorte de position
immanentiste, je trouve ça bien plus riche et ethique au sens où ça prend
en compte toutes les formes de vie comme participant au Tout.
Et puis même au niveau de l'intelligence il y a un plus grand fossé entre un
singe et un puceron qu'entre un singe et un homme.
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Exist@ncE
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Posté le: Sam Mar 10, 2012 17:58 pm Sujet du message:
Je suis d'accord avec alcibiade, car il
y a une fossé extrême entre l'utilisation de son environnement et l'exploitation de son environnement.
D'autant plus à la vitesse où cela s'est réalisé : 40.000 ans d'homo
sapiens sapiens par rapport aux millions d'années d'un Tyrex ...
C'est une question de faits vis-à-vis de compréhensions et de projections
intellectuelles et leur généralisation.
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