uacuus
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Posté le: Ven Mar 05, 2010 12:08 pm Sujet du message:
Lucien de Samosate qui par ailleurs, a merveilleusement démonté le
charlatanisme d'un pseudo prophète, qui pourrait bien être le modèle
lointain de Raël, a défendu l'astrologie.
Citation: | 1.
Voici un écrit sur le ciel et sur les astres, non pas sur le ciel et les
astres considérés en eux-mêmes, mais relativement aux prédictions vraies
qu'on en tire pour la vie de l'homme. Ce livre ne contient pas de préceptes,
il n'enseigne pas de doctrine, il ne dit pas comment on peut exceller dans la
divination, mais je reproche à tous les hommes sages qui s'exercent dans les
autres sciences et qui communiquent aux autres leurs découvertes, de ne point
honorer et de ne pas pratiquer l'astrologie.
2. C'est cependant une science antique. Ce n'est pas d'hier qu'elle est venue
à nous, elle est l'œuvre des anciens monarques chéris des dieux. Mais nos
contemporains, par ignorance, par oisiveté et surtout par paresse, s'en font
une idée toute différente ou bien, s'ils rencontrent de faux devins, ils
s'en prennent aux astres et détestent l'astrologie elle-même, disant qu'elle
n'a ni sens ni vérité, et que c'est une science trompeuse et frivole. Ils
ont tort, selon moi. L'inhabileté de l'ouvrier ne provient pas de la mauvaise
qualité de son art. Le peu de talent d'un musicien n'est pas la faute de la
musique. L'artiste peut être un ignorant, mais chaque art a le mérite qui
lui est propre.
3. Ce sont les Éthiopiens qui, les premiers, ont fait part aux hommes de
cette découverte. Ils y furent conduits et par la sagesse particulière à
leur nation, les Éthiopiens étant, pour le reste, supérieurs aux autres
peuples, et par la situation avantageuse de leur pays. Un calme, une
sérénité continuelle les environne, ils ne sont point assujettis aux
vicissitudes des saisons, ils habitent sous une température uniforme. Ils
remarquèrent les premiers que la lune n'est pas toujours entièrement la
même, mais qu'elle prend diverses formes, se montrant tantôt sous un aspect,
tantôt sous un autre, phénomène qui leur parut digne d'admiration et de
remarque. Après de fréquentes observations, ils en découvrirent la cause,
à savoir que la lune ne brille pas de sa propre lumière, mais de celle qui
lui vient du soleil.
4. Ils trouvèrent aussi la marche des autres astres, que nous nommons
planètes, parce que ce sont les seuls qui se meuvent, leur nature, leur
puissance, les effets que produit chacun d'eux, et leur donnèrent des noms,
insignifiants en apparence, mais correspondant à leur valeur naturelle.
5. Voilà ce que les Éthiopiens aperçurent dans le ciel. Ils communiquèrent
aux Égyptiens, leurs voisins, cette science encore imparfaite. Les
Égyptiens, après avoir reçu d'eux l'art de la divination à peine
ébauché, le développèrent, firent connaître la mesure du mouvement de
chaque astre, et réglèrent par le calcul l'ordre des années, des mois et
des heures. La mesure des mois fut la lune et sa révolution, celle de
l'année fut le soleil et sa marche circulaire.
6. Ils portèrent beaucoup plus loin leurs découvertes. Embrassant l'espace
tout entier, avec les astres fixes, stationnaires et immobiles, ils le
divisèrent en douze parties où les autres opérèrent leurs mouvements, et
à chacune desquelles ils assignèrent des animaux représentés sous une
forme différente, poissons, hommes, bêtes sauvages, oiseaux, animaux
domestiques.
7. C'est de là que prit naissance cette foule de divinités adorées en
Égypte, car tous les Égyptiens n'employaient pas les douze divisions pour
l'art divinatoire, mais les uns employaient une constellation et les autres
une autre. Ceux qui jadis consultaient le Bélier adorent un bélier, ceux qui
tiraient leurs présages des Poissons ne mangent pas de poisson, on ne tue pas
de bouc chez ceux qui observaient le Capricorne, et ainsi de suite, selon
l'astre dont on respectait le pouvoir. S'ils adorent un taureau, c'est
certainement pour honorer le Taureau céleste. Cet Apis, qui est pour eux un
objet sacré, qui paît en liberté dans leur pays et pour lequel ils ont
fondé un oracle, est le symbole astrologique du taureau qui brille au ciel.
8. Peu de temps après, les habitants de la Libye s'adonnèrent à la même
science, et l'oracle d'Ammon, établi chez les Libyens, se rattache également
au ciel et à la sagesse qui en émane. C'est aussi pour cela qu'ils
représentent Ammon sous la figure d'un bélier.
9. Les Babyloniens, à leur tour, furent initiés à ces phénomènes. Ils
prétendent même les avoir connus avant les autres. Pour moi, je pense que
cette science n'est parvenue chez eux que beaucoup plus tard.
10. Les Grecs n'apprirent l'astrologie ni des Éthiopiens ni des Égyptiens,
c'est Orphée, fils d'OEagre et de Calliope, qui leur en révéla les premiers
principes. Cependant il ne les rendit pas publics, il n'enseigna point cette
science au grand jour, mais il l'enveloppa d'enchantements et de mystères
pour seconder ses vues. Il construisit une lyre et institua des orgies dans
lesquelles il chantait ses dogmes sacrés. Sa lyre à sept cordes rendait une
harmonie qui était comme le symbole de celle des planètes. C'est par ces
recherches et cette impulsion qu'Orphée charmait et subjuguait tous les
cœurs, mais en réalité, son attention ne se dirigeant pas sur la lyre qu'il
avait faite, il ne se préoccupait d'aucune espèce de musique, il ne songeait
qu'à la grande Lyre d'Orphée. En effet, les Grecs, pour lui faire honneur,
lui assignèrent une place dans le ciel, et la réunion de plusieurs étoiles
prit le nom de Lyre d'Orphée. Aussi, quand parfois vous voyez Orphée
représenté en pierre ou en peinture, assis au milieu de ses auditeurs, dans
l'attitude d'un homme qui chante, une lyre à la main et entouré d'une foule
d'animaux, hommes, taureaux, lions et autres encore, à cette vue
rappelez-vous quel est ce chant, quelle est cette lyre, quel taureau et quel
lion prêtent l'oreille à Orphée. Si vous en connaissiez les modèles, vous
verriez qu'ils sont tous placés dans les cieux.
11. On dit que le fameux Tirésias, de Béotie, qui se fit une grande
réputation en prédisant l'avenir, enseigna aux Grecs que, parmi les
planètes, les unes étaient femelles, les autres mâles, et qu'elles avaient
des influences différentes. De là cette légende sur Tirésias, qu'il était
de deux natures, qu'il réunissait les deux sexes, tour à tour homme ou
femme.
12. Lorsque Atrée et Thyeste se disputèrent le trône de leur père, les
Grecs cultivaient publiquement l'astrologie et l'étude du ciel. L'État
d'Argos résolut de donner l'empire à celui des deux frères qui surpasserait
l'autre dans cette science. Thyeste désigna et fit connaître à ses
concitoyens le Bélier céleste. D'où la fable que Thyeste avait un agneau
d'or. Atrée leur parla du soleil et de ses levers, que le soleil et le monde
ne se meuvent pas dans le même sens, mais que leur marche est opposée, de
sorte que ce que nous prenons pour le coucher du monde est en réalité le
lever du soleil. Cette démonstration le fit élire roi par les Argiens, et sa
sagesse lui valut une grande gloire.
13. Je vois un emblème pareil dans Bellérophon. Je ne puis croire qu'il eût
un cheval ailé, mais je me figure que ce héros, en cultivant l'astrologie,
prit des idées sublimes, vécut au milieu des astres et s'élança vers les
cieux, non sur les ailes d'un cheval, mais porté par son génie.
14. J'en dis autant de Phrixus, fils d'Athamas, qu'on représente traversant
les airs sur un bélier d'or. Il en est de même de l'Athénien Dédale, dont
l'histoire, quoique étrangère, se rattache pourtant à l'astrologie : il en
connaissait parfaitement les secrets et les avait appris à son fils.
15. Seulement la jeunesse et l'imprudence d'Icare le portèrent à des
recherches interdites à l'homme ; il s'éleva en esprit jusqu'au pôle, mais
il fut précipité du haut de la vérité, jeté hors du bon sens, et noyé
dans une mer d'erreurs sans limites. Les Grecs racontent autrement son
aventure, et l'on a donné à un golfe le nom de mer Icarienne sans trop
savoir pourquoi.
16. Peut-être Pasiphaé, ayant appris de Dédale à connaître le Taureau,
qui brille au milieu des astres, s'éprit-elle de la science astrologique, ce
qui fit dire que Dédale lui avait fait épouser un taureau.
17. Quelques-uns, ayant divisé cette science en plusieurs parties,
l'accrurent chacun de nouvelles découvertes, relatives à la lune, à
Jupiter, au soleil, à leur cours, à leur mouvement, à leur puissance.
18. Endymion donna des règles pour tout ce qui regarde la lune.
19. Phaéthon entreprit de déterminer la marche du soleil, mais il ne put se
rendre compte de tous les phénomènes, et il mourut laissant son oeuvre
imparfaite. Ceux qui ne connaissent pas cette circonstance font de Phaéthon
un fils du Soleil et racontent de lui une histoire tout à fait incroyable.
Ils disent qu'il alla trouver le Soleil, son père, et lui demanda la
permission de conduire son char lumineux : le Soleil consent et lui donne des
avis sur la conduite des chevaux. Mais Phaéthon n'est pas plutôt monté sur
le char, qu'emporté par la jeunesse et l'inexpérience, tantôt il s'approche
trop de la terre, tantôt il s'en éloigne trop, et fait périr les hommes par
un froid ou par une chaleur insupportables. Jupiter irrité le frappe d'un
coup de foudre, il tombe, ses sœurs l'entourent et mènent un grand deuil
jusqu'à ce qu'elles soient métamorphosées, et maintenant ce sont des
peupliers qui pleurent Phaéthon en versant de l'ambre au lieu de larmes.
Cependant rien de tout cela n'a eu lieu, et il n'est pas possible d'y croire :
jamais le soleil n'a eu de fils, et jamais son fils n'est mort.
20. Les Grecs ont encore une foule d'autres fables auxquelles je ne saurais
ajouter foi. Le moyen de croire, en effet, qu'Énée soit fils de Vénus,
Minos de Jupiter, Ascalaphus de Mars, Autolycus de Mercure ? Chacun d'eux sans
doute était chéri des dieux, et, au moment de leur naissance, Vénus,
Jupiter ou Mars avait l'œil sur eux. Car ceux des dieux qui dominent sur les
hommes lorsqu'ils viennent au monde, peuvent passer pour leurs pères, ils ont
sur eux la même influence, ils leur donnent le teint, la forme, l'habileté,
l'esprit. Minos fut roi, parce que Jupiter le dominait. Énée dut sa beauté
à l'influence de Vénus. Autolycus fut voleur (02), parce que Mercure l'avait
porté au vol.
21. Jamais Jupiter n'enchaîna Saturne, ni ne le précipita dans le Tartare,
jamais il ne trama contre lui rien de ce qu'ont imaginé les hommes. Saturne
roule dans une orbite éloignée de notre cercle. Son mouvement est très lent
et les hommes ont grande peine à l'apercevoir. De là l'on a dit qu'il était
immobile et comme enchaîné. Quant à l'immense profondeur de l'air, on lui a
donné le nom de Tartare.
22. C'est surtout par les poésies d'Homère et celles d'Hésiode qu'on peut
se convaincre de la concordance des faits de l'astrologie. Quand le poète
nous parle de la chaîne de Jupiter, des traits lancés par le Soleil, il me
semble qu'il désigne les jours, et j'en dis, autant des villes, des chœurs
de danse et des vendanges que Vulcain représente sur le bouclier d'Achille.
Ce qu'on raconte de l'adultère de Mars et de Vénus révélé à tous les
dieux, n'est qu'une invention astrologique : c'est la conjonction de Mars et
de Vénus qui sert de matière au chant d'Homère. Dans d'autres passages il
définit leur influence respective. Il dit de Vénus (03) :
Que les plaisirs d'hymen soient sous sa douce loi.
et pour la guerre (04) :
Que le rapide Mars, que Minerve y président.
23. Convaincus de ces vérités, les anciens se servaient très souvent de la
divination et ne la regardaient pas comme superflue. Ils ne fondaient pas de
ville, n'élevaient pas de murailles, ne livraient pas de combat, ne se
mariaient pas, sans avoir pris conseil des devins, dont ils ne séparaient pas
les oracles de la science astrologique. À Delphes, la vierge prophétique est
un symbole de la vierge céleste. Le dragon placé sous le trépied n'est
doué de la voix que parce qu'il y a un dragon qui brille parmi les astres, et
l'oracle d'Apollon, établi à Didyme (05), n'est, à mon avis, ainsi nommé
que par allusion aux Gémeaux du ciel.
24. La divination était si sacrée aux yeux des anciens, qu'Ulysse fatigué
de ses courses errantes (05), mais voulant connaître au vrai, ce que lui
réservaient les destins, descendit aux Enfers, non pour y voir et les morts
et le sombre royaumes, mais dans le désir de consulter Tirésias.
Parvenu à l'endroit désigné par Circé, il y creuse une fosse et égorge
des brebis. Plusieurs ombres, parmi lesquelles se trouve sa mère, se
présentent pour boire le sang, mais il ne le permet à aucune, pas même à
sa mère, avant que Tirésias y ait goûté et qu'il l'ait contraint à lui
révéler l'avenir. Il eut le courage de voir sa mère souffrir de la soif.
25. C'est sur le modèle des lois célestes que Lycurgue composa celles qu'il
a données aux Lacédémoniens. Ainsi chez eux, c'est une loi de ne jamais se
mettre en campagne avant la pleine lune. Le législateur a pensé que cet
astre n'avait pas la même influence à son croissant et à son décours, mais
que tous les événements lui étaient soumis.
26. Les Arcadiens sont les seuls qui se soient refusés à cette doctrine et
qui ne fassent aucun cas de l'astrologie : ils sont du reste si fous et si
ignorants, qu'ils se disent plus anciens que la lune.
27. Ainsi nos ancêtres étaient fortement attachés à la divination. Mais à
notre époque, les uns disent qu'il est impossible d'assigner un but certain
à cette science, qu'elle ne mérite point notre confiance et ne dit jamais la
vérité, que ni Mars ni Jupiter ne se meuvent pour nous dans les cieux,
qu'ils se soucient fort peu des affaires humaines, qu'ils n'ont aucun rapport
avec elles, qu'enfin ils roulent dans leur orbite, emportés par la fatalité.
28. D'autres, sans taxer l'astrologie d'imposture, prétendent qu'elle est
inutile, attendu que la divination ne saurait changer la décision des
Parques.
29. Voici ce que je réponds aux uns et aux autres : les astres suivent leur
orbite dans le ciel, mais, indépendamment de leur mouvement, ils agissent sur
ce qui se passe ici-bas. Voudriez-vous qu'un cheval au galop, que des oiseaux
et des hommes en s'agitant, fissent sauter des pierres ou voler des brins de
paille par le vent de leur course, et que la rotation des astres ne produisît
aucun effet ? Le moindre feu nous envoie ses émanations, et cependant ce
n'est pas pour nous qu'il brûle et il se soucie fort peu de nous échauffer.
Pourquoi ne recevrions-nous aucune émanation des étoiles ? L'astrologie, il
est vrai, ne peut rendre bon ce qui est mauvais, elle ne change rien au cours
des événements, mais elle rend service à ceux qui la cultivent, en leur
annonçant le bonheur à venir. Elle leur procure une joie anticipée, en
même temps qu'elle les rend plus forts contre le mal. L'infortune, en effet,
ne les surprendra pas sans qu'ils s'y attendent : la prévision, l'exercice,
la rend plus facile et plus légère. Telle est ma façon de penser sur
l'astrologie. |
Pour ma part, je trouve l'argumentation faible. Le point de vue qu'il a sur
les mythes, est propre à l'interprétation savante qui se faisait à son
époque. Il s'agissait de les comprendre comme des vérités sur la science de
la nature, auxquelles la fables servaient de voile. C'était un cryptage de
sciences trop hautes pour être dévoilées au peuple.
Cette herméneutique particulière n'est pas sans arbitraire.
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