La formidable histoire de la restriction antivirale. (pt. I)

Criterium

Aujourd'hui, mettons les pieds dans le plat pour faire hurler les bien-pensants.
Papillon

Depuis les organismes vertébrés à mâchoire, nous possédons deux grands types de système immunitaire ; l'immunité innée d'une part, qui n'est pas très spécifique, qui ne s'adapte pas au cours de la réponse à un pathogène, mais qui est rapide — l'immunité adaptative d'autre part, qui est très spécifique, s'adapte à tous les pathogènes connus et même à des molécules qui ne se trouvent pas dans la nature, mais plus lente. Je vais parler ici d'un mécanisme en particulier de l'immunité innée, un mécanisme très ancien (datant de bien avant les vertébrés car on en retrouve des équivalents chez les bactéries), le mécanisme de la restriction antivirale. En revanche, je vais en parler chez l'homme, la souris et les primates, et non pas chez la bactérie.

Il y a des protéines qui sont synthétisées par les cellules et restent à veiller dans le cytoplasme, ces protéines reconnaissent l'ADN et l'ARN étrangers. Elles sont capables d'y introduire des lésions (je ne rentrerai pas ici dans le détail moléculaire, sauf s'il y a des questions), ce qui endommage de plus en plus fortement cet ADN/ARN étranger. À un certain point, il ne peut plus se répliquer, ce n'est plus qu'un cadavre d'ADN (si j'ose dire) qui sera dégradé. Je parlais de restriction antivirale car la présence d'ADN/ARN étranger dans une cellule est très généralement due à une infection de cette cellule par un virus — le virus y injecte son ADN/ARN, lequel se réplique et subtilise toute la machinerie moléculaire de la cellule pour en faire son usine de réplication, jusqu'à ce qu'elle ne tienne plus le choc (idem, je ne parle là que des cycles lytiques, bref). Ces protéines font donc de la restriction antivirale — une autre façon de dire qu'elles dégomment les virus.

Certaines de ces protéines sont les APOBEC3. Chez la souris il y en a une, chez l'homme et les primates il y en a huit, notées 3A à 3H dans l'ordre de l'alphabet. Chacune reconnaît un petit morceau différent de séquence et le lèse. Chacun a donc des spécificités diverses face à divers virus — sans oublier que chacune est exprimée préférentiellement dans certains types de cellules et pas d'autres ; les virus eux-mêmes infectent préférentiellement certains types de cellules et pas d'autres. Les virus évoluent pour éviter de se faire léser par ces protéines ; ces protéines évoluent (chez l'homme et les primates, elles se sont multipliées, d'où le passage d'une à huit) afin de léser ces virus.

Le virus VIH en particulier, essaye de léser les APOBEC3 avant que les APOBEC3 ne le lèsent — et chez l'homme, il y arrive à chaque fois. En effet, une seule des APOBEC3 était capable de restreindre ce virus VIH : la 3H. Chez les primates, la 3H est fonctionnelle et nique le virus. Au fur et à mesure de l'évolution, on a perdu la 3H (par mutation), on l'a même regagnée. De fil en aiguille, la pression de sélection n'étant pas assez forte pour faire de la résistance au VIH une fonction vitale, l'homme moderne l'a perdu. Notre 3H peut léser d'autres virus, mais plus le VIH. Seule la 3G peut léser le VIH mais seulement si celui-ci est sous une forme très faiblarde ; autant dire que comme vous le savez tous, nous sommes particulièrement sujets à une infection VIH.

Ce qu'il y a de drôle — et c'est cela qui va faire hurler les bien-pensants au racisme — c'est qu'une partie de la population humaine, restée plus proche de l'état des primates, a conservée une 3H fonctionnelle, et présente donc une très grande résistance au VIH — et donc n'auront pas le sida. C'est une toute petite partie de la population africaine, très noire, et si mes souvenirs sont bons, d'origine éthiopienne.
Aux anges

(est-ce raciste?)

Tout ceci se fonde sur des avancées récentes en biologie, en particulier — pour les petits curieux — on peut consulter (OhAinle et collaborateurs, 2006, 2008) et une review de Bransteitter et collaborateurs de 2009. Résumés des articles scientifiques disponibles sur NCBI (en gros, un site de base de données utilisé par les chercheurs au quotidien pour publier leurs résultats).

Mara Caldera · Suprème actif Inscrit le: 20 Jan 2010 Messages: 5363

Une certaine éthique a la noix te dirait que c'est raciste. Moi j'y vois une vrai réalité scientifique. je connaissais l'existence de cettre tribu qui attire toute la tension de l'institut Pasteur j'imagine.

Plus primitif encore, le moustique. Son organisme est trop basique pour que le VIH puisse y survivre.

Criterium · Posté le: Lun Fév 08, 2010 17:32 pm Sujet du message:

Heuuu le HIV infecte spécifiquement les cellules humaines CD4+ dont c'est normal que ça ne marche pas chez le moustique.
Papillon

Par contre, il y a un équivalent chez le singe du HIV, c'est le SIV. Qui lui est reconnu et lésé par la 3G chez l'homme mais pas chez le singe : comme quoi tout est histoire d'adaptations et de course entre organismes et pathogènes.

ptitbout · Posté le: Lun Fév 08, 2010 17:33 pm Sujet du message:

POURTANT C'EST BIEN EN AFRIQUE QUE LA POPULATION EST LA PLUS TOUCHEE

C’est en Afrique subsaharienne, qui n’abrite pourtant que 10 % de la population mondiale, que l’on trouve 60 % des personnes vivant avec le VIH.
En 2005, 25,8 millions d’habitants de l’Afrique subsaharienne avaient contracté l’infection à VIH, et 2,4 millions sont morts du sida.
Les taux d’infection varient considérablement en Afrique subsaharienne, de moins de 1 % en Mauritanie à près de 39 % au Botswana.

Criterium · Posté le: Lun Fév 08, 2010 17:36 pm Sujet du message:

Et oui, tu as tout à fait raison. Tu m'as donc mal lu :

Mara Caldera · Suprème actif Inscrit le: 20 Jan 2010 Messages: 5363

Crit': Au début des années 8O, ont se posait la question a propos du moustique, on a même eu peur. Je parle en incarnant cette époque sans doute. Sinon je sais que le Sida est réservé aux Hommes et aux singes, mais il existe le Sida du chat aussi. Ce n'est pas le meme virus mais les effets sont les mêmes. Le système immunitaire est dévoré.

ptitbout · Posté le: Lun Fév 08, 2010 17:51 pm Sujet du message:

La Bête · Posté le: Lun Fév 08, 2010 17:58 pm Sujet du message:

je ne suis pas bien sûre d'avoir tout compris, est-ce que ça signifie que cette petite population est immunisée contre le VIH (ou du moins capable d'en guérir spontanément) ?

Criterium · Posté le: Lun Fév 08, 2010 18:09 pm Sujet du message:

Tommy Angello · Posté le: Lun Fév 08, 2010 23:37 pm Sujet du message:

Criterium · Posté le: Lun Fév 08, 2010 23:55 pm Sujet du message:

Ah, de nos jours c'est possible, mais — pour m'exprimer simplement et sans fioritures — la technique est ‘crade’, pas nette/carrée (je détaillerai si les gens veulent).

ptitbout · Posté le: Lun Fév 08, 2010 23:57 pm Sujet du message:

oui tu peux detailler si tu veux ca m interesse stp

Tommy Angello · Posté le: Mar Fév 09, 2010 00:13 am Sujet du message:

Invité · Posté le: Mar Fév 09, 2010 11:10 am Sujet du message:

Je me sens toujours extrêmement stupide quand je lis Criterium. (je sais que ce n'est pas le sujet mais il fallait que ce fût dit)

Invité · Posté le: Mar Fév 09, 2010 11:44 am Sujet du message:

J'ai l'impression d'être un collégien quand je lis LuxLisbon...^^

alcibiade · Posté le: Mar Fév 09, 2010 12:14 pm Sujet du message:

Intéressant, ça nous change des posts de clochette. Certains chercheurs travaillant sur la question ont-ils été accusés de racisme, au fait ?

K · Posté le: Mar Fév 09, 2010 12:42 pm Sujet du message:

Invité · Posté le: Mar Fév 09, 2010 14:11 pm Sujet du message:

Ca ne me console pas, ça veut dire qu'en plus d'être très intelligente elle est normale. L'angoisse pour tous les médiocres dans mon genre.

Mara Caldera · Suprème actif Inscrit le: 20 Jan 2010 Messages: 5363

Invité · Posté le: Mar Fév 09, 2010 18:19 pm Sujet du message:

Ça me fait penser à mon cours de bio ^^