Méphistophélès
Suprème actif


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Posté le: Ven Mai 25, 2007 11:39 am Sujet du message:
Décidement, je n'aime pas les haïkus (ça prend un "s" au pluriel, Haïku ?
j'ai toujours un doute pour les néologismes et les mots étrangers).
Donc. Je vous le dis tout net, ce haïku regorge de figures de style.
Tout d'abord, au niveau de la forme globale du texte. Une phrase neutre aurait
donné "une fourmi se tient sur la pointe d'une herbe, devant l'infini du
ciel". Or ici, on parle de clivage, ou plus exactement, de phrase
pseudo-clivée: le sujet est rejeté en fin de phrase ce qui engendre un effet
d'attente, de chute. Effet de chute encore renforcé par le paradoxe opposant
"infini du ciel" et "fourmi" (l'infini est grand, poétique, abstrait; la
fourmi est petite, pragmatique, concrète) et par l'ajout de la proposition
intercallaire "devant l'infini du ciel" qui retarde encore l'arrivé de
"fourmi". Je ne vous parle même pas de cet ellipse "il y a une fourmi" rendant la fin de la phrase plus cinglante
encore.
D'un point de vue mélodique, nous obtenons cela:
Citation: | 'Sur la pointe d'une herbe,
devant l'infini du ciel
une fourmi.' |
En orange, les protases (la phrase dans son intonation monte), en rouge les
acmès (la phrase atteint sont point culminant), en vert l'apodose (la phrase
redescent). Nous avons donc deux montées puis une descente finale sur
"fourmi". Soit, une très longue montée, et une brusque et courte chute.
D'où une cadence mineure: l'on va jusqu'à parler de "phrase guillotine".
Encore une fois, le but est de mettre en exergue le fragment "une fourmi".
Deux fragments longs possédant à peu près le même nombre de syllabes ("sur
la pointe d'une herbe", "devant l'infini du ciel") et un fragment cours ("une
fourmi"). Cette écriture est une prose cadencée.
Enfin, bien evidemment, la sobriété du texte, ce côté lapidaire,
sentencieux, presque grammaticalement incorrect: on ira jusqu'à parler
d'aphorisme. Les deux premiers vers (parle-t-on de vers pour un haïku ?) sont
montés en parallélisme, c'est à dire qu'il présentent la même
construction avec en plus répétition finale ("d'une herbe", "du
ciel"): on parle d'hypozeuxe; alors que le dernier vers possède une syntaxe
totalement différente. Encore une fois, tout cela vient renforcer la
puissance evocatrice de "une fourmi".
Ai-je oublié quelque chose ?
Dernière édition par Méphistophélès le Ven Mai 25, 2007 11:52 am; édité 4 fois
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