J'ai rencontré Monsieur Intersport

Souki

Bonsoir,

J'ai récemment covoituré avec un bonhomme d'un type inconnu pour moi, en fait je pensais que ce genre de personnes n'était qu'un fantasme d'altermondialiste.

Il est huit heures, nous nous rejoignons et c'est parti pour cinq heures de trajet. Rapidement, nous nous présentons et l'un des covoitureurs nous explique qu'il a 37 ans et qu'il travaille chez Intersport, comme directeur d'un magasin. Le conducteur travaille aussi dans le commerce, personnellement je suis du genre à poser beaucoup de questions sans avoir l'air de juger et donc ça l'a mis en confiance. Petit à petit, nous avons mieux découvert le personnage.

Étudiant, il a trouvé un job chez Décathlon. À l'époque, il n'était pas particulièrement sportif, au contraire, et puis il s'y est mis et il y a pris goût. Au bout d'une certaine durée (j'ignore laquelle), il a décidé de vraiment travailler dans le domaine de la vente d'accessoires sportifs et pour des raisons que j'ignore, il a quitté Décathlon, puis Go Sport pour aller chez Intersport. Il est ensuite monté en grade et là, il avait bénéficié d'une année d'études financée par la boîte pour se former et monter son magasin ou reprendre une franchise.

Comme il parle de publicité, je lui demande si le fait d'émettre de la publicité a changé son rapport à la pub en tant que consommateur. Il me répond en me parlant du fonctionnement de la pub et de son impact sur le consommateur selon les zones géographiques. Ce n'est pas cela que je demande, alors je reformule, une fois, deux fois, et puis j'abandonne, parce qu'il me ressort systématiquement des réponses qui ne l'impliquent pas en tant que personne. Il ce déb*** son cours. Je me demande s'il pense encore par lui-même...

Les kilomètres défilent et nous croisons un Intersport. Il le regarde avec une sorte d'excitation un peu inquiétante et il nous explique, tout fier, qu'il emmenait son ex chez Intersport, en vacances. Partout où il va, il visite les magasins Intersport et il a l'air de croire que nous allons l'admirer pour ça.

Il suit le cours de Go Sport et des autres concurrents sur Internet. Il connait toutes les enseignes, leur spécificité, leur gamme de prix. Il a toutes les stats en tête. Il a suivi le sponsoring de toutes les équipes de foot. Il est incollable.

Nous parlons de management, il nous explique qu'une boîte sans aucun syndiqué, c'est un bon signe. Les syndiqués sont des fainéants qui empêchent une boîte de tourner. Quand tu as un syndiqué dépressif, tu as décroché le gros lot. Il n'hésite pas à virer les dépressifs, ceux qui viennent de se faire virer et qui ne sourient pas assez, ceux qui ont des problèmes de santé et qui coûtent cher en arrêt maladie, ceux qui sont en deuil et ne calculent rien. La « rupture familiale », il trouve ça méprisable. Il ne comprend pas les employés qui ne s'éclatent pas au travail et qui s'accrochent à leur emploi. Pourquoi ne vont-ils pas ailleurs ? Je lance une hypothèse : parce qu'ils ont un emprunt, des enfants,... ? Ouais mais quand même.

Ce mec est un winner, il pense entreprise, il vit entreprise, il le dit lui-même : « Intersport, c'est 90% de ma vie. » Il ne comprends pas les jeunes, qui ne veulent pas s'engager dans la boîte, qui refusent même parfois des formations payées, qui viennent chercher un ,job alors qu'ils ne semblent pas avoir envie de faire carrière dans l'entreprise.

Je trouve cela désolant. Au départ, j'étais désolée pour lui, parce qu'il avait l'air d'avoir tout donné à une boîte qui se débarrassera de lui à 50 ans. Il le sait, il vire lui-même les types grisonnants et les filles qui ont pris du poids. Il n'aime pas trop réfléchir. Quand ça ne va pas, il se défoule en faisant du sport et voilà. Une autre façon de faire ne l'intéresse pas.

Après, j'ai été désolée pour ses employés. Subir un mec comme ça, ça ne doit pas être facile tous mes jours.

Et puis finalement, je me dis que c'est bien triste pour la société toute entière. Ce type est la réussite parfaite du management actuel : on prend un jeune, on le « moule », comme il dit, et on en fait sa chose. Pour des raisons obscures, le type ne se défend pas, il accepte de devenir un membre de l'entreprise et puis, finalement, il devient l'entreprise sans comprendre que ce n'est pas la boîte de Papa et qu'un jour ou l'autre, on l'éjectera.

Je me demandais si vous en connaissiez, des gens comme ça. Des gens qui ont l'air parfaitement morts, en fait. Ce que vous en pensiez. Et puis, en fait, je voulais surtout raconter cette rencontre.

Sofiiiii · Posté le: Mer Jan 08, 2014 17:57 pm Sujet du message:

Oh oui j'en ai déjà rencontré des comme ça et c'est vrai que c'est flippant. Ils ne se rendent pas compte effectivement qu'un jour un homme né dans le même moule qu'eux les foutra à la porte parce qu'ils sont trop vieux. Il y a beaucoup de personnalités comme celle-ci dans le monde de la grande distri, et cela comprend les enseignes alimentaires, les enseignes du sport, et les autres.

Souki · Posté le: Mer Jan 08, 2014 18:36 pm Sujet du message:

Il y a un truc qui m'échappe, c'est que le type avait vraiment l'air mort dedans, tout sec. Je ne comprends pas vraiment quelle peut être sa motivation pour mener cette existence purement servile.

Il cherche des gens à mouler, il l'a dit lui-même. Du coup, naïvement peut-être, je me dis qu'il doit bien savoir qu'il est formaté de A à Z. Je ne comprends pas qu'on puisse accepter cela.

Tu as une idée ?

Sofiiiii · Posté le: Mer Jan 08, 2014 22:34 pm Sujet du message:

Il l'oublie peut être en se disant qu'avec le pouvoir qu'il a obtenu au fil des années il est passé au delà de ça. J'ai l'impression que c'est ça autour de moi, ils se sentent souvent "au dessus"...

Fromthesouth · Posté le: Jeu Jan 09, 2014 10:25 am Sujet du message:

Ce sont des carriéristes extrémistes, ils ne comprennent pas ceux qui ne le sont pas, et inversement. Après si ils sont heureux comme ça tant mieux pour eux, mais ça me fait pas rêver.

Tommy Angello · Posté le: Jeu Jan 09, 2014 21:01 pm Sujet du message:

Si tu remplace intersport par une religion j'en ai déjà rencontré quelque uns.

Sinon j'ai covoituré avec des directeurs de sous marque d'auchan. Ils roulaient à 150 sans quitter la fille de gauche et parlaient de leurs produits et de comment ils font pour casser les prix. Je ne me souvient plus du détail mais en gros, ils cassent la qualité et verticalisent.

Pixelle · Posté le: Lun Jan 13, 2014 20:56 pm Sujet du message:

Etant encore étudiante, des types de ce genre j'en connais peu. Mais ça m'arrivera sans doute lorsque je serai dans une entreprise.

J'espère juste ne pas devenir une de ces jeunes qui vont essayer de faire rentrer dans le moule.

Souki · Posté le: Lun Jan 13, 2014 21:03 pm Sujet du message:

Sa cible, c'est le jeune sans emploi. Lui-même était très mauvais à l'école. Il n'a visiblement aucune culture (truc de bobos, hein). Je crois qu'on risque plus de devenir ce genre d'abomination quand au départ on est inconsistant et qu'on manque de confiance en soi.

Pixelle · Posté le: Lun Jan 13, 2014 21:15 pm Sujet du message:

Tu me rassures dans un sens.

chiron · Actif Sexe: Inscrit le: 07 Nov 2005 Messages: 1191