Autoportaits en jeune poète


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Lord_Triangle
Petit nouveau
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Message Posté le: Mer Jan 05, 2011 04:49 am    Sujet du message: Autoportaits en jeune poète
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J'ai décidé, une bonne fois pour toutes, d'étudier la poésie.
Pour ce faire, j'étudierai ma poésie.
C'est encore celle avec qui je passe le plus de temps.
Le poète avec lequel je vis et partage mon corps, je vais tenter de retirer ses mille masques. Cela prendra le temps que cela prendra. Peu m'importe. Mon entreprise me semble assez vitale pour que l'inachèvement, double éclaté de toute oeuvre digne de ce nom, ne l'empêche d'être menée le plus loin possible. Le poète, comme tout artiste, s'il veut devenir encore et toujours plus poète, se doit d'abord d'affronter les limites de son art. Je parle ici par l'action des saintes grâces de la branlette poétique. Dès lors qu'on a cessé de considérer ces mots : 'saintes' et 'grâces', c'est tout le reste de la langue qui se branle : ordinaire, d'une ignoble littérature dans le meilleur des cas. Entrez, si vous le désirez seulement, dans ce carnaval analogique avec moi, moi et lui. La seule promesse que je puis vous faire est qu'aucune fantaisie innocente ne sera maltraitée au cours de mon enquête dans les temps et les espaces polymorphes propres à ces quelques fragments arrachés de mes âmes.

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Première vérité : j'écris des poèmes parce que je n'arrive décidément pas à m'arranger avec la réalité. J'ai beau faire, un manque énorme finit par régner en tyran sur la moindre de mes pensées. La sensation de posséder un esprit inapte au bon fonctionnement de la vie quotidienne n'y est pas étrangère. Oui, c'est ça : je vis en étranger. Pas l'étranger qui regarde passer les nuages, les merveilleux nuages, et qui est étranger partout parce que ses sentiments aériens ne peuvent s'épanouir dans la société vulgaire et basse de son temps. Je suis intimement persuadé que notre société n'est ni plus vulgaire, ni plus basse qu'une autre. Il me semble même qu'aucune société n'est basse ou vulgaire. Toute communauté d'hommes est fascinante, car elle existe comme un organisme vivant, un nouvel organisme délivré des conditions humaines. Le sacré n'est jamais bien loin : il suffit de savoir lui tirer les vers du nez. Mais nous reviendrons sur ce point plus tard, dans un autre fragment, le cinquième, le cinquante-septième ou celui qu'un masque voudra bien épouser.

Je ne suis pas cet étranger, donc. Quel étranger suis-je ?
Un étranger moderne, forcément. Du vingt-et-unième siècle. De cette courte période, de ce bref laps de temps auquel est réduit la vie physique de l'homme.
Je ne suis pas du romantisme dix-neuvième. Je ne suis pas du romantisme vingtième. Je ne suis pas du surréalisme, de la tradition chrétienne ou l'un de ses squelettes d'anciens grand françois que le vent dénude un jour dans un musée, une Sorbonne ou un Panthéon.
Personne n'est réductible à un mouvement, un type ou une critique de critique en chaleur. La communication que j'ai pu établir avec certains morts, tel D... ou R... ou encore A... , le prouve : il y avait là des hommes, avant tout. Et l'or que l'on reçoit par le tamis de ces échanges fait honte à toute l'encre que s'obstinent à déverser - comme du foutre mal contenu - tant "d'épileurs de chenilles, de rétameurs d'échos, de laitiers caressants, de minaudiers fourbus, de visages qui trafiquent du sacré, d'acteurs de fétides métaphores..." (merci René Char).
Ainsi, je ne suis pas l'étranger qui regarde passer les nuages, les merveilleux nuages.
Je suis par contre un malade. Je souffre d'un trouble physiologique et psychique de l'émotion. Je passe d'un amour infini, sans frontières, entre les quatre murs de ma chambre, au replis total et tremblant autour du coeur baveux d'angoisse de mon ventre.

L'angoisse. Le mot est lâché.
Les mots s'embrassent quand ils sont amoureux.
Ils se lâchent quand ils sont angoissés.
Ils s'embrassent et se lâchent et s'embrassent et se lâchent
sans arrêt,
pour écrire je dois aussi être amoureux.
Je suis un poète, ne l'oubliez pas.

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