Lord_Triangle
Petit nouveau
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Posté le: Mar Jan 04, 2011 05:23 am Sujet du message: nuit du 27 juin
Pourquoi écris-tu ? Est-ce pour crever à intervalles réguliers de petits
abcès de mélancolie qui te travaillent l'estomac ? Est-ce pour sentir
frissonner la Présence, parfois, trop peu souvent en fait, dans l'ombre que
projettent les ombres des mots ? Ou est-ce simplement pour tenir compagnie,
comme un bon camarade, à la lumière de ta lampe de bureau - car il faut
supporter l'existence de l'électricité, des filaments et de la couleur du
blanc - ? Supporter : c'est-à-dire épauler... Entre quête mystique et
soutien de secouriste bilieux, trace ta voie, ô toi, le multiple, l'unique !
***
(De différences, ici, déjà le lecteur abasourdi, navré, en découvre cent,
mille... Que peut alors bien peser le noir, ou le blanc de ma peau ? La noir a
cent, mille nuances. Le blanc a cent, mille nuances. Blancs. Noirs. Musique
aux variations infinies... Six milliards de races. Chacun est raciste de
l'autre. Et il y a des groupes d'autres que nous supportons moins que d'autres
groupes d'autres, car nous en sommes bien différents. Nuances, différences.
Nier cela c'est nier le chien qu'est l'homme qui renifle l'homme depuis la
nuit des temps. Hé, quoi. Quand il n'y aura plus aucun besoin de se renifler
le cul les uns les autres, mes frères, c'est que l'odeur de la merde aura
salement envahi notre monde.
***
Tous ces athées, qui s'obstinent à ne pas prononcer le mot de 'Dieu'... On
dirait qu'ils s'échinent à oublier quelqu'un, ou quelque chose. Moi,
l'agnostique (?), je suis beaucoup plus libre, voyez plutôt : Dieu, après
s'être fait bouillir un bon coup dans une petite casserole d'étoiles, a
salué un aspirant expert-comptable harnaché à sa fenêtre, en levant une
nouvelle lune rousse, cette nuit ! L'empathie permet d'établir une relation
plus libre entre deux amis. Faire descendre Dieu de son trône. Je ne dépends
plus de Toi en tant qu'être soumis, Dieu, dès lors que je sais te mettre
dans une casserole; mais en tant qu'homme libre cherchant Ton Souffle
longitudinal, latitudinal, et spectral à travers le souffle d'une poésie
incongrue, pénétrante, et expérimentale.
[Première déclaration de ma bonne volonté à Dieu. Pierre Saunier.]
***
La plupart des performeurs contemporains créent un sentiment de honte, de
gêne, chez leurs semblables. Caca mangé, foutre tartiné, chairs suant au
soleil. Or qu'est-ce que cette gêne profonde sinon la sensation de la
pesanteur de la Terre qui écrase un pauvre esprit de mortel ?
Les performeurs travaillent à l'encontre de l'artiste, du sage ou du danseur
: qui œuvrent, eux, pour que l'esprit mortel puisse acquérir les conditions
nécessaires à sa libération. Enfin, se défaire de la pesanteur terrestre
et s'atteindre dans ses plus hautes sphères !
***
A la place du mot 'volonté', j'utiliserai dorénavant le mot 'aimant', et à
la place du mot 'coeur', le mot 'pompe à vélo'. Et tout deviendra plus
clair, sur la tête de ma prose, de ma poésie et de mon épitaphe future -
zéro poux vicieux, mais une véritable colonie de lunettes pour aveugle
déchaussées.
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Ce qui est incroyable c'est que ce carnet finira par être dévoré par le
temps; que tous mes mots finiront par disparaître ici et ailleurs,
physiquement et spirituellement; que la pâte de l'Univers entier finira par
dégonfler, enfin - et que je t'aime !
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Et alors, si j'aime à faire jouir ma langue, à la faire claquer contre mon
palais et tourner en moi ?
- "La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas.
(Baudelaire)" Il est ardu, ce constat : qu'il est difficile et contraignant de
polir sa langue, de l'épurer, afin qu'elle épouse au mieux vos pensées les
plus intenses, afin que vous vous rendiez à ce que vous êtes le plus
intensément - fragment de l'énergie divine qui nage vers sa source !
Il est aisé de s'échauffer artificiellement la pensée en la fouettant de
phrases bizarres et d'analogies mystérieuses - être humble devant sa langue
- déposer les armes devant son outil - pour que cet outil soit votre seule
arme ! Qui, batailles après batailles, s'aiguisera... Le langage ne
s'émoussera que si il cesse un jour de passer de bouches en bouches - comme
ça, d'oeil en oeil - d'esprit à esprit - le français n'est pas encore une
langue morte.
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Dieu est un paquet de roses tombé à tes pieds - de leur parfum, il s'écoule
vers nous.
Ai-je senti cette phrase ? Je n'ai pas senti cette phrase. J'ai vu une image
qui s'est imposée à moi, de chaussures, de paillasson et de fleurs. De la
rencontre fortuite entre ces trois éléments et une phrase de Max Jacob : "Un
incendie est une rose sur la queue ouverte d'un paon."
(Pourtant, Gerda, dans le conte d'Andersen 'La sorcière des neiges', constate
dans le jardin fleuri de la magicienne : "Cela ne sert à rien que j'interroge
les fleurs, elles ne connaissent que leur propre chanson, elles ne savent pas
me renseigner.")
***
Pas de dialogue avec toi-même - lumières éteintes - tu sais très bien que
ça finit toujours en poèmes.)
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