Jean-François Caron
Petit nouveau

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Posté le: Jeu Déc 23, 2010 10:22 am Sujet du message: Faut-il en finir avec la métaphysique ?
La métaphysique est un champ de réflexion portant sur des questions
fondamentales, telles que l’être. On a coutume de la nommer ainsi,
métaphysique, en référence à l’édition antique des œuvres
d’Aristote, parce que les interrogations et propositions à laquelle elle
renvoyait à son origine venaient après les travaux aristotéliciens sur la
nature. Ainsi, métaphysique signifie étymologiquement ce qui vient après la
physique, ce que confirme également son contenu. En effet, alors que la
physique était initialement une observation du réel devenue par la suite une
science expérimentale, la métaphysique elle est toujours restée au stade de
l’intuition. S’interroger sur l’étant, l’être en soi et sur la cause
première de ce qui est, maintient la pensée dans des abstractions que
l’expérience ne peut investir. Les réflexions métaphysiques sont
d’ordre ontologique, en prétendant penser la totalité du monde, le Tout.
Ainsi, la science et la métaphysique s’écartent pour ce qui est de la
méthode, empirique en grande partie pour la première en visant le
particulier pour en extraire une loi ou inversement en éprouvant une
hypothèse, intuitive pour la seconde en proposant uniquement avec la raison.
La science d’ailleurs a une tendance à se méfier de la métaphysique, et
parfois elle en vient même à la rejeter. Comment en effet,
questionne-t-elle, peut-on envisager de réfléchir sur la totalité, alors
que celui qui réfléchit est un être fini, singulier, dont la conscience ne
peut viser que le particulier ? Si le monde est l’ensemble de ce qui est, de
l’étant, il apparaît comme impossible qu’une individualité puisse
saisir la totalité des choses, et cela même en s’y mettant à plusieurs.
L’être est d’abord infini, car le limiter signifie qu’il existe quelque
chose qui le limite, soit un étant de plus qui s’ajoute à ce qui est.
L’être est également éternel si l’on considère qu’il ne peut pas
être à partir de rien, en estimant que rien ne produit rien. Infini et
éternel, l’être alors nous dépasse, nous autres, les humains, prisonniers
de notre finitude. Et même si l’on conclut que le réel est avant tout
phénoménal, donc expérimentable, aucun phénomène n’en constitue
l’exhaustivité, et ce même en sommant tous les phénomènes recensés.
Cette addition ne serait pas égale au réel, celui-ci étant aussi composé
de ce qui est possible mais non réalisé. Le monde est également une
puissance qui ne s’est pas encore transformée en acte, un néant qui
potentiellement peut devenir, sans certitude qu’il devienne pour autant. Le
phénomène quant à lui ne restitue pas ce qui n’est pas encore et qui
peut-être sera demain ou ne sera jamais, alors qu’une chose est ce
qu’elle est à un instant précis et aussi ce qu’elle pourrait être.
La métaphysique semblerait donc s’apparenter à une voie sans issue, une
impasse. Certains pourtant s’essaient à la contourner, comme Kant en
voulant modifier son contenu. Il faut selon lui abandonner toute recherche sur
le Tout, sur l’absolu, qu’il présente comme un projet dont la fin est
irréalisable à l’échelle humaine. Kant propose que soient pensées à la
place les conditions fondamentales de la connaissance humaine, autrement dit
ce qui à priori permet de connaître. Que puis-je savoir, tel est l’axe de
réflexion qui l’anime et sur lequel il nous invite à nous concentrer.
Cette invitation présente un intérêt non négligeable, car identifier les
facultés à connaître ouvre des pistes à la découverte, mais en ferme
également lorsque le penseur de Königsberg affirme que l’homme ne peut pas
tout saisir. Cependant, une nouvelle question se pose à propos de la
démarche de Kant et de ceux qui poursuivent sa logique : comment peuvent-ils
déterminer ce qui est connaissable de ce qui ne l’est pas pour un être
humain, alors qu’ils sont eux-mêmes homme, et donc tout autant que les
autres indisposés à prendre toute la distance nécessaire pour juger d’un
domaine dans son ensemble ? Peut-on vraiment échapper dans ce cas à
l’arbitraire ? Ne vaut-il pas mieux tenter de tout explorer, sans se poser
préalablement de limite, de façon à embrasser tout ou partie de ce qui est
au lieu de se censurer, même s’il faut par la suite se corriger ? La
science d’ailleurs n’avance-t-elle pas bien plus avec des corrections
qu’avec des certitudes ? Il n’empêche que la limite d’investigation
reste inconditionnelle chez certains pour qui la métaphysique n’est pas
digne d’intérêt en la présentant dénuée de toute valeur apodictique.
Les positivistes font partie de ceux-là, comme Auguste Comte qui considère
la métaphysique comme « une sorte de théologie graduellement énervée par
des simplifications dissolvantes ». Plus tard, le Cercle de Vienne,
accueillant les néo-positivistes, poursuivent l’idée de Comte, en
repoussant toute métaphysique, voire la condamnant pour aller s’inscrire
dans le scientisme. Seule la science serait ainsi en mesure d’expliquer le
Tout et de rendre compte de la cause originelle. Mais en déconsidérant toute
initiative réflexive dépassant l’expérience, les scientistes ne
cherchent-ils pas à promulguer la science comme modèle jusqu’à la
vénération ? Une nouvelle religiosité avec les scientistes ? En outre,
rejeter toute métaphysique prive la science d’une source d’idée. Comme
nous l’avons dit, la métaphysique, mais aussi la philosophie,
s’inscrivent dans une analyse sur ce que l’on ne sait pas. Mais rien ne
dit que ce qui n’est pas su à une époque donnée ne le soit plus à
l’avenir, et cela justement grâce à des forces intuitives qui apportent de
nouveaux sujets d’étude, ou une nouvelle façon d’observer, à la
science. La métaphysique repousse ainsi les frontières de l’expérience,
lesquelles ne sont pas figées car rien n’est écrit, ni délimité, par une
entité surnaturelle. De plus, aucun contour expérimental n’est
déterminable, l’homme ne pouvant sortir du champ de l’expérience.
Renoncer à la métaphysique, c’est donc circonscrire la science à une
démarche exclusivement scientiste, ce qui va à l’encontre de son essence
progressiste.
***les liens sont interdits(t)***
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alcibiade
Suprème actif


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Inscrit le: 06 Juin 2007
Messages: 6608
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Posté le: Mar Déc 28, 2010 10:13 am Sujet du message:
Auguste Compte, qui condamnait la métaphysique pour la science, soutenait
qu'on ne saurait jamais de quoi étaient faites les planètes et les étoiles.
Grace à l'analyse spectographique, comme le disait je ne sais plus qui, on le
sait aujourd'hui aussi bien que si on y était allé.
Il soutenait aussi que l'univers dans son ensemble ne serait jamais objet de
science. Aujourd'hui, c'est exactement l'inverse qui se produit: la science de
l'univers dans son ensemble est l'une des branches majeures de la science, et
l'une de celles on l'on progresse le plus.
Cerise sur le gateau, les cosmologistes et autres astrophysiciens ne cessent
de s'alimenter de la métaphysique platonicienne, néoplatonicienne et que
sais-je encore. Preuve que la métaphysique n'est absolument pas dépassée,
bien au contraire. Preuve aussi que les philosophies progressistes comme le
positivisme se sont décidément plantées de A à Z...
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