alcibiade
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Posté le: Mar Juil 06, 2010 19:38 pm Sujet du message: Les éditions juxtalinéaires de textes classiques
Pour ceux qui ne connaisent pas, tapez simplement "juxta latin", vous tomberez
sur des sites en proposant gratuitement.
Le principe: donner une traduction très littérale, en décomposant le texte
presque mot à mot. C'était assez à la mode dans la seconde moitié du
19ème, époque où le niveau généralen latin et en grec était bien
différent de celui de maintenant (pour vous donner une idée, à 18 ans, on
passait des épreuves consistant à composer des vers latins, ou des
rédactions en prose). Actuellement, c'est tombé en désuétude, pour des
raisons de pédagogie, parait-il.
J'ai un peu de mal à comprendre en quoi ça peut être gênant de comprendre
clairement les structures grammaticales d'un texte. Pour comprendre Homère ou
Thucydide, c'est quand même drolement pratique. D'ailleurs certains manuels
modernes (ceux du cned par exemple) en proposent, sans jamais qu'on ose
éditer une oeuvre entière de cette manière. Je me demande ce qui pose
problème.
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Posté le: Jeu Juil 08, 2010 11:23 am Sujet du message:
C'est la façon standard de présenter beaucoup de textes+traduction en
hébreu biblique et en ancien égyptien ; et ça a quand même la limitation
du mot-à-mot (ce qui est, à un extrême, de formulation malaisée, et à
l'autre extrême si l'on note toutes les indications grammaticales, surchargé
— "Aor. Pas. 2sg", "Part. Perf. Act. Acc. M", etc.). À cela on ajoute le
côté économique : la grande majorité de personnes achetant des livres
bilingues latin ou grec ne lisent que la traduction (il y avait eu des
sondages, je crois), et donc l'on veille à sa lisibilité, ce qui suppose
souvent de reformuler et de perdre des tournures propres à la langue
originelle — que n'apprécieront de toute façon que ceux étant capable de
la lire. Et ceux-là préférant peut-être recopier le texte et l'analyser
d'eux-mêmes, s'il faut autant aller dans les détails. En fait, comme si
c'était une langue vivante comme du russe : je trouve donc ça plutôt
positif, non?
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Tsubi
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Posté le: Jeu Juil 08, 2010 21:16 pm Sujet du message:
Petit alcibiade, qu'y a-t-il à lire chez tes potes les Anciens (surtout les
historiens comme Plutarque ou Tacite) ?
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alcibiade
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Posté le: Ven Juil 09, 2010 17:40 pm Sujet du message:
Qu'y a-t-il à lire dans la littérature ? Tu bats des records d'obscurité.
Citation: | À
cela on ajoute le côté économique : la grande majorité de personnes
achetant des livres bilingues latin ou grec ne lisent que la traduction (il y
avait eu des sondages, je crois), et donc l'on veille à sa lisibilité, ce
qui suppose souvent de reformuler et de perdre des tournures propres à la
langue originelle |
C'est sur que les Belles lettres ne peuvent pas se permettre de publier des
traductions de type ultra-littéral, étant donné que la majorité ne lit que
le français et pas le texte original. Mais ça pourrait se faire en
complément d'une édition traditionnelle. Edition qui a tendance je crois,
par ses traductions souvent très littéraires, à favoriser le clivage entre
quelques uns, capable de lire le latin ou le grec sans problème, et les
autres, qui n'oseront même pas y jeter un oeil. Cela dit, c'est vrai que ces
éditions ont une optique plus universitaire que scolaire. Enfin, le niveau en
latin/grec a tellement baissé ces dernières années qu'il ne doit pas etre
loin de celui d'un lycéen du début du siècle dernier.
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chiron
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Posté le: Sam Juil 10, 2010 00:14 am Sujet du message:
Tsubi a
écrit: | Petit alcibiade, qu'y
a-t-il à lire chez tes potes les Anciens (surtout les historiens comme
Plutarque ou Tacite) ? |
alcibiade, tu bats des records de suffisance. Une demande de conseil sur les
historiens anciens, cela mérite des louanges, pas du mépris.
Donc chez les historiens...
En Grec, je te conseille l'Enquête d'Hérodote. Il est considéré comme le
premier historien, le premier journaliste et premier explorateur. L'Enquête
raconte le développement de l'empire perse et les guerres médiques, mais
avec des digressions très intéressantes sur l'Égypte ou encore le lointain
et mystérieux nord de l'Europe.
Chez les latins, il y a aussi Tite-Live quand même. Si tu accroches, tu
n'auras pas assez de tout l'été.
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alcibiade
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Posté le: Mar Juil 13, 2010 09:36 am Sujet du message:
Citation: | alcibiade, tu bats des records de suffisance. Une demande de
conseil sur les historiens anciens, cela mérite des louanges, pas du mépris.
|
Si cela avait été demandé d'une manière normale j'aurais peut être
répondu normalement figure-toi.
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Posté le: Mar Juil 13, 2010 19:54 pm Sujet du message:
Citation: | Edition qui a tendance je crois, par ses traductions souvent
très littéraires, à favoriser le clivage entre quelques uns, capable de
lire le latin ou le grec sans problème, et les autres, qui n'oseront même
pas y jeter un oeil. Cela dit, c'est vrai que ces éditions ont une optique
plus universitaire que scolaire. Enfin, le niveau en latin/grec a tellement
baissé ces dernières années qu'il ne doit pas etre loin de celui d'un
lycéen du début du siècle dernier. |
Je pense que le clivage n'a pas attendu les éditions ; quand l'on s'aperçoit
que certains licenciés de lettres classiques sont loin de maîtriser le latin
classique et n'ont aucune notion de grec, oui, l'on peut se poser des
questions. La plupart des gens n'ont tout simplement aucune notion ni de l'un
ni de l'autre ; le pire étant qu'ils n'en souffriront a priori pas. (Les Anciens, eux...)
Pour ma part, μανθάνω...
καὶ οὐ ῥᾴδιός
ἐστι ἡ τῶν
Ἑλλήνων
γλῶττα.
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alcibiade
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Posté le: Jeu Juil 15, 2010 09:26 am Sujet du message:
ça c'est sur, et encore plus quand on veut mettre les accents.
Ce clivage, je ne vais pas en faire porter la responsabilité aux éditions
classiques, elles font un boulot formidable, et je ne crois pas qu'elles
jouent un role si énorme dans la constitution du clivage en question.
La baisse de niveau en langues anciennes ces dernières années en France a
des causes beaucoup plus faciles à identifier:
-Fin du latin obligatoire (depuis Mai 68 je crois); on constate que les pays
qui ont maintenu une ou deux années de latin obligatoire ont au final un bien
meilleur niveau général).
-Problème de pédagogie dans l'enseignement. On ne veut plus faire de
thèmes, ni même parfois de vraies versions.
-A l'échelle européenne, la directive de Bologne a fait supprimer un nombre
d'heure considérable.
-Plus généralement, la société a tendance a tourner le dos aux étdes
littéraires. Une anecdote, ou plutot une phénomène répété: quand on dit
que l'on veut faire de la recherche dans ce domaine, les gens font des yeux
ronds, ou pour les plus cons d'entre eux, disent que la recherche dans ce
domaine, ça n'existe pas. Comme si c'était réservé aux laboratoires et aux
éprouvettes. Comme si les sciences philologiques et historiques n'avaient pas
un degré d'exigence scientifique important.
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Posté le: Jeu Juil 15, 2010 13:09 pm Sujet du message:
Et pour étoffer ce dernier point : le peuple dans ce qu'il a de plus vulgaire
(pour un rapide échantillon, il suffit de scruter les commentaires d'un
journal comme 20minutes sur Internet pendant une semaine sur les sujets les
plus variés pour avoir une très bonne vision de cette vulgarité sous toutes
ses formes), déjà qu'il trouve la recherche un passe-temps inutile, concède
généralement que la recherche en biologie a un but et une utilité,
seulement lorsqu'elle est appliquée à telle ou telle maladie précise (*) ;
mais par contre, la recherche en maths, en histoire ou surtout — pire du
pire — en littérature, lui apparaît comme la planque la plus inutile de
parasites en puissance (**).
(*) Je précise sans vouloir faire de H.S. que la recherche fondamentale,
c'est-à-dire non-orientée sur telle ou telle maladie précise, a plus
souvent eu des implications majeures pour lutter contre telle ou telle
maladie, par rapport aux études censément utiles et donc trop
spécialisées, avec des gens peu curieux mais considérant la science comme
un investissement purement financier.
(**) Dont ils ne réalisent pas qu'ils sont résolument sous-payés et
sous-considérés, en particulier en
France. (à titre d'exemple personnel, il suffit que je passe la frontière
franco-allemande et mon salaire doublera ou triplera, ainsi que ma
considération).
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