Ausone Pète bordelais


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Clovis de Monoclodon
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Message Posté le: Dim Fév 21, 2010 09:42 am    Sujet du message: Ausone Pète bordelais

Avez vous lu les poèmes d'Ausone, ce latiniste bordelais qui nous a abreuvé de ses poèsies à la noix dans le courant du 4ième siècle ? Il se prenait pas pour une queue de cerise...Son seul mérite était de poèter en latin !

Voici un de ses plus célèbre poème :

Libra
Citation:
Toi qui admires ces vastes corps du monde suspendus dans la sphère sublime du ciel qui les enserre, masses immenses dont rien n’ébranle l’équilibre, voici qui te paraîtra plus admirable encore. Ces masses ont pour principes des molécules très-déliées qui échappent à nos regards, et qui se composent de l’assemblage d’une série de petits atomes. Mais ces infiniment petits sont des corps solides, ces divisions de la matière sont indivisibles. C’est ce qui conserve leur force et leur vigueur, et leur perpétuelle mobilité dont les âges ne pourront vaincre la durée. Il est permis de comparer aux choses célestes les choses d’ici-bas. Ainsi l’as est de même un solide, puisqu’il se compose de douze parties égales, et que séparément chacune des plus petites de ces parties égales conserve la même force. Car si on en retranche quelqu’une du nombre, le tout chancelle, et les parties se détachent et s’écroulent avec le corps. C’est comme si on arrachait d’une voûte la pierre du milieu sur laquelle tout repose : les autres la suivraient dans sa chute et entraîneraient dans une ruine commune le faîte de l’édifice. Il n’en est pas autrement de la livre. S’il y manque une once, l’as n’est plus un tout ; il n’aura plus alors que le vain nom de deunx. De même, le dextans ne peut garder son nom si on écarte le sextans. Le dodrans, par la perte du quadrans, perd sa valeur première. Le triens enlevé, le bes ne compte plus. Le quincunx est nul si on retire les premières parties du tout. Et le semis, sera-t-il encore le semis ; le septunx, qui n’a que sept parties de la livre, formera-t-il seul une livre, si les autres éléments de l’as disparaissent ? Ainsi la livre n’existe que si aucune de ses parties ne lui manque. Le mot libra s’emploie pour les poids, les nombres, la morale, les ouvrages et les eaux : il n’est pas de mesure que ce mot ne désigne. Libra, c’est le balancement régulier de la terre suspendue au milieu des airs ; libra détermine la marche du soleil et de la lune ; libra, c’est la balance qui rend égales les heures du jour et du sommeil ; libra, c’est le mouvement réglé qui contient, sans le secours du rivage, les vagues de la Calédonie. Demeure aussi pour moi, libra, la règle certaine de mes moeurs.


Que dire ?
Si ce n'est qu'il en tenait une couche... Ausone !
alcibiade
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Message Posté le: Dim Fév 21, 2010 13:56 pm    Sujet du message:
Mouais, son poème le plus connu de très loin est bien plutot la Moselle


"J’avais traversé sous un ciel nébuleux la Nava rapide[78], et j’avais admiré les nouveaux remparts ajoutés à cette bourgade antique[79], où les revers[80] de la Gaule balancèrent un jour les désastres de Cannes, où gisent à l’abandon, dans la plaine, des bataillons que nul n’a pleurés[81]. De là, suivant à travers des forêts sauvages un chemin solitaire, où nulle tracé de culture humaine ne s’offrit à mes yeux, je dépasse Dumnissus[82], au sol aride et partout altéré, les Tabernes[83] qu’arrose une source intarissable, et les champs mesurés naguère aux colons sarmates[84] ; et je découvre enfin, sur les premiers confins des Belges[85], Nivomagus, lieu célèbre où campa le divin Constantin[86]. L’air est plus pur en ces campagnes, et Phébus, dont l’éclat resplendit sans nuage, dévoile enfin l’Olympe éblouissant de pourpre. L’œil n’a plus à percer une voûte de rameaux entrelacés, pour chercher le ciel que lui dérobent de verts ombrages ; l’air est libre, et la transparente clarté du jour ne cache plus aux regards ses limpides rayons étincelant dans l’espace. Je revis alors comme une image de ma patrie, de Burdigala, de sa brillante culture, à l’aspect riant de toutes ces villas dont les faîtes s’élèvent au chant des rivages, de ces collines où verdoie Bacchus, et de ces belles eaux de la Moselle qui roulent à leurs pieds avec un doux murmure.

Salut, fleuve béni des campagnes, béni des laboureurs ; les Belges te doivent ces remparts honorés du séjour des empereurs[87] ; fleuve riche en coteaux que parfume Bacchus, fleuve tout verdoyant, aux rives gazonneuses[88] : navigable comme l’océan, entraînée sur une douce pente comme une rivière, transparente comme le cristal d’un lac, ton onde en son cours imite le frémissement des ruisseaux, et donne un breuvage préférable aux fraîches eaux des fontaines : tu as seul tous les dons réunis des fontaines, des ruisseaux, des rivières, des lacs, et de la mer même, dont le double flux ouvre deux routes à l’homme. Tu promènes tes flots paisibles[89] sans redouter jamais le murmure des vents ou le choc des écueils cachés[90]. Le sable ne surmonte point tes ondes pour interrompre ta marche rapide[91], et te forcer de la reprendre ; des terres amoncelées au milieu de ton lit n’arrêtent point ton cours, et tu ne crains pas qu’une île, en partageant tes eaux, ne t’enlève l’honneur mérité du nom de fleuve. Tu présentes une double voie aux navires, soit qu’en se laissant aller au courant de ton onde, les rames agiles frappent ton sein agité ; soit qu’en remontant tes bords, attaché sans relâche à la remorque, le matelot tire à son cou les câbles des bateaux. Combien de fois, étonné toi-même du retour de tes eaux refoulées, n’as-tu pas pensé que ton cours naturel s’était ralenti ? L’herbe des marécages ne borde pas tes rives, et tes flots paresseux ne déposent point sur tes grèves un limon impur. Le pied qui t’approche ne se mouille jamais avant d’avoir effleuré tes ondes[92].

Allez, maintenant[93] ! Semez le sol uni des incrustations de la Phrygie, étendez une plaine de marbre sous les lambris de vos portiques ! Moi, je méprise ces magnificences du luxe et de la richesse : j’admire les œuvres de la nature, et non ces recherches des dissipateurs, ce faste d’une folle indigence qui rit de sa ruine. Ici une arène solide recouvre d’humides rivages, et ne retient point l’empreinte fidèle des pas qui l’ont foulée. L’œil plonge à travers ta surface polie dans tes profondeurs transparentes, tu n’as rien de caché, ô fleuve. Ainsi que l’air nourricier étale à ciel ouvert, à tous les yeux, ses fluides clartés, quand les vents endormis ne troublent point les regards dans l’espace ; de même, si la vue pénétrante s’enfonce au loin dans les abîmes du fleuve, nous apercevons à découvert ses retraites mystérieuses, quand ses flots roulent paisibles ; et le cours limpide des eaux nous laisse entrevoir les divers objets qu’il éclaire de ses reflets d’azur : ou le sable qui se ride, sillonné par la vague légère ; ou le gazon qui s’incline et tremble sur un fond de verdure. Au-dessous de ces eaux qui l’ont vue naître, l’herbe s’agite battue par le flot qui passe, le caillou brille et se cache, et le gravier nuance la mousse verdoyante. C’est un tableau connu des Bretons de la Calédonie, quand le reflux laisse à nu l’algue verte et le rouge corail, et ces blanches perles écloses des coquillages, les riches délices des mortels, et tous ces bijoux que façonnent les mers à l’imitation de nos parures. Ainsi, sous le paisible courant de la riante Moselle[94], l’herbe bigarrée découvre les cailloux dont elle est mêlée. Cependant l’œil tendu se fatigue à voir aller et venir ces essaims de poissons qui glissent en se jouant. Mais il ne m’est pas permis de décrire tant d’espèces, et leurs obliques circuits, et ces bandes qui se suivent en remontant le fleuve, et les noms et toutes les familles de ces peuplades nombreuses : un dieu me le défend, le dieu qui reçut en partage le second lot de l’empire du monde et la garde du trident des mers.

Ô Naïade qui habites les bords de la Moselle, montre-moi les groupes du troupeau qui porte écaille[95], et décris-moi ces légions qui nagent dans le sein transparent du fleuve azuré."

etc




J'avoue n'avoir jamais lu que des extraits de ce poète, qui doit, contrairement à ce que tu dit etre très intéressant, non seulement comme poète, mais aussi comme produit de l'éducation gallo-romaine. Sa correspondance par exemple donne un bon aperçu de l'excellence de l'éducation en Gaule romaine, où l'on enseignait la rhétorique et la littérature gréco latine à un très haut niveau. Donc en un mot, ce n'est pas parce que tu es tombé sur une pièce compliquée que l'oeuvre entière n'est pas intéressante.

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