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Suprème actif

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Posté le: Lun Déc 07, 2009 17:23 pm Sujet du message: Une écrivain(e) fictive reçoit un prix littéraire.
Rue89 a
écrit: | Grand désarroi dans le
monde du livre en République tchèque : tout le monde ne parle que d'une
jeune écrivaine dont le nom était quasi-inconnu, voici deux semaines. Et qui
s'est révélée n'être qu'une simple mystification littéraire, imaginée
par un écrivain délaissé par la critique.
La belle Vietnamienne qui s'évapore
En septembre dernier, le Knižní klub (éditeur appartenant au groupe
Bertelsmann) a décerné son prix littéraire à Lan Pham Thi, une jeune fille
de 19 ans née de parents vietnamiens en République tchèque, pour son
premier roman « Cheval blanc, dragon jaune ».
Le roman, choisi parmi tous les manuscrits inédits de fictions reçus par
l'éditeur, décrit sa pénible enfance dans une ville de province, marquée
par le racisme omniprésent des Tchèques (la communauté vietnamienne a
commencé à s'installer en République tchèque dans les années 1980,
lorsque celle-ci cherchait une main d'œuvre à bon marché).
L'heureuse vainqueur, une belle fleur d'Asie sur les photos, n'a pas pu venir
chercher en personne le chèque de 2000 euros accompagnant le prix ; elle ne
communiquait avec les journalistes que via e-mail, depuis la Malaisie, où
elle serait entre-temps partie poursuivre ses études.
Suite à quelques doutes exprimés ici et là sur l'identité de l'auteur, la
vérité éclate au grand jour trois mois plus tard : la jeune et exotique Lan
Pham Thi n'a jamais existé, le vrai auteur qui avait tout bricolé étant Jan
Cempirek, écrivain de 40 ans originaire de Bohême du Sud et dont les livres
avaient jusque-là été boudés par la critique et les médias.
Un manuscrit tendu en piège
Dans le brouhaha médiatique, les membres du jury de Knižní klub
s'empressent alors d'assurer que le livre, quel que soit son auteur (inconnu
du jury au moment du verdict, du fait de l'anonymat des manuscrits), avait
été choisi pour ses qualités littéraires intrinsèques. Las, l'auteur en
personne ne tarde à doucher cet argument, déclarant dans une interview pour
le quotidien Lidove noviny qu'il s'agissait d'une suite de clichés :
« Il s'agit d'un ouvrage schématique arborant une vision en noir et blanc du
monde. En gros, le livre décrit plus ou moins ce qu'un Tchèque
“ordinaire” imagine que les Vietnamiens de Tchéquie pensent. »
Il faut noter que le manuscrit, d'une longueur d'une nouvelle, ne remplissait
pas les critères formels fixés par la maison d'édition (150 pages au
minimum). Son style était dépouillé à l'extrême, les phrases étant
composées quasiment que de noms et de verbes. L'ouvrage commence ainsi :
« Je suis tchèque. Je suis née ici. Et j'y mourrai probablement aussi. Je
suis vietnamienne. Pour tout le monde. »
D'après le témoignage d'un autre écrivain, ami de Cempirek, celui-ci lui
aurait confié il y a quelque temps autour d'un pot que, pour faire un roman
à succès, il faudrait se mettre dans la peau d'un Vietnamien vivant en
territoire tchèque.
La story prime sur tout, y compris dans la
littérature
Que l'identité de l'auteur du livre ait joué un rôle plus important que ce
que les membres du jury de Knižní klub essaient de nous faire croire
aujourd'hui ressort clairement du communiqué publié lors de la remise du
prix :
« Lan Pham Thi est le premier membre d'une ethnie autre que tchèque, qui
reçoit le prix, et son plus jeune lauréat. Les membres du jury ont
unanimement estimé que l'œuvre des auteurs de la deuxième génération des
immigrés représente un grand atout pour la littérature tchèque… »
Le piège a fonctionné parce qu'il a été placé au confluent de plusieurs
modes. Il semble d'abord que les membres du jury littéraire se soient
laissés aller à la fascination pour les minorités, en vogue dans les
milieux politiques « amourovéritétiens » (proches de Vaclav Havel).
Autre mode du monde de l'édition, la course effrénée à l'authenticité. A
la « fiction pure », le réflexe est toujours de préférer les histoires «
vraies », reflétant l'expérience personnelle de l'auteur, de préférence
dure et émotionnellement chargée (motivation non avouée d'une telle vogue :
le pari que ces récits rencontrent un écho médiatique supérieur, et du
même coup un succès commercial plus grand).
La colère des arbitres mise à nu
Cempirek, l'écrivain ignoré, a pris ses maudits « censeurs » à leur
propre jeu : sur une story faussement vraisemblable de l'enfance et de
l'adolescence d'une Vietnamienne de Bohême, brandie en appât, il vient de
superposer sa propre histoire, faisant un pied de nez aux membres du jury
littéraire.
Suite à la révélation du pastiche, Denisa Novotna, directeur du marketing
de la maison d'édition Knižní klub, a traité le vrai auteur de l'ouvrage
récompensé de « manipulateur dangereux », fustigeant sa volonté de percer
« à tout prix ». Tereza Brdeckova, membre du jury, l'a traité dans son
blog d'« individu instable en manque de confiance », allant jusqu'à jeter
le doute sur ses dires :
« Pourquoi devrions-nous croire que Jan Cempirek est le vrai auteur du livre
? Et s'il a volé le manuscrit à quelqu'un d'autre ? »
Par leurs propos fielleux, les arbitres littéraires tchèques essaient de
faire oublier les petitesses et tartufferies du monde de l'édition - à
commencer par son attrait pour le kitsch - dévoilées par
l'affaire. |
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Marah
Suprème actif

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Posté le: Lun Déc 07, 2009 17:26 pm Sujet du message:
un récit issu d'un auteur féminin est vu tout a fait différement si c'est
un homme qui se révèle au bout du compte.
Sa carrière est terminée, le publique ne pardonne pas ça, il sera déçu ou
dégouté, chaque mot dans ce livre va perdre de son sens a l'oeil du lecteur
même si dans le fond ça ne change rien.
Démasqué, son roman est coulé.
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K
Suprème actif


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Messages: 4871
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Posté le: Lun Déc 07, 2009 18:21 pm Sujet du message:
Tu rigoles ? Il vient de prouver à quel point la récompense attribuée
n'avait pas de valeur littéraire puisqu'elle suit les effets de mode. Il
écrit peut-être comme une bouse en général, mais en attendant sa carrière
va probablement être dopée par la gloire qu'il peut -et doit- tirer de son
coup d'éclat.
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oeildenuit
Suprème actif


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Posté le: Lun Déc 07, 2009 18:25 pm Sujet du message:
Je suis d'accord avec K.
C'est une preuve flagrante que la qualité intrinsèque de l'oeuvre ne compte
pas plus voire moins que la personnalité globale de son auteur.
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alcibiade
Suprème actif


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Posté le: Lun Déc 07, 2009 18:26 pm Sujet du message:
Au contraire. Pour moi, le récit de l'enfance difficile d'un pauvre étranger
victime du racisme n'a aucun intéret, j'en ai marre de ces pleurnicheries,
qui répétées à longueur de journée, vous rendraient presque raciste.
Par contre, là, chaque phrase va se charger d'humour, et l'auteur se fait une
sacrée pub, tout en ridiculisant les tares du monde l'édition actuel. Je
trouve ça magnifique, magistral. Borges a fait des coups de ces genre, il me
semble, et ça ne lui a pas si mal réussi.
Citation: | «
Je suis tchèque. Je suis née ici. Et j'y mourrai probablement aussi. Je suis
vietnamienne. Pour tout le monde. »
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Exactement ce que goute la ménagère moyenne. On est moderne en 2009, toute
phrase avec plus d'un adjectif ou avec un figure de style est qualifiée de
pompeuse.
Citation: | Suite à la révélation du pastiche, Denisa Novotna, directeur
du marketing de la maison d'édition Knižní klub, a traité le vrai auteur
de l'ouvrage récompensé de « manipulateur dangereux », fustigeant sa
volonté de percer « à tout prix ». Tereza Brdeckova, membre du jury, l'a
traité dans son blog d'« individu instable en manque de confiance
», |
Vraiment incroyable qu'avec la déculottée qu'ils ont reçue, ils arborent
encore un ton pareil.
Citation: | «
Pourquoi devrions-nous croire que Jan Cempirek est le vrai auteur du livre ?
Et s'il a volé le manuscrit à quelqu'un d'autre ? »
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Tain on dirait du Ségolène Moi je sais, il a piqué le manuscrit à Marc
Levy. Le style est manifestement le même.
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Romulus
Suprème actif


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Posté le: Lun Déc 07, 2009 19:56 pm Sujet du message:
Je ne sais pas trop, c'est sûr que ce genre de chose va lui faire de la
publicité et que vis à vis du public il a pas trop de souci à se faire.
Mais ce n'est pas sûr que le monde de l'édition qui s'est pris une baffe lui
pardonne. Et je suis pas sûr qu'un auteur puisse percer sans le soutiens du
monde de l'édition, enfin on verra bien.
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Marah
Suprème actif

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Posté le: Lun Déc 07, 2009 20:53 pm Sujet du message:
j'ouvre les paris, le résultat sera un flop sur le long terme
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Eponine
Madame Casse-Pieds

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Posté le: Lun Déc 07, 2009 21:00 pm Sujet du message:
Si seulement on pouvait faire la même chose avec Goncourt pour montrer que ce
prix ne rime à rien...
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alcibiade
Suprème actif


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Posté le: Mar Déc 08, 2009 12:19 pm Sujet du message:
Citation: | j'ouvre les paris, le résultat sera un flop sur le long
terme |
Un flop à quelle échelle ? Parce qu'évidemment, un écrivain de langue
tchèque est condamné à l'anonymat, sauf talent (ou pistonnage)
extraordinaire.
Citation: | Je
ne sais pas trop, c'est sûr que ce genre de chose va lui faire de la
publicité et que vis à vis du public il a pas trop de souci à se faire.
Mais ce n'est pas sûr que le monde de l'édition qui s'est pris une baffe lui
pardonne. Et je suis pas sûr qu'un auteur puisse percer sans le soutiens du
monde de l'édition, enfin on verra bien. |
Peut etre, mais à (très) long terme, ça peut lui valoir une vraie
notoriété.
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oeildenuit
Suprème actif


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Posté le: Mer Déc 09, 2009 00:23 am Sujet du message:
Kundera est plus ou moins tchèque
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Sofiiiii
Admin

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Posté le: Mer Déc 09, 2009 20:32 pm Sujet du message:
Je suis d'accord avec Romulus. Il y a de grandes chances que les maisons
d'édition le boudent et si c'est le cas, comment fera t'il pour se faire
publier ? Même si la notoriété est là (bonne ou mauvaise), l'édition du
prochain livre ne sera pas gratuite et les éditeurs seront d'autant plus
frileux à cause de cette "arnaque"...
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alcibiade
Suprème actif


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Posté le: Mer Déc 09, 2009 21:08 pm Sujet du message:
Avec un peu de chance, il n'arrivera plus à publier un seul livre de sa vie,
aura une étiquette indélébile de poète maudit et sera célébré dans les
siècles à venir par tout son pays
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