Tommy Angello
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Posté le: Jeu Oct 22, 2009 12:51 pm Sujet du message:
Je pense que cet article peut donner un nouveau fond à ce débat.
marianne2.fr a
écrit: |
Et si Internet remettait en cause le magistère des intellectuels médiatiques
? C'est la thèse défendue par le blogueur Enikao, passionné par les
nouvelles technologies.
Il y a quelque chose de commun dans les déclarations publiques et
médiatiques de personnes bien connues et bien en vues comme Dominique Wolton
ou Alain Finkielkraut, pour ne prendre que ces deux références récentes.
D’une part, ils apparaissent comme largement déclassés dans les débats à
propos d’Internet où on les convoque pour porter un “regard
d’intellectuel”, comme on convoque un auteur dans une dissertation de
philosophie (on le fait parler sans le comprendre ni l’analyser). D’autre
part ils portent des attaques ou soulèvent des critiques qui présentent
d’étranges similitudes, qui ne peuvent devoir leur ressemblance qu’à la
seule méconnaissance.
Soit il y a des préjugés préétablis sur Internet qui errent dans la
conscience collective et ils s’en font banalement l’écho (pour des
“penseurs”, c’est une faute, et même grave), soit ils ont un intérêt
particulier à produire le même discours. Cette idée traînait ici et là
sans trouver les mots, c’est un billet de Thierry Crouzet qui a joué pour
moi le rôle de déclencheur dans cette réflexion.
Qu’une partie de l’élite intellectuelle, forgée à la méthode du rat de
bibliothèque et de l’analyse assidue, soit en retard sur l’appropriation
des nouvelles technologies n’est pas un scoop. Comme une large partie du
personnel politique, elle n’a pas adopté les moyens de communication,
d’interaction, de partage et de consommation de nombreux français. En
réalité, les charges répétées contre Internet (parmi les dernières,
Jacques Séguéla pour qui le Net est une « saloperie » qui peut ruiner la
réputation d’une personne en une seconde) ne sont pas un hasard et il y a
une raison de fond.
Quand l'intelligentsia perd sa surface d'exposition médiatique
Le problème des intellectuels officiels, reconnus et présentés comme tels
(au point de faire rire nos amis américains comme le moquait Bill Maher en
parlant d'intellectuels publics, une intelligentsia adoubée par le public à
qui les faiseurs de célébrité n’ont donné que cet os à ronger) est
ailleurs, et il est bien de l’ordre de la survie. Car comme toute structure
vivante, organisation ou caste, ce qui existe a vocation à survivre et à se
perpétuer. C’est le processus vital classique : nourriture, reproduction,
lutte contre la mort. Une certaine élite n’y coupe pas.
Pour certains intellectuels et experts médiatiques, la présence dans les
médias est leur raison d’être, au sens marketing du terme. Qu’on leur
retire chroniques, plateaux et tribunes, ils ne seront plus grand chose. Si
cela peut sembler impromptu d’introduire en France la notion de marketing
dans les sphères intellectuelles, il est tout de même notoire que certaines
élites maîtris(ai)ent bien leur personnal branding, quand bien même ils
s’en défendraient. Les prises de positions sont parfois moins une
conviction profonde qu’un positionnement. Pour exister, il faut se poser
contre, nuancer, en somme se définir par rapport au marché existant.
La précision intellectuel « médiatique » est importante pour le distinguer
de l’intellectuel qui produit, cherche, entre dans le dur, doute, change
d’avis, à l’inverse de celui qui a choisi son positionnement marketing et
s’y tient mordicus.
Au fond, ce qui effraie tant cette intelligentsia, c’est l’amoindrissement
de sa surface médiatique. Les médias classiques sont allés piocher dans le
nouveau vivier d’esprits vifs, différents et moins connus qu’est
Internet. Cela permet de varier les plaisir en n’invitant pas que des têtes
connues depuis 30 ans, mais aussi d’avoir des avis ou des regards bien plus
intéressants parce qu’il s’agit de personnes immergées et non pas
extérieures à leur objet d’analyse. Ceux qui avaient fait de leur métier
l’expertise médiatique, une expertise toute relative puisqu’elle est
dépendante d’une " , voient donc leur surface d’exposition médiatique
grignotée.
Pour des gens qui accaparent les médias depuis quelques décennies, on
comprend que c’est problématique sur le front de l’ego, ça ressemble à
une bonne gifle. Pire, c’est surtout un fond de commerce qui sombre.
L’intellectuel médiatique, drapé dans sa superbe de penseur et capable de
défendre un point de vue sans fondement (Finkielkraut n’hésita pas à
assassiner dans Le Monde la Palme d’Or 1995, Underground, qualifiant
l’œuvre d’Emir Kusturica de propagande panserbe avant de reconnaître,
par la suite, après avoir vu le film, avoir été un peu injuste ) dépend
des médias pour entretenir son image, faire la promotion de ses productions
(livre, étude, documentaire), en somme justifier son existence. Si des petits
nouveaux marchent sur leurs plate-bandes, leur survie et leur épanouissement
sont en péril.
Des intellectuels en perruque
Curieusement, avec des airs d’indépendance, ils ont quelque chose des
musiciens en perruque, attachés à un mécène et travaillant à la commande.
Eux seuls sont des intellectuels reconnus parce qu’ils en ont fait leur
métier et parce qu’ils sont sous le regard du public (ce qui ne constitue
pourtant pas un diplôme), les autres ne sont que de petits amateurs à
reléguer au rang d’efforts plaisants mais insuffisants. La perruque joue
ainsi le symbole de la soumission autant que de distinction, d’adoption
parmi les grands et les puissants. A ceci près que le maître de ces
intellectuels en perruque n’est pas un riche mécène mais les médias de
masse qui leur offre visibilité et leur confèrent existence et légitimité.
Sans eux, ils n’existeraient pas au-delà d’un petit cercle d’initiés,
comme hélas de trop nombreux chercheurs aux trouvailles et questionnement
pourtant passionnants.
Comme mentionné en introduction, cette élite en déliquescence ne pratique
pas Internet et n’en comprend ni les codes, ni les habitudes, ni les
pratiques, ni les enjeux. Aussi, elle ne maîtrise pas du tout sa présence
sur Internet car elle n’y est pas proactive : pas de site personnel vraiment
animé, pas de blog ou de profil Facebook, et sans doute pas d’expérience
numérique personnelle, les on-dit et les étonnements de l’entourage leur
suffisement peut-être. Pour des professionnels du personnal branding, avouons
que rater le virage de la e-reputation est bien dommage…
Il ne subsiste donc d’eux en ligne que des passages vidéo de coups de
gueule dans les émissions où ces intellectuels de plateaux sont invités,
assortis bien souvent de commentaires désobligeants, ainsi que des billets
rageurs ou parodiques. Le ressentiment de ces intellectuels envers cette
plèbe lyncheuse qui les moque plus ou moins violemment est donc en partie
compréhensible quand c’est là leur seul prisme de lecture (narcissique,
d’ailleurs), bien que ce soit finalement le lot de toute personne publique.
Sauf que juste là, seules les célébrités et les politiques avaient fait
les frais des moqueries, dans la presse people par exemple.
Les intellectuels en perruque critiquent un éventuel nivellement par le bas,
sous-entendu un égalitarisme dangereux pour la pensée d’élite. Mais qui
ose, aujourd’hui encore, dire que tout se vaut sur Internet ? Pour des
centaines de commentaires sans intérêt ou orduriers, pour des dizaines de
Skyblogs adolescents adorables de mièvrerie, d’atermoiements et de fautes
d’orthographe, il y a aussi des analystes intéressants, des artistes, des
photographes de talents, des poètes. Tout comme pour des centaines
d’étudiants en sociologie assez moyens dans leurs capacités et leur
intérêt pour la chose il y a quelques esprits affûtés capables de mener à
bout des réflexions avancées. Il faut être d’une naïveté sans borne
pour croire ou faire croire que l’égalité d’accès ou l’égalité des
chances apporte une égalité de fait. Le fantasme égalitariste n’est
qu’une vaine menace, il ressort toujours des figures parmi d’autres,
c’est déjà le cas sur Internet et ne pas le savoir est une erreur quand on
affirme le contraire. C’est bien Eolas qui a plusieurs milliers de visites
quotidiennes, pas Kevin67.
Internet: l'embryon d'une réflexion commune ?
Internet, lie de la pensée ? La qualité existe, et s’il est difficile de
la définir de manière générale elle se reconnaît tout de même, de
manière objective. Seulement l’irruption du discours de la vie quotidienne,
du langage quotidien, de la bassesse quotidienne choque certaines personnes.
Comme Coluche choqua quand il introduisit dans les années 80, à sa manière
gouailleuse, le langage des zincs et des marchés dans de grands médias. Il
s’en trouva pour s’offusquer de la grossièreté des propos, alors qu’il
ne s’agissait que vulgarité, au sens de populaire. Le quotidien des petites
gens crevait le petit écran, c’était un coup de poing à la
bien-pensance.
L’arrogance des intellectuels en perruque se justifiait peut-être
auparavant par l’exigence intellectuelle, par un savoir reconnu, une
puissance mentale. Il faut apprendre à reconnaître que ce n’est pas un
acquis qui dure ad vitam aeternam, et que lorsque la rigueur n’est plus
assurée (les idioties publiquement proférées de Finkielkraut, Wolton ou
Séguéla récemment à propos d’Internet, origine de nombreux maux de la
société), quand la pensée s’est fanée ou perdue dans un passéisme
nostalgique voire pleurnichard, la parole de l’intelligentsia présomptueuse
ne vaut pas mieux que celle de la foule avec laquelle elle comptait prendre
distance. Pour ceux qui critiquaient le nivellement par le bas, on peut dire
qu’ils ne relèvent pas spécialement le niveau.
Que l’on se comprenne bien : il ne me semble pas faire partie d’une meute
aux abois venue pour l’odeur du sang. Il n’est pas question de rentrer
dans une attaque frontale même s’il me faut reconnaître une aversion
personnelle pour les trois cas cités ici. Ils se sont très bien ridiculisés
tout seuls comme des grands. Et ils ne sont pas des parangons de probité en
la matière car ils ont participé, eux aussi, à des lynchages médiatiques.
Plus posément, je ne comprends toujours pas au nom de quoi on continue à
leur donner la parole, si ce n’est que ce sont des figures rassurantes pour
le public et qu’ils ont certainement des appuis et des amis pour continuer
à occuper cet espace médiatique. Cela ne veut pas dire qu’ils aient
toujours tort dans leurs prises de position ou dans leurs analyse non plus
(lire à ce sujet les échanges chez Narvic ). Simplement il me semble
qu’ils ne constituent plus des références.
En revanche, ce qui me paraît intéressant, c’est la naissance d’autre
chose : des personnes participent à la réflexion commune, l’enrichissent
voire la coordonnent sans que cela soit leur métier. En somme, des gens
capables de s’investir sans dépendre du succès médiatique de cette
réflexion pour continuer à exister, à vivre. Il y a là quelque chose de
désintéressé qui est plus profitable parce que ces experts-là (Maître
Eolas , Authueil, diner's room, Koz , Narvic …) le font avec leurs tripes,
ça aura du succès ou non, ça intéressera ou non. Le calcul n’est pas le
même que pour une personne dont c’est la carrière qui est en jeu à chaque
apparition.
Les privilèges de l'intelligentsia surclassée
Tout comme une grande série d’artistes libres ont fait leur premier pas
sans mécène à partir de la fin du XVIIIème siècle. Si certains ont eu
faim, il faut aussi reconnaître que leurs oeuvres, libres, ont aussi marqué
un profond renouvellement et un foisonnement créatif, dans lequel il y eut du
bon et du moins bon. On peut comprendre que cela choque certains
conservatismes qui veulent aller contre une force sociale puissante, appelons
ça esprit du temps ou changement sociologique de fond. Il est simplement
cocasse que ces intellectuels en perruque se parent de démocratie et viennent
à la défendre sur tous les fronts en la mettant à toutes les sauces, sauf
dans un seul domaine : celui des idées.
Le sens de l’histoire va, dans les pays occidentaux en tout cas, vers une
circulation plus importante et plus dense des idées, plus libre, et
désormais plus ouverte avec un canal étrange qui permet à certains talents
de trouver un média porte-voix : Internet. Quand l’intelligentsia
surclassée veut préserver des privilèges qui n’ont plus lieu d’être
parce que les gens, les pratiques et le savoir ont changé, sans pouvoir
justifier ce traitement d’exception, il est temps de s’adapter et de
retirer la perruque.
D’une certaine manière, la réappropriation de la pensée, de la réflexion
et du dialogue intelligent me fait penser à un retour à la démocratie
directe par rapport à la démocratie représentative. Se passant des
intermédiaires, certaines personnes ont choisi d’entrer dans le débat
d’idées, en échangeant véritablement avec de nombreux interlocuteurs,
sans pression du maintien de leur statut. La culture de l’Agora n’est pas
celle du Parlement et la tension entre les deux traditions est bien palpable
dans l’affrontement entre certaines élites et d’autres voix.
Reconnaissons à l’Agora quelques avantages : il est bien plus engageant de
pouvoir interagir directement que de rester passif face à un discours
d’intellectuel isolé et coupé du monde. De même, pour un nombre croissant
de personnes, naviguer, choisir son information en ligne est plus passionnant
que de rester figé face à l’étrange lucarne ou au poste radio.
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La j'ai pas le temps mais je le commenterais surement plus tard.
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