oeildenuit
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Posté le: Jeu Oct 16, 2008 21:39 pm Sujet du message: Le vieux.
Le vieux
Le vieux avait des rides creusées, vermoulues, suintantes.
On aurait dit du vieux cuir.
Il n’avait guère plus de cheveux sur la tête, mais il utilisait une
technique apparemment répandue permettant de paraître velu : il gominait en
arrière la large touffe qu’il possédait en haut du front afin que les
cheveux recouvrissent presque entièrement son crâne esquinté.
Les sourcils, en ornement de ses yeux neutres, s’effilaient.
Ses bras semblaient difformes, disproportionnés.
Ils étaient excessivement longs. Interminables et bosselés.
Les poils qui s’y trouvaient étaient très étranges, pas comme ceux des
autres adultes.
Les siens étaient nombreux mais pas frisés, ils étaient tout lisses et tout
blanc.
Il avait des taches marrons sur tout le corps, comme des grains de beautés
fondus.
Ca faisait cancéreux.
Son âge ? Aucune idée.
De toute façon, il avait dépassé le cap après lequel on arrête de
compter les ans.
Je me disais que lui s’en foutait de ça, qu’il n’ était plus à cinq
ans près.
Ce jour là, je m’en souviens bien, il fumait la pipe.
En réalité je me souviens surtout de la préparation lente et fastidieuse.
La sienne - de pipe - sentait le vécu et la tabac mouillé.
Elle était très ancienne, en bois clair, et le bout mâchouillé accumulait
la salive et rendait l’acte d’autant plus répugnant.
Il prenais la boite dans laquelle le tabac était déposé.
Puis il commençait à bourrer la pipe en appuyant bien sur le tabac, en le
tassant fort, surtout au début.
Il la remplissait quasi jusqu’au bout.
La pipe alors presque remplie, il tassait beaucoup moins et, pour finir, il
laissait le tabac tel quel.
Enfin, il l’allumait avec des allumettes. Toujours.
Il s’y prenait alors par plusieurs fois, en crapotant les premières
bouffées.
Il en cramait souvent plusieurs avant de véritablement commencer à fumer.
Je voyais la fumée s’élever en volutes bleues.
C’était vachement beau, mais ça puait pas mal son truc.
On parlait pas.
Même en regardant par terre, j’entendais le tabac crépiter dans
l’engin.
C’était pas forcément désagréable, mais ça me faisait éternuer toute
cette fumée.
Lui s’en rendait pas bien compte.
Il prétextait une crève.
« Prochaine fois, tu penseras à te couvrir, et à prendre un parapluie
lorsqu’il pleut »
Il n’aurait pas pigé si je lui avait dit que ça me foutait la honte de me
trimballer avec un parapluie au bahut.
Alors je lui promettais de l’emmener la prochaine fois.
Ce jour là…
Il s’était servi un verre de whisky.
Y‘a un regard et de l’amour.
J’ai douze ans alors. Il me dit :
- « tu veux essayer ? »
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