alcibiade
Suprème actif


Sexe: 
Age: 36
Inscrit le: 06 Juin 2007
Messages: 6608
|
Posté le: Dim Juin 22, 2008 10:55 am Sujet du message: La Bible enfin expliquée... De Voltaire
Je conseille à tout le monde cet excellent ouvrage plein d'humour et
d'érudition, dont je poste ici un extrait, commentant les livres des
Macchabées.
9 nous osons ajouter à ces puérilités si méprisables l’aventure
merveilleuse d’Héliodore, racontée dans le second livre au chapitre trois.
C’est le seul miracle mentionné dans ce livre ; mais il n’a pas paru
croyable aux critiques. Séleucus Philopator roi de Syrie, de Perse, de la
Phénicie et de la Palestine, est averti par un juif, intendant du temple,
qu’il y a dans cette forteresse un trésor immense. Séleucus, qui avait
besoin d’argent pour ses guerres, envoie Héliodore un de ses officiers
demander cet argent, comme le roi de France François I a demandé depuis la
grille d’argent de st Martin. Héliodore vient exécuter sa commission, et
s’arrange avec le grand-prêtre Onias. Comme ils parlaient ensemble dans le
temple, on voit descendre du ciel un grand cheval portant un cavalier brillant
d’or. Le cheval donne d’abord des ruades avec les pieds de devant à
Héliodore ; et deux anges, qui servaient de palefreniers au cheval armés
chacun d’une poignée de verges, fouettent Héliodore à tour de bras. Onias
le grand-prêtre eut la charité de prier Dieu pour lui. Les deux anges
palefreniers cesserent de fouetter. Ils dirent à l’officier : rends grace
à Onias ; sans ses prieres nous t’aurions fessé jusqu’à la mort. Après
quoi ils disparurent. On ne dit pas si après cette flagellation Onias
s’accommoda avec son roi Séleucus, et lui prêta quelques deniers. Ce
miracle a paru d’autant plus impertinent aux critiques, que ni le roi
d’égypte Sésac, ni le roi de l’Asie Nabucodonosor, ni Antiochus
l’illustre, ni Ptolémée Soter, ni le grand Pompée, ni Crassus, ni la
reine Cléopatre, ni l’empereur Titus, qui tous emporterent quelque argent
du temple juif, ne furent pas cependant fouettés par des anges. Il est bien
vrai qu’un saint moine a vu l’ame de Charles Martel que des diables
conduisaient en enfer dans un bateau, et qu’ils fouettaient pour s’être
approprié quelque chose du trésor de st Denys. Mais ces cas-là arrivent
rarement. 10 nous passons une multitude d’anachronismes, de méprises, de
transpositions, d’ignorances et de fables, qui fourmillent dans les livres
des machabées, pour venir à la mort d’Antiochus l’illustre, décrite au
chapitre 9 du livre second. C’est un entassement de faussetés,
d’absurdités et d’injures, qui font pitié. Selon l’auteur, Antiochus
entre dans Persépolis pour piller la ville et le temple. On sait assez que
cette capitale, nommée Persépolis par les grecs, avait été détruite par
Alexandre. Les juifs, toujours isolés parmi les nations, toujours occupés de
leurs seuls intérêts et de leur seul pays, pouvaient bien ignorer les
révolutions de la Chine et des Indes : mais pouvaient-ils ne pas savoir que
cette ville, appellée Persépolis par les seuls grecs, n’existait plus ?
Son nom véritable était Sestekar . Si c’était un juif de Jérusalem qui
eût écrit les machabées, il n’eût pas donné au séjour des rois de
Perse un nom si étranger. Delà on conclut que ces livres n’ont pu être
écrits que par un de ces juifs hellénistes d’Alexandrie, qui commençait
à vouloir devenir orateur. Que de raisons en faveur des savants et des
premiers peres de l’église qui proscrivirent l’histoire des Machabées.
Mais voici bien d’autres raisons de douter. Le premier livre de cette
histoire dit qu’Antiochus mourut l’an 189 de l’ère des séleucides, que
les juifs suivaient comme sujets des rois de Syrie : et dans le second livre,
qui est une lettre prétendue écrite de Jérusalem aux hellénistes
d’Alexandrie, l’auteur date de l’an des séleucides 188. Ainsi il parle
de la mort d’Antiochus un an avant qu’elle soit arrivée. Au premier livre
il est dit que ce roi voulut s’emparer des boucliers d’or laissés par
Alexandre Le Grand dans la ville d’élimaïs sur le chemin d’Ecbatane, qui
est la même que Ragès ; qu’il mourut de chagrin dans ces quartiers, en
apprenant que les Machabées avaient résisté à ses troupes en Judée. Au
second livre il est dit qu’il tomba de son char, qu’il fut tellement
froissé de sa chûte que son corps fourmilla de vers ; qu’alors ce roi de
Syrie demanda pardon au dieu des juifs. C’est là qu’est ce verset si
connu, et dont on a fait tant d’usage : le scélérat implorait la
miséricorde du seigneur, qu’il ne devait pas obtenir . L’auteur ajoute
qu’Antiochus promit à Dieu de se faire juif. Ce dernier trait suffit ;
c’est comme si Charles-Quint avait promis de se faire turc.
|