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Posté le: Mar Mar 04, 2008 09:46 am Sujet du message: Poèmes de Guantànamo
Citation: | Poèmes de Guantànamo
« Ô Père, qu’elle est injuste cette prison!
Les montagnes pleurent de tant d’iniquité;
Je n’ai commis aucun crime, je ne suis coupable de rien;
J’étais un lion;
On m’a vendu comme l’agneau à sacrifier. »
Ces lignes sont tirées d’un poème qu’Abdulla Thani Faris al Anazi a
écrit à Guantánamo.
Ce dernier, un Saoudien, a été arrêté en Afghanistan alors qu’il venait
de subir une amputation d’une jambe, et remis aux forces américaines par
des chasseurs de primes. Il a été détenu à Guantánamo de 2002 à 2007,
sans savoir s’il serait libéré un jour et sans aucune perspective de
procès équitable. Comme un grand nombre de ses codétenus, il a commencé à
écrire des poèmes pour exprimer son angoisse face à l’injustice de sa
situation.
Les autorités américaines ont longtemps cherché à étouffer la voix des
individus qu’elles maintiennent en détention illégale. Durant leur
première année à Guantánamo, beaucoup de détenus n’avaient pas droit à
un stylo ni à du papier, si bien que certains écrivaient des fragments de
poèmes sur des gobelets en polystyrène, qu’ils faisaient passer de cellule
en cellule. À partir de 2002, certains détenus ont eu droit à des
fournitures pour écrire. La plupart des textes risquent toutefois de ne
jamais être rendus publics, car l’armée américaine refuse de les
déclassifier pour qu’ils puissent être diffusés à l’extérieur du
camp. Les responsables militaires affirment que les poèmes «présentent un
risque particulier» pour la sécurité nationale à cause de leurs «contenu
et format».
Quelques-uns des poèmes dont la diffusion a été autorisée ont été
réunis dans le livre d’un avocat, Marc Falkoff, qui représente 17 détenus
de Guantánamo. Grâce à ces poèmes, les détenus de Guantánamo, dont
beaucoup se trouvent toujours dans ce camp, ont pu décrire leurs pensées et
leurs sentiments avec leurs propres mots. |
Citation: | EST-IL VRAI...
Est-il vrai que l’herbe repousse après la pluie ?
Est-il vrai que les fleurs revivent au printemps ?
Est-il vrai que les oiseaux retournent toujours chez eux ?
Est-il vrai que les saumons remontent les cours d’eau ?
Est-ce vrai ?
C’est bien vrai. Ce sont des miracles.
Mais est-il vrai qu’un jour, nous quitterons Guantánamo
Est-il vrai que nous rentrerons un jour chez nous ?
Dans mes rêves, je navigue, et je vois mon foyer.
Je veux être avec mes enfants, qui font partie de moi.
Je veux revoir ma femme, et tous ceux que j’aime.
Je veux être avec mes parents, que je chéris plus que tout au monde.
Je rêve de mon foyer, je rêve d’être libéré de cette cage.
Mais m’entends-tu, ô Juge, entends-tu seulement le son de ma voix ?
Nous sommes innocents, ici, nous n’avons commis aucun crime.
Libère-moi ! Libère-nous !
Pour que la justice et la compassion continuent d’exister dans ce monde !
Usama Abu Kabir, un Jordanien détenu à Guantánamo depuis quatre ans
LE PREMIER POÈME DE MA VIE
Prudence, mon Frère, sur les terres du Pakistan,
La vie d’un homme, là-bas, a la saveur de l’argent.
J’y suis venu pour étudier, mais n’y ai appris que la traîtrise.
La Mosquée était une zone de guerre, encerclée et conquise.
Les policiers voulaient le silence : « Mains en l’air ! Taisez-vous ! »
Ils nous ont emmenés dans des camions, enchaînés, à genoux.
Huit heures nous marchâmes, et puis encore huit heures.
Nous suppliions et souffrions, prisonniers de la douleur.
Ils nous ont battus, piétinés, et ont dit qu’ils nous vendraient,
Nous, leurs hôtes, puisque les Américains paieraient.
Esclaves de ce siècle, nos navires sont des avions,
En partance vers le mépris, les insultes et l’humiliation.
Le respect n’existait plus, plus rien n’était sacré,
Et nous vîmes le Coran, comme nous, à leurs pieds.
Leur folie suivait sans hâte un plan minutieux :
Tortures et coups, avec l’aide des spiritueux.
Des prêtres viendraient-ils nous sauver avec leur croix ?
Pour Cuba nous partîmes, nous n’avions guère le choix.
Pendant ce temps, se poursuivaient, sans état d’âme,
La croisade de l’injustice et la guerre contre l’Islam.
Mohammed al Gharani est né au Tchad et a grandi en Arabie saoudite. Il
s’est rendu au Pakistan en 2001. Il y a été arrêté à l’âge de quinze
ans, puis remis aux forces américaines, qui l’ont envoyé à Kandahar, en
Afghanistan. En janvier 2002, il a été transféré comme « combattant
ennemi » à Guantánamo, où il est toujours détenu. |
Citation: | Cinq poèmes de Guantanamo
Vingt-deux poèmes ont écrits par dix-sept détenus de Guantanamo, dont
certains, mais pas tous, ont été libérés par la suite.
Depuis le mois d’août 2007, ils sont édités aux Etats-Unis par les
Presses de l’Université de l’Iowa, sous le titre «Poems from Guantanamo.
The Detainees Speak», avec l’accord du Secrétariat international
d’Amnesty International.
Nous avons choisi d’en traduire cinq : ils émanent de détenus dont Amnesty
International France s’est particulièrement occupée.
Oh, obscurité de la prison
Je ne me plaindrai pas
Poème de mort
Retour au foyer
Menotté et humilié
Abdulaziz ne souhaite pas donner son nom de famille.
Il venait de finir ses études à l’université de Riyad, sa ville natale,
quand a débuté la guerre d’Afghanistan en 2001.
Il est alors parti en Afghanistan où il a retrouvé son frère et tous deux
cherchaient à regagner l’Arabie saoudite lorsqu’ils ont été pris par
l’Alliance du Nord.
Après un emprisonnement avec torture en Afghanistan, ils ont été envoyés
à Guantánamo début 2002.
Tandis que son frère a été libéré, Abdulaziz s’y trouve encore.
Oh, obscurité de la prison
Oh, obscurité de la prison, dresse ta tente
Nous aimons l’obscurité.
Car après les heures sombres de la nuit,
L’aube de la fierté se lèvera.
Que le monde disparaisse, avec ses merveilles,
Du moment que nous avons la faveur divine.
Un homme peut perdre l’espoir face à un obstacle,
Mais nous savons que Dieu a un projet.
Même si les liens sont serrés et qu’il semble impossible de les rompre,
Ils finiront par se briser.
Celui qui persévère atteindra son but ;
Celui qui ne cesse de cogner à la porte réussira à entrer.
Oh, crise, tu peux frapper encore !
Le matin va bientôt faire irruption.
Je ne me plaindrai pas
Je ne me plaindrai à personne et n’espérerai la grâce de nul autre que
Dieu.
Aidez-moi, mon Dieu, mon cœur est ravagé par les soucis.
Je ne plaindrai qu’à Vous, même si les mers se lamentent de se voir
asséchées.
Mon esprit se meut librement dans les cieux, tandis que mon corps est ligoté
par des chaînes.
Louez Dieu, car il m’a rendu patient dans l’adversité et reconnaissant
dans le bonheur.
Louez Dieu, car il a disposé sur mon sein un jardin et un verger qui ne me
quitteront jamais.
Louez Dieu, car il m’a donné la foi et a fait de moi un musulman.
Louez Dieu, maître de l’univers.
Jumah al Dossari est originaire du Bahreïn. Agé de 35 ans et père d’une
petite fille, il est resté à Guantánamo plus de cinq années. Soumis à de
mauvais traitements physiques et psychologiques, maintenu à l’isolement à
partir de 2003, il a fait une douzaine de tentatives de suicide. Il a rédigé
pour son avocat un témoignage long et détaillé sur ses souffrances.
Poème de mort
Prenez mon sang
Prenez mon linceul
Et tous les restes de mon corps.
Photographiez mon cadavre dans la tombe, solitaire.
Faites parvenir tout cela au monde entier,
Aux juges
Et à ceux qui gardent une conscience,
Aux hommes pourvus de principes et d’esprit d’équité.
Et faites-leur porter, devant le monde, la lourde culpabilité
De cette âme innocente.
Devant leurs enfants et devant l’histoire, faites-leur porter le fardeau
De cette âme dévastée et innocente,
Cette âme qui a tant souffert aux mains des «défenseurs de la paix».
Moazzam Begg est un musulman britannique, né en 1968.
Arrêté au Pakistan en 2002, il a été emprisonné successivement à Bagram
(Afghanistan) puis à Guantánamo, où il est resté de janvier 2003 à
janvier 2005.
Il a raconté son expérience dans un livre : Enemy Combatant : À British
Muslim’s Journey to Guantanamo and Back.
Retour au foyer
Ce voyage, commencé sans guide,
S’achève par un emprisonnement sans motif
Allongé dans ma cellule, je veille
Mais la joie est feinte, ainsi que les sourires
C’en est fini de la liberté
Les larmes ont rempli ma coupe de chagrin
Ma maison est une cage, une cage en acier
Ce qui rend la réalité visible irréelle
Les rêves ont disparu, les espoirs se sont brisés,
Quoique, dans cette condition nouvelle, chacun trouve à s’enorgueillir
Car il y a de la ruse dans la détention et tout le reste :
Se sentir si petit et tenu pour si important
De ces années de larmes et ces journées de labeur
Il ne reste que la peur et les dépouilles arrachées par le tyran
La destinée s’impose à nous
Et chacun doit affronter seul cette farce
Maintenant, il est dit : la patience est une longue vertu
Mais une vertu en fer forgé ;
Aussi la poésie se met-elle en mouvement
(et qui sait si elle ne sera pas appréciée)
Je continue donc à crayonner
En pensant, mais sans savoir quand,
Que le rêve commence, le cauchemar s’achève
Et que je retrouve mon foyer bien aimé.
Sami al Hajj, d’origine soudanaise, couvrait la guerre d’Afghanistan en
tant que journaliste d’Al Jazira quand il a été arrêté.
Entre janvier et juin 2002, il a été emprisonné et torturé dans les
prisons de Bagram et Kandahar, aux mains des forces américaines, puis envoyé
à Guantánamo où il se trouve encore.
Son état physique et mental est très préoccupant.
Menotté et humilié
Quand j’entendais les pigeons roucouler dans les arbres,
Des larmes chaudes coulaient sur mon visage.
Quand l’alouette chantait, je composais par la pensée
Un message pour mon fils Mohammad.
Mon fils, je suis accablé.
Dans mon désespoir, le seul réconfort me vient d’Allah.
Les bourreaux se jouent de moi
Ainsi qu’ils évoluent partout librement dans le monde.
Ils veulent que j’espionne mes compatriotes,
En prétendant que serait une bonne chose.
Ils m’offrent de l’argent et une terre
Et la liberté pour me rendre où je le veux.
Leur offre retient mon attention
Comme le ferait un éclair dans le ciel.
Mais cette offre est un vilain serpent,
Qui crache l’hypocrisie en guise de venin.
Ils ont élevé des monuments à la liberté, notamment
À la liberté d’opinion, ce qui est beau et bon.
Mais je leur ai dit que ces constructions
N’apportent pas la justice.
Amérique, tu chevauches sur le dos des orphelins
Et tu les terrorises chaque jour.
Bush, faites attention.
Le monde sait reconnaître un menteur arrogant.
J’adresse à Allah mes plaintes et mes larmes.
Ma maison me manque et je suis écrasé.
Mohammad, ne m’oublie pas.
Défends la cause de ton père qui craint Dieu.
Je suis menotté et humilié.
Comment puis-je encore composer des vers ? Comment écrire ?
Après les menottes et les nuits de souffrance, et les larmes,
Comment pourrais-je écrire de la poésie ?
Mon âme est comme sur une mer déchaînée, étreinte par l’angoisse,
Pleine de passion violente.
C’est moi qui suis prisonnier, mais les crimes sont ceux de mes geôliers.
Je suis submergé par l’inquiétude.
Oh, Dieu, unissez-moi avec mon fils Mohammad.
Oh, Dieu, faites triompher les justes. |
Amnesty International
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