Bobboutique
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Posté le: Jeu Aoû 30, 2007 16:16 pm Sujet du message: A+ (1/3) un conte bizarre
A vous juger ?
A+,
un conte bizarre
(1° partie de 3)
Il était une fois un octogénaire pétant de santé, à la crinière d’un
blanc de neige et au teint buriné de coureur des mers, qui pianotait sur un
clavier d’ordinateur, une paire de lunettes à double foyer juchée sur le
bout du nez. C’était un bel homme qui ne faisait pas son âge, grand,
costaud, à peine épais, superbes fausses dents blanches et vêtu
d’élégante façon : veste de velours vert chasseur, pull à col roulé de
couleur rouille, pantalon de lin beige clair. Le genre œillet à la
boutonnière qui met le feu dans les homes avec des chansons de Jean Sablon ou
André Claveau.
Pour l’instant, il cherche avec application un ‘chat’ ou un forum sur
lequel il pourrait échanger avec d’autres petits vieux des considérations
de personnes âgées ou évoquer avec faconde le temps béni où il régnait
dans les colonies. « Compwis, mon commandant… à wotwe sewvice ! ».
Une tasse de café fume près de sa main poilue aux veines saillantes. Le
studio autour de lui est envahi de bouquins, revues, poufs et bibelots divers,
qui indiquent clairement une présence jeune et féminine, mais n’en tirez
aucune conclusion scabreuse … Jean Ribaux fait du baby-sitting chez sa
petite-fille et profite du sommeil de l’arrière-petit-fils pour s’initier
(assez bien d’ailleurs) aux mystères de l’informatique et du www, le
world wide Web.
***
Napoléon : Bonjour Mamiblue, comment va ?
Mamiblue : Pas mal Napo… J’ai demandé a Elvis pour ton 33 tours… Il
va s’informer.
1mecseul : Hé ho Rital, t’es toujours là ? Etcetera.
Les petits messages colorés, le plus souvent phonétiques, se poussent les
uns les autres par saccade et grimpent lentement vers le haut de l’écran
où ils disparaissent derrière une bannière que traverse toutes les dix
secondes une voiture japonaise.
On se croirait dans une rame de métro avec trente-six personnes qui bavardent
en même temps de trente-six choses différentes et notre beau vieillard
(léger parfum de Vétiver) suit ces bribes de vie en hochant la tête avec
commisération. Car on ne peut pas dire que ce soit bien passionnant.
Il cherche un site 3x20 et retombe inlassablement sur ces colonnes
d’inepties virtuelles qui l’amusent, sans doute, mais sans répondre à
son attente : trouver un correspondant qui a connu le Congo dans les années
50 ou qui, comme lui, souffre honteusement d’hémorroïdes qui
l’empêchent de s’asseoir correctement à table.
Une tache de couleur jaune citron attire son attention, une barrette de
quelques caractères qui essaie de s’intercaler dans la file et répète
timidement :
Méméjeune : Bojour…
Méméjeune : Bojour…
Une petite voix fluette à laquelle personne ne semble s’intéresser et dont
le minuscule trait lumineux monte par à-coups, entraîné dans la file des
autres messages.
Méméjeune : Bojour…
Jean Ribaux pousse son curseur tout en haut de la page, clique sur le bouton
‘inscription’, comme sa petite-fille le lui a appris, se choisit un
pseudonyme, Arlequin, et tape un message qui se glisse aussi vite dans la
liste.
Arlequin : Bonjour Méméjeune, bonjour avec un ‘n’...
La réponse se fait attendre et il comprend que de l’autre côté de la
toile, quelque part à cinquante mètres de l’appartement où il se trouve
ou à mille kilomètres de là, à Marseille par exemple, une vieille dame
cherche, un doigt suspendu en l’air, la ou les lettres qui compléteront son
message… puis soudain :
Méméjeune : Bpnk…
La barrette jaune saute d’un cran, emportée aussitôt par les traits rouges
et bleus de deux autres chatteurs en plein délire. Et enfin, à nouveau :
Méméjeune : Bonjour.
***
« Ah, voila qui est mieux… » s’exclame l’ancien en levant les mains en
l’air. Elles retombent déjà sur le clavier pour frapper avec l’aisance
de quelqu’un qui a beaucoup dactylographié :
Arlequin : Que faites-vous au milieu de ce mic-mac ? Vous avez l’air perdue
?
Il se lève et va remplir sa tasse à la cuisine, certain que, de l’autre
côté, on mettra bien une minute pour répondre. De fait, l’écran a le
temps de se remplir aux trois quarts avant qu’un nouveau trait
phosphorescent réapparaisse :
Méméjeune : Jatten Mamie…
Ribaux contemple, interloqué, la petite phrase qui grimpe par à-coups sur
l’écran, poussée par les autres intervenants, puis enchaîne :
Arlequin : Je ne comprends pas, qui est Mamie ?
La réponse arrive déjà plus vite. On commence tout doucement à
s’habituer…
Méméjeune : Mamie est pati chercher des clopes…
Une hésitation déjà remplie par d’autres lignes rouges et vertes, puis à
nouveau du jaune…
Méméjeune : Jé pas droit de touché a l’ordi…
Mais bon sang, se demande notre octogénaire, avec qui suis-je en train de
chatter ?
Arlequin : Qui êtes-vous ?
La réponse est quasi immédiate.
Méméjeune : Magda.
Arlequin : Bonjour Magda, quel âge as-tu ?
Méméjeune : i2…
Un flottement… puis la correction.
Méméjeune : 12… et toi ?
***
Pause. Ce qui va suivre demande un peu d’explications, ce que les
politiciens appellent, dans les débats télés, une remise dans son
contexte.
Jean Ribaux n’a pas toujours été l’aïeul sympa, original et plein de
sagesse, que la famille vénère. Enfant turbulent et bagarreur, ses parents
l’orientèrent vers l’armée autant pour s’en débarrasser que dans
l’espoir de le ‘redresser’, comme on disait à l’époque. Bien leur
en prit, car le jeune sauvage monta rapidement en grade et devint même la
coqueluche des bals de quartier, où son uniforme fit bien des ravages dans
les basses-cours.
C’était un aventurier et l’Afrique convint tout particulièrement à son
tempérament de fonceur. Puis, l’âge aidant, ainsi qu’un mariage
heureux, il se calma pour devenir ce chêne plein de vigueur que ses camarades
de collège envient et jalousent un peu lorsqu’ils se retrouvent une fois
par an au dîner des anciens.
Tout ceci pour tenter d’expliquer sa réaction infantile à la question
posée par Magda…
Méméjeune : 12… et toi ?
Sa main hésite un instant au-dessus des touches, ses doigts s’agitant dans
l’air, puis l’index et le majeur retombent sur le pavé numérique et
frappent…
Arlequin : 14
Un gros mensonge de 69 ans !
***
A suivre... si ça vous a intéressé !
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uacuus
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Posté le: Jeu Aoû 30, 2007 16:53 pm Sujet du message: Re: A+ (1/3) un conte bizarre
C'est pas du tout mon style, c'est assez soigné, peut être un peu
besogneux.
Citation: |
Il était une fois un octogénaire pétant de santé, à la crinière d’un
blanc de neige et au teint buriné de coureur des mers, qui pianotait sur un
clavier d’ordinateur, une paire de lunettes à double foyer juchée sur le
bout du nez. |
Même si c'est un conte le "il était une fois" sonne faux, dans ce conte dont
le cadre est réaliste. L'emploi sans doute volontaire de formules toutes
faites permet de caractériser facilement le personnage, ce qui contribue à
la construction d'ensemble, mais aussi à une certaine limite: le personnage
est déjà une sorte de marionnette une peu grossière que l'auteur fait
jouer. Le pire dans ces expressions est sans doute le "teint buriné". A
proscrire.
Citation: | C’était un bel homme qui ne faisait pas son âge, grand,
costaud, à peine épais, superbes fausses dents blanches et vêtu
d’élégante façon : veste de velours vert chasseur, pull à col roulé de
couleur rouille, pantalon de lin beige clair. |
Phrase mal construite: "superbes fausses dents" est mis sur le même temps que
les épithètes, ça ne va pas, il y a rupture de construction.
Citation: | Le
genre œillet à la boutonnière qui met le feu dans les homes avec des
chansons de Jean Sablon ou André Claveau. |
Ce genre ne m'évoque rien du tout, je ne connais pas les oeillets, ni Jean
Sablon, ni André Claveau.
Citation: | Pour l’instant, il cherche avec application un ‘chat’ ou
un forum sur lequel il pourrait échanger avec d’autres petits vieux des
considérations de personnes âgées ou évoquer avec faconde le temps béni
où il régnait dans les colonies. « Compwis, mon commandant… à wotwe
sewvice ! ». |
L'irruption du présent, renforcée par la locution adverbiale: "pour
l'instant" ne s'impose pas ici.
"le temps béni où il régnait dans les colonies", "il" renvoie à quoi?
Sinon j'ai le sentiment que pour faire fonctionner le récit, tu mets en
scène la rencontre de deux gros clichés contradictoires, mais la loin de
s'annuler, le fait que cette bizarrerie, par rapport à ce qu'on attend,
renforce le préjugé.
Citation: |
Napoléon : Bonjour Mamiblue, comment va ?
Mamiblue : Pas mal Napo… J’ai demandé a Elvis pour ton 33 tours… Il
va s’informer.
1mecseul : Hé ho Rital, t’es toujours là ?
Etcetera. |
Ce petit dialogue interactif pourrait être développé, là on ne sent pas
trop la particularité de ce type de dialogue. J'ajoute qu'un peu d'esprit
satirique à l'occasion ne serait pas trop mauvais. Ce serait plus
intéressant que de faire passer l'inintérêt du dialogue, par le jugement
simplement énoncé. La caricature est un moyen supérieur au simple jugement
de valeur tel qu'il est énoncé : " Car on ne peut pas dire que ce soit bien
passionnant."
Sinon, rapidement, le quiproquo qui commence le dialogue suivant est un peu
lourd et factice.
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Bobboutique
Petit nouveau
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Posté le: Jeu Sep 06, 2007 14:28 pm Sujet du message: merci
Merci pour ces commentaires intéressants...
Le style employé dans ce conte est 'le style parlé ou raconté'... à la
limite, c'est écrit pour être conté à haute voix, comme on raconte
l'histoire d'un film.
En fait, je ne parlerais même pas de style...
Il n'y a pas de construction de phrases, mais des fragments qui s'alignent et
s'entrechoquent, se perdent et se répetent, comme cela arrive généralement
dans le language courant.
C'est donc voulu. Mais je peux fort bien comprendre que cela désarçonne ou
même déplaise.
Le seul critère reste donc: est-ce que l'émotion est passée, à la fin du
récit ? Sauf bien sur, si (lassé) le lecteur abandonne avant !
Amitiés,
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