Utopique
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Posté le: Mer Juin 13, 2007 12:19 pm Sujet du message: Bac (sujet de TL sur la prise de conscience)
Bonjour
Etant actuellement en TL, j'ai passé lundi matin le baccalauréat de
philosophie en ayant choisi de traiter le sujet : "Toute prise de conscience est-elle libératrice".
Malheureusement, ce sujet a été très prisé par les élèves (qui ont eu
peur, comme moi, de sombrer dans le hors sujet en traitant la dissertation sur
l'adéquation art/réel) et le plus difficile va donc désormais être de se
démarquer au sein d'un lot de 500 copies identiques.
J'avoue que je comme à me poser plusieurs questions étant donné que les
amis qui ont choisi ce sujet ont en majorité compris le mot "libératrice" au
sens de "soulagement", donc à l'inverse de ce que j'ai réalisé dans mon
devoir...
Serait-il donc possible que vous preniez un peu de temps pour lire mon
ébauche de copie et me dire sincèrement ce que vous en pensez? (ou ce que
vous penseriez à la place d'un correcteur)
Sujet premier :
Toute prise de conscience est-elle libératrice ?
Introduction.
« Tout commence par la contigence » disait Sartre dans La Nausée par la bouche de l’un
de ses personnages, c’est-à-dire par la découverte de l’existence pure
qui n’est justifiée par rien d’autre qu’elle-même, c’est ce qu’il
appelle également dans L’Etre et
le Néant la facticité. Son essence étant précédée par son
existence, le fait d’être « projeté » dans la vie, l’homme est soumis
à son entière liberté. Mais, quoique « condamné à être libre », il
semblerait que l’homme soit tout de même soumis à des éléments
extérieurs qui ne dépendent pas de lui comme en témoigne le fait qu’il
soit emmailloté dès sa naissance dans le tissu du temps qui le rend mortel
et, par là même, soumis au changement. L’être humain est un être en
devenir et sa conscience n’échappe à son flux perpétuel. En ce sens,
opérer une substantification du Moi serait fallacieux et l’homme doit bien
souvent se résigner à avouer que sa conscience n’est point un noyau dur
inchangé et inchangeable. Son identité se forge au gré de ses expériences,
ses doutes, ses certitudes et suppose une série de prises de conscience
successives non seulement sur lui-même mais aussi sur le monde qui
l’entoure. Dès lors, nous pouvons nous demander si ces découvertes
nouvelles de la conscience sur elle-même et le monde ne la révèlerait pas
à sa liberté en lui permettant de s’affranchir du joug de la
méconnaissance. Mais la prise de conscience ne nécessiterait-elle pas
obligatoirement un sujet libre ? Plus encore, si la prise de conscience est le
passage d’un état vers un autre, est-elle pour autant toujours synonyme de
connaissance ?
Partie première (non exhaustive)
1. Avant toute chose, il semblerait qu’une discussion soit nécessaire
autour du terme « prendre conscience ». En effet, « prise de » supposerait
non pas une passivité bienheureuse du sujet mais au contraire un mouvement de
sa pensée, un passage, un basculement d’un état antérieur vers un état
nouveau. Appuyons-nous désormais un temps sur l’étymologie même du mot «
conscience » afin de mettre ces deux termes en relation. Du latin «
cum-scientia », le mot « conscience » signifie « savoir avec » et
impliquerait donc l’idée d’un accompagnement. Grâce à la conscience, le
sujet accompagne le monde et, par la prise de conscience de son propre être,
il s’accompagne également lui-même. La prise de conscience serait donc un
mouvement de la conscience qui accompagne le monde accompagne le sujet
lui-même. En ce sens, la question que semble soulever le sujet est de savoir
si la prise de conscience engendre nécessairement (remarquons ici l’usage
du terme « toute » qui marque bien qu’il n’y aurait droit à aucune
exception, impliquant l’idée d’une vérité absolue et indiscutable) une
libération, un affranchissement du sujet. (Ici, j’ai essayé d’expliquer le terme « libération » mais,
n’ayant rien noté au brouillon, je ne me souviens pas exactement de ce que
j’ai fait)
Il semble donc que l’aporie fondamentale que recèle le sujet soit peu à
peu décelable. En effet, la question est de savoir si une prise de conscience
est toujours libératrice, mais un sujet ne serait-il pas déjà
fondamentalement libre ? Dès lors, comment une prise de conscience
pourrait-elle le révéler à sa liberté ?
2. Il semble bien que la première prise de conscience, le premier pas vers le
devenir sujet, soit irréfutablement la prise de conscience de soi. En effet,
c’est par le passage de la troisième personne du singulier (« Charles a
faim ») à l’incarnation même du « je » (« j’ai faim », pour
reprendre l’exemple kantien) que le petit enfant devient véritablement
sujet et accède ainsi à la reconnaissance de sa propre existence. De même,
la prise de conscience de l’autre semble être pleinement libératrice en
nous permettant de briser les chaînes de la solitude (et du solipsisme !)
pour accéder à l’interaction avec autrui et au Moi social.
3. Kierkegaard Samlede Voerker
: relation maître/disciple -> tandis que le maître incarne la vérité en
ayant osé mettre sa vie en péril pour ses idées, le disciple incarne lui la
non-vérité. Le maître est donc la condition sine qua none à la prise de
conscience du disciple qui peut accéder à la reconnaissance de son propre en
s’objectivant par son travail puis en se reconnaissant peu à peu dans son
œuvre -> prise de conscience libératrice car lui permettant un
affranchissement et une élévation sociale et physique (en devenant le
maître) ainsi que mentale
4. Platon allégorie de la caverne : prise de conscience libératrice dans le
sens où elle donne au sujet le choix de rester dans sa passivité
bienheureuse au sein d’un monde factice mais rassurant ou d’accueillir
pleinement l’inconnu en se défaisant du joug de ses croyances illusoires
(+ transition par une question sur
l’adéquation entre conscience et vérité/réalité)
Partie deuxième (non exhaustive)
1. Il semblerait bien que seule la connaissance puisse être pleinement
libératrice. Pour Nietzsche, la conscience n’est « qu’un réseau de
communication entre les hommes », un moyen de satisfaire notre besoin de
communiquer avec autrui et non une passerelle infaillible vers la découverte
de la vérité.
Certes, il existe une corrélation entre le sujet pensant (l’ego), l’acte
de penser (le cogito) et la pensée (les cogitatas), soit une triade
observateur-observation-observé mais ces éléments ne sont pas
nécessairement reliés par un lien de connaissance absolue. La conscience
n’étant pas infaillible et ne délivrant pas des vérités indubitables,
elle peut être soumise à l’erreur, dès lors elle ne serait plus
libératrice en permettant au sujet de s’affranchir mais bien asservissante
en le berçant à nouveau d’illusions
2. Revenons ici sur l’aporie fondamentale du sujet : comment la conscience
pourrait-elle révéler à sa liberté un sujet déjà fondamentalement libre
?
Si nous nous basons sur les propos de Socrate dans le Ménon, prendre conscience ne serait
que retrouver ce que l’on sait déjà, la prise de conscience ne se
formerait pas ex nihilo mais bien par la réminiscence d’Idées déjà
ancrées en nous-même, dès lors elle ne pourrait être véritablement
libératrice pour l’homme (je ne sais plus
exactement comme j’ai développé cette sous-partie)
3. Une prise de conscience ne serait pas nécessairement et irrévocablement
libératrice, comme en témoigne la révélation de l’éternel retour qui ne
fait que plier les « derniers hommes » d’Ainsi parlait Zarathoustra sous le poids de fatalité par la
découverte de leur propre finitude. (+développement)
Mais il convient ici de relativiser nos propos par la figure du Surhomme
(l’Übermensch nietzschéen) qui, par cette prise de conscience, accepte sa
condition d’être fini et dit pleinement oui au temps, au passage, à
l’éphémère et à la vie
Conclusion.
Si la prise de conscience peut donc être pleinement bénéfique pour le sujet
qui accepte de quitter son état antérieur en accueillant magnanimement
l’inconnu, il semblerait néanmoins qu’elle puisse également s’avérer
être source d’erreur et de crainte, faisant plier le sujet sous le joug de
la méconnaissance et de l’illusion pernicieuse. Libératrice ou
castratrice, il convient de modérer nos propos concernant la prise de
conscience qui ne doit pas être une action éphémère mais bien un mouvement
actif de l’esprit qui se met en quête de la vérité sur lui-même et sur
le monde, se rendant ainsi semblable au cocher du mythe platonicien du Phèdre, cocher qui tire les rênes
non seulement du Moi (le cheval blanc) mais aussi des désirs (le cheval noir)
pour enfin donner toute sa force à la volonté créatrice.
(Oui, c'était long, merci à ceux/celles qui
ont bien voulu tout lire jusqu'au bout )
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Alexandre-le-très-petit
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Posté le: Mer Juin 13, 2007 18:32 pm Sujet du message:
Moi aussi j'ai pris ce sujet, et moi aussi j'ai entendu ce mot libératrice au
sens où cela rend l'homme libre, mais tout en m'attaquant à l'idée d'un
soulagement. Mon devoir ne part d'aucune considération première sur la
nature de l'homme: qu'il soit libre ou non, voyons où la conscience nous
mène. Mon devoir oscille donc entre une analyse phénoménologique et
existentialiste, ce qui m'a permit de parler beaucoup de Sartre. Je n'écris
jamais mes introductions et mes conclusions au brouillons, j'improvise, je me
souviens seulement avoir fini mon devoir sur: "Je est un Autre" de Rimbaud. Je
vais vous expliquer cela.
Tout d'abord j'établie que toute prise de conscience s'exerce soit sur le
monde, l'univers qui m'est extérieur, soit sur autrui le Moi autre que Moi,
soit sur moi-même et toute activité exercée par moi-même, tout ce qui est
relatif au sujet (travail, histoire, inconscient). Ce qui donne une
orientation à mon plan.
1) Sortie du monde
Opposé à toi, la première prise de conscience que l'on peut s'exercer est
sur ce qui est en face de moi, le milieu dans lequel je vis avant moi-même.
L'hypothèse de l'homme sans prise de conscience du monde aboutit à un état
de nature, où l'homme n'est pas homme car n'a pas conscience du monde et donc
de ce qu'il est. L'homme obéit aux lois de
la nature, vit dans le monde, n'est absolument pas libre, c'est
"l'attitude naturelle" de Husserl.
On en conclue donc que c'est la prise de
conscience du monde en tant qu'elle met de la distance entre moi et l'autre
qui me rend libre. L'homme n'est plus
dans le monde mais devant le monde. L'homme comprend alors qu'il est
différent du monde, quitte l'empire des instincts, devient perfectible. Bref
la prise de conscience permet à l'homme de recouvrer sa perfectibilité, sa
liberté. Est décrite l'essence de la conscience comme intentionnalité et
créatrice de sens. La conscience permet le savoir, ce qui selon Descartes,
libère l'homme d'autant plus.
Cependant la prise de conscience du monde s'est-elle réalisée d'elle-même,
spontanément? L'homme est-il passé d'a-conscient à perfectible? C'est la rencontre avec autrui qui permet de
d'éveiller les consciences. Le choc des consciences créent les
conscience (ces quelques mots sont d'une importance capitale pour mon devoir).
Je construis donc ma conscience avec autrui, et me sépare avec lui du monde.
Cependant en prenant conscience d'autrui,et de ses différences, je prends
conscience de moi. Autrui, d'après la dialectique générique d'Hegel, c'est
le Moi qui est autre que moi. C'est par ce qu'il est que je saisis mon moi. On
comprend donc que la prise de conscience du monde, d'autrui et de moi-même
sont intrinsèquement liées.
2) Exister
La prise de conscience du monde me révèle ma nature humaine - l'homme
pénètre dans la sphère du culturel, cf Cassirer - Et la rencontre avec
autrui me fait prendre conscience de ma conscience et de moi-même.
Si cela semble nous libérer, la prise de conscience de moi-même et d'autrui
semble au contraire m'aliéner, me privant de ma liberté. (Cf L'Etre et le
Néant de Sartre) En effet, en me visant moi-même comme objet de conscience,
je pose une distance infranchissable entre le moi qui vise et le moi visé,
entre cogito et cogitatum. Je ne peux passer de l'en-soi au pour-moi, je reste
dans le néant. Résultat : Je suis en
n'étant pas, je reste hors de moi-même. Mon être, c'est de ne pas
être puisque je suis séparé de moi. Je ne
suis pas, j'existe. Hors si obéir à soi c'est la liberté, je ne peux
être libre car je ne suis pas moi. La prise de conscience du moi révèle mon
existencetoujours ailleurs. Ici je vais vite, mais cette argumentation
organise tout ce qui reste après.
De plus la prise de conscience d'autrui ne peux se fonder: je peux donner du
sens à toute chose, sauf à autrui. Sa conscience m'échappe, donc je la vise
comme objet, simplement comme objet. Les consciences s'affrontent, et chacune
d'entre elle anihile l'humain qu'il y a en nous pour nous intentionnaliser.
Ainsi, autrui me pose une étiquette qui ne me correspond pas, et j'agis de
même. Je suis à la fois, le créateur
d'autrui et la créature d'autrui. (voir Sartre, Sartre, Sartre...)
Comment puis-je être libre si autrui décide de ce que je suis? Même si mon
soit-disant être est faux, il dicte, comme moi je lui impose un être non
moins inauthentique. "L'enfer c'ets les autres." Autrui anihile ma liberté,
mon autonomie comme j'anihile la sienne. La prise de conscience de moi-même
et d'autrui est-elle donc vraiment libératrice?
3) L'existence précède l'essence
C'est une illusion de croire qu'en me considérant comme être dans le néant,
je m'échappe à moi-même. Je suis l'être qui n'est pas , en ce sens que
restant dans la distance infranchissable du néant je tente toujours
d'atteindre mon moi. Le néant n'est pas le
rien, il est un mode d'être dynamique. Si je suis au sein de cette
spirale active, c'est que je ne suis pas encore, mon essence n'est pas encore
faite. Exister, c'est pouvoir devenir tous
les possibles. C'est l'absolue liberté du devenir. L'homme dans son
existence choisit donc librement qui il est, puisque au départ, il n'est pas
encore. "L'existence précède l'essence". La prise de conscience de son
existence révèle notre liberté.
Elle est libératrice en tant qu'elle montre à l'homme qu'il est libre,
puisqu'il existe( ex-sistere: être hors de soi). Cependant si l'homme est
libre, lhomme est responsable de l'être qu'il devient, puisque c'est
lui-même qui l'a choisit:"Nous sommes
condamnés à être libre." Il faut assummer ses actes et ce que l'on
est. Cependant la liberté pèse trop lourd pour l'homme de mauvaise foi. Il
dit qu'il est ce qu'il est, et fait semblant d'être ce qu'il est, comme s'il
n'avait pas d'autre choix. L'homme de mauvaise foi se dit déterminé, non
libre. L'inconscient, le passé, la substance va être pris pour une excuse
illusoire, mensongère. Là je rattache le
sens de soulagement de libératrice.
Si la prise de conscience soulage, c'est que l'homme souffrait de maux, de
déterminisme dont il n'avait pas conscience. Ainsi, l'homme ne serait pas
libre auparavant mais prendre conscience de ces déterminismes le rendrait
plus libre. NON, NON, NON! La prise de conscience de son existence et de
soi-même ne nous délivre pas de déterminisme, mais montre qu'au contraire,
il n'y a pas de déterminisme, puis que notre condition d'existant fait que
l'on a choisi volontairement ce que l'on est, ce qui engage cependant de
lourdes responsabilités qu'il fautassumer. Il faut engager tout son être.
La prise de conscience n'est pas un soulagement, juste révélation de notre
liberté, ce qui rend l'homme plus libre, puisqu'il peut utiliser sa liberté
en se sachant libre.Prendre de conscience de son passé, c'est peut-être
saisir les erreurs commises, mais ne pas se dire plus libre. Il faut les
assumer. Au criminel de s'assumer criminel: il l'a choisi. La conscience fait
l'homme coupable.
Ainsi, nous ne sommes pas plus obligé d'être comme autrui décide de ce que
l'on est, nous pouvons choisir d'être comme lui prétend connaitre mon être,
ou être différent,et soutenir sa différence, son être. C'est
l'engagement.
Voici mon devoir: Toute prise de conscience est libératrice en tant qu'elle
montre que l'on est libre. Vous saisissez désormais, le "Je est un autre" de
Rimbaud: l'homme peux choisir dans son n"éant ce qu'il veut devenir. Il peut,
s'il le choisit devenir tous les possibles d'êtres. La prise de conscience de
son existence engage l'entière humanité.
Voilà: suis-je dans le hors-sujet? J'ai pourtant l'impression de répondre à
la question. Merci.
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