Entretien aux Enfers


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Méphistophélès
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 12:01 pm    Sujet du message: Entretien aux Enfers
Entretien aux Enfers

_________

Extrait de Orphée aux Enfers - Acte I, scène 1
Prose cadencée

_________


L’enfant : Sais-tu qu’il y a deux crépuscules dans une journée ?

(Silence)

Le premier se nomme « aurore » ; le second, et bien, il n’a pas de nom. On l’appelle crépuscule, tout simplement.

Le philosophe : Je sais, oui.

(Silence)

L’enfant : Regarde. Tu ne trouves pas que le ciel est bizarrement agencé ce soir ?

Le philosophe :
Comment ça ?

L’enfant :
Et bien… Par exemple : tu ne trouves pas la nuit plus noire que d’habitude ? Et ce noir, n’est-il pas plus profond, plus mystérieux ? Regarde. Les étoiles ne te semblent-t-elles pas briller de travers ? Scintiller dans le mauvais sens ? Indiquer la mauvaise direction ? Et la lune dans tout ça ? La lune, elle minaude, tu vois ? Elle est toute gonflée d’importance ce soir, comme si elle savait un grand secret.

Le philosophe : Que dis-tu ? Le soleil vient à peine de se coucher et la lune est plus pâle que jamais. D’ailleurs je ne vois pas d’étoiles.

L’enfant :
(il pointe le ciel du doigt) Mais si, là, regarde !

Le philosophe : Ce n’est pas une étoile ça, c’est un point dans le ciel, c’est une tâche de soleil qui s’est égarée on ne sait trop comment. Ca arrive parfois. Et puis ne discute pas, tu es trop jeune pour comprendre ce genre de choses. Moi je sais. J’en ai vu toute ma vie des étoiles.

L’enfant : Pourtant le jour est passé. Alors si ce n’est pas la nuit c’est encore autre chose. C’est l’interstice, le temps intermédiaire. Et ce qui brille là-haut, et bien, je ne sais pas moi : ce sont des empruntes lumineuses. Voilà. C’est encore plus joli comme ça. L’interstice, les ombres d’étoile.

Le philosophe : Les « ombres d’étoiles », qu’est-ce que c’est encore que cette bêtise ?

L’enfant : J’ai l’impression qu’il se passe quelque chose, que tout autour de moi s’ébranle, que tout se tord, que l’air crépite. Si je tends l’oreille, c’est une multitude de voix inintelligibles. Elles susurrent, elles marmonnent ; d’ailleurs on n’est jamais bien sûr qu’elles s’adressent à nous. Mais chaque bourrasque semble dévoiler à demi-mot les multiples énigmes de la création.

Le philosophe : Ce n’est que le vent qui souffle.

L’enfant : Si je ferme les yeux, c’est un monde nouveau qui s’ouvre devant moi. L’espace est subitement changé, il est méconnaissable. Tout s’agite, tout se convulse. Et tout ce que je touche, et tout ce que je sens me paraît diaphane. Tout change, c’est l’impromptu qui fleurit où on l’attend le moins, doucement, sans se faire remarquer. Un peu n’importe comment, c’est vrai. Tout change et on ne s’en rend pas vraiment compte. Et tout pulse, là, à mon insu, un petit quelque chose de pas commun.

Le philosophe : Ce n’est que la nuit qui tombe.

L’enfant : La nuit tombe c’est évident, et bientôt elle n’aura plus le choix.

Le philosophe : Qui donc ?

L’enfant : La lune, voyons ! Il faudra bien qu’elle parle. C’est dans l’ordre des choses, n’est-ce pas ? Elle retarde le plus possible le moment fatidique parce qu’elle a bien compris, elle, que cette nuit ne serait pas comme les autres. Qu’elle serait spéciale, cette nuit, et que son secret qui la rend si jalouse, qui la rend si belle aussi, il faudra bien qu’elle le révèle. Elle sent ces choses-là.

Le philosophe : Et la nuit alors ? Où est-elle cette nuit si noire, si profonde dont tu me parlais ? Tu vois bien que tout est gris, que les étoiles sont encore pâles, que le ciel est vide. Allons.

L’enfant : C’est parce que tu ne sais pas regarder. La nuit est partout. Elle est énorme, énorme ! Avachie, là, au-dessus de nos têtes, étalée de tout son long, lascive, blême. Le jour en disparaissant l’a cloué à la voûte céleste, et ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne perde toutes ses couleurs. Elle sera noire, je te dis, mais d’un noir envoûtant, et les étoiles brilleront de travers. Tu verras.

Le philosophe : Et qu’est-ce que cela peut bien nous faire ?

L’enfant : Je ne sais pas moi, c’est toi le penseur. Moi je regarde. Quelque chose se met en place, tout le monde complote là haut, et ç’en est assourdissant. Je suis là, fidèle au poste. Je guette. Très bientôt, il va se passer quelque chose, quelque chose qu’on ne voit pas tous les jours. Le ciel est cassé, et il faudra bien que quelqu’un vienne y mettre bon ordre.

(Silence)

Plus j’y pense, et plus ça me parait évident. C’est un petit truc, en fait, un drôle de petit truc même. Mais je ne sais pas comment l’appeler.

Le philosophe : Ce truc, il est dans ta tête.

L’enfant : (très sérieux) Tu es méchant ! Et puis non d’ailleurs : il ne faut pas lui trouver de nom. C’est mieux comme ça. C’est un petit truc fragile, bâtard, inattendu. Il s’est glissé par erreur dans cet entre-temps qui n’est pas vraiment jour, mais qui n’est pas tout à fait nuit, et maintenant tout est plus beau. Tout est unique. A son contact les choses prennent tout leur sens. C’est plus vif, c’est plus grand, c’est plus fort. L’esthétique du monde a changé, imperceptiblement, et on ne sait plus vraiment à quoi s’attendre.

(Silence. Il reprend sa respiration)

Moi je ne pense pas, je ne sais pas : je regarde, point. Mais j’aimerais tellement qu’il y ait quelque chose au-dessus de nos têtes ou au-dessous de nos pieds. Quelque chose auquel on pourrait croire, et alors, subitement - bizarrement même - les choses iraient bien.

Le philosophe : Ne fais pas l’enfant. Les « trucs », ça n’existe pas : il faut mettre un mot, là, dans le trou béant de ta pensée, entre deux tranches de syntaxe. On n’y coupe pas, il en faut partout. Réfléchis une seconde et dis-moi ce qui t’émerveille à ce point. C’est une couleur que tu n’as jamais vue ? C’est un son, un parfum ? C’est une idée ? J’ai un mot pour toutes les bizarreries qui te passeront par la tête.

L’enfant : (tristement) Garde-les tes mots, tu ne peux pas comprendre…

Le philosophe : Ah, c’est un peu fort tout de même ! L’on ne doute de rien à cet âge-là. Tout est simple, tout est limpide, et nous autres et bien, ma foi : nous sommes de vieux imbéciles. Vous vivez dans un monde d’enfant. Placide. Mais la vérité, c’est que le monde vous écrase. Il vous dévore, le monde ! Et vous, naïvement, vous ne vous en rendez même pas compte. Vous ne comprenez pas.

L’enfant : Comprendre quoi ? Que lorsque je serai grand, je ne saurais plus ce que c’est un « truc » ? Je ne verrai plus que des « machins », des machins qui ne sont pas des trucs, eux, parce qu’ils portent des noms bien savants ? Parce qu’ils sont lourds ? La vérité c’est qu’ils sont bornés et gloutons, vos fichus mots !

Le philosophe : C’est ce que l’on appelle grandir. Et c’est en traînant ce genre de casseroles que tu apprendras à raisonner juste.

L’enfant : Et bien moi, ça ne me dit rien.

(Silence, l’enfant se raccroche, apeuré, à la veste du philosophe)

L’enfant : (hésitant) Mais… au moins… si je vieillissais, je serais aussi grand que toi ?

(Silence)


Dernière édition par Méphistophélès le Lun Juin 04, 2007 18:58 pm; édité 1 fois
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 12:46 pm    Sujet du message:
Bon, voyons les fautes d'orthographe qui me déçoivent de ta part:

Méphistophélès a écrit:
Le philosophe : Ce n’est pas une étoile ça, c’est un point dans le ciel, c’est une tâche de soleil qui s’est égaré on ne sait trop comment.

Je crois qu'un accord avec le groupe sujet "une tâche de soleil" doit se faire. J'en suis sûr à 99%. => "une tâche de soleil s'est égarée".

Méphistophélès a écrit:
Et puis ne discute pas, tu es trop jeune pour comprendre ce genre de choses. Moi je sais. J’en ai vu toute ma vie des étoiles.

"Chose" doit être au singulier. Il s'agit bien ici d'un fait général.
"Vu" est précédé plus loin du C.O.D "en" faisant référence à "étoiles". Il me semble qu'il faut accorder le participe passé: "vus".

Méphistophélès a écrit:
[...]d’ailleurs on n’est jamais bien sûr qu’elle s’adressent à nous.

Le "elle" est un pronom personnel sujet du pluriel: "elles".

Méphistophélès a écrit:
Elle sent ces choses là.

Un trait d'union s'impose: "choses-là".

Méphistophélès a écrit:
Parce qu’ils sont lourd ? La vérité c’est qu’ils sont bornés et gloutons, vos fichus mots !

Hum... le pluriel est obligatoire: "lourds".


Autrement, le texte est bien rédigé, le suspens au rendez-vous. Je ne commenterai pas le style, comme dans l'enseignement aux écoles, qui me semble être tout à fait lisse et fluide.. J'apprécie l'oeuvre elle-même, dommage qu'on n'en sache pas plus sur l'histoire. Merci pour ce beau cadeau Méphistophélès ! De la poésie versifiée la prochaine fois, d'accord ?
Prométhée
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 12:55 pm    Sujet du message:
Dis donc, le philosophe a un rôle de coincé rationaliste. C'est pour moi un mauvais philosophe, parce que les bons, sont empreints d'émerveillement et d'étonnement. Celui-ci écrase la magie avec sa lourde barbe de 'sagesse'.
Peut-être que ces répliques correspondent plus à un scientifique trop socialisé par sa discipline, même si dans la science, il y a une place à l'émerveillement.
Le temps est un catalyseur à ataraxie ou émerveillement? (les deux n'étant pas incompatibles.)

sinon, je vois dans la chute soit une métaphore, soit de l'ironie.
'si je vieillissais, je serais aussi grand que toi ?'
Grand dans les raisonnements, dans l'âme? (même si je pense que ce philosophe manque de grandeur).
Ou une petite moquerie de l'enfant... (dans le double sens, l'enfant voulant être grand en taille, s'en foutant de la pseudo-grandeur de machin).
En fait, j'aimerais bien savoir... Qu'as-tu voulu dire? (je pense pour le deuxième, te connaissant un peu.)
Raksone
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 14:45 pm    Sujet du message:
Miosotys, corriger les fautes de frappe ou d'inatention est le seul moyen pour toi de combler la vacuité de ta critique?
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 16:09 pm    Sujet du message:
Dans le cas de Méphistophélès, je n'ai rien à ajouter. Son langage est parfaitement juste il me semble, d'où mes compliments là-dessus.

Les fautes d'inattention sont tout à fait pardonnables, mais attention à ne pas en commettre trop. L'erreur est humaine, c'est bien connu.

Il ne s'agit pas pour moi de critiquer négativement toutes
les oeuvres qui se présentent. Ce serait idiot de ma part.
ICEBLOCK
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 16:50 pm    Sujet du message:
Raksone a écrit:
Miosotys, corriger les fautes de frappe ou d'inatention est le seul moyen pour toi de combler la vacuité de ta critique?

Oui, on aurait dit une sorte de petite vengeance personnelle... Et puis, ce ne sont pas des fautes d'inattention graves, ou pire, des mauvais emplois de mot (comme dans le topic 'sans titre', Fr. écrit "de surplus" au lieu de "de surcroît" ).

Euh, je ne connais aucun enfant qui puisse utiliser les mots "diaphane" ou "inintelligible" ...


Dernière édition par ICEBLOCK le Lun Juin 04, 2007 18:39 pm; édité 1 fois
Fr.
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 18:31 pm    Sujet du message:
Citation:
"de surplus" au lieu de "de surcroît"


Ca ne passe pas donc, merci pour l'info.

C'était sur "sans titre" par contre.


Citation:
je ne connais aucun enfant qui puisse utiliser les mots "diaphane" ou "inintelligible"


Un enfant a qui l'on a enseigné le mot peut être. [/code]

Ou méphisto qui n'a pas tenu compte de l'âge de la personne.
Méphistophélès
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 18:39 pm    Sujet du message:
Miosotys. Honte à moi d'avoir laisser passer ces trois fautes: je passe mes journées le nez plongé dans mon bouquin de grammaire, et tout ça, pour faire des fautes niveau primaire, bref Sifflote
Pour ma défence "ce genre de chose" sans "s" est correct. Les deux graphies existent mais n'ont pas le même sens. Soit il y a un genre pour plusieurs choses, soit il y a un genre dont le contenu se voit qualifié de façon générique par le terme "chose", lequel joue en quelque sorte le rôle d'un adjectif relationnel (et dans ce cas, pas de pluriel).

Désolé de te décevoir Prométhée, la dernière réplique de mon enfant n'avait rien de bien profond. Il s'agit d'un cri du coeur: ce jeune être perdu dans des considérations métaphysiques, en communication avec le divin, le sublime; se voit brutalement à la fin de la scène ramené à son rôle d'enfant apeuré, craintif, dépendant. De dominant il devient dominé: non parce qu'il a tort, mais parce qu'il est le plus jeune, le plus petit. Il y a aussi dans cette réplique, c'est vrai, de l'admiration pour le philosophe, admiration pour sa taille non pour ses idées. Je crois que ceci répond en même temps au commentaire d'Iceblok concernant le vocabulaire de l'enfant.
Le philosophe quant à lui incarne la raison, la logique pure, et ce côté quelque peu borné que l'on attribue aux scientifiques il est vrai. L'un ne peut que voir (nombreuses répétitions de "regarde", "je guette"), l'autre ne peut que penser: soit deux personnages complémentaires, tout deux bornés à leur façon, et totalement deshumanisés.

Fr., enfin, je ne chercherais même pas à t'expliquer ce qu'est un personnage allégorique. Note toutefois que si mes personnages n'ont pas de nom et sont désignés par une antonomase ("l'enfant", "le philosophe"), il y a peut-être une raison. En outre si mon enfant a du vocabulaire, il s'exprime de manière volontairement maladroite.


Dernière édition par Méphistophélès le Mar Juin 05, 2007 15:08 pm; édité 1 fois
ICEBLOCK
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 19:05 pm    Sujet du message:
Citation:
Désolé de te décevoir Prométhée, la dernière réplique de mon enfant n'avait rien de bien profond. Il s'agit d'un cri du coeur: ce jeune être perdu dans des considérations métaphysiques, en communication avec le divin, le sublime; se voit brutalement à la fin de la scène ramené à son rôle d'enfant apeuré, craintif, dépendant. Je crois que ceci répond en même temps au commentaire d'Iceblok concernant le vocabulaire de l'enfant.

Donc, si l'enfant utilise ce vocabulaire, c'est parce qu'il est à fond dans son trip... ok.
après edit de méphistophélès: humm...son vocabulaire très étoffé le place donc en statut de dominant, ainsi que son grand temps de parole... ok.
Citation:
personnage allégorique

J'ai pensé à ça en premier...mais je me suis dit que "allégorie" correspond à quelque chose d'abstrait comme la gloire, la mort,etc... Mais, en fait, tu prêtes à l'enfant plus de raison qu'il n'en a, tu le fais parler et penser beaucoup plus que ce qu'un enfant (qu'on pourrait alors rapprocher d'un être inanimé) pourrait faire... mais il garde son statut d'enfant, car il ne raisonne pas, il voit uniquement... Bref, je pense comprendre mieux.

Citation:
dommage qu'on n'en sache pas plus sur l'histoire

Pas besoin de connaitre l'histoire d'Orphée pour se rendre compte qu'il va y avoir un évènement funeste ou du moins, très important dans des temps très proches (quand la nuit tombera Rolling Eyes ).
L'enfant voit qu'il se passe quelque chose, mais il n'arrive pas à l'interpréter en quelque chose qui serait du domaine de la raison, et non de l'imaginaire, etc...

Ainsi, Méphistophélès se lance dans la tragédie moderne ?! ... cette scène où l'enfant tente de prévenir le philosophe, que quelque chose se trame, en vain, me fait penser à la scène du fantôme dans la Machine infernale, qui tente lui aussi de prévenir Jocaste et Tirésias qu'il se passe quelque chose, mais en vain... comment ça s'appelle déjà ? De l'ironie tragique voilà, sauf que là, il n'y aucune référence à l'histoire d'Orphée... Humm, ou alors je suis complètement à côté de la plaque !


(Je m'oblige à faire un peu de masturbation intellectuelle, en vue de mon bac français... c'est toujours bon en plus des révisions ... Rolling Eyes )
Méphistophélès
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 19:24 pm    Sujet du message:
Une remarque tout à fait juste, j'ai en effet été très inspiré par la Machine infernale de Cocteau, particulièrement par le dialogue entre le Sphinx et Oedipe d'ailleurs. Dans ma pièce, nous avons d'une part l'enfant anticipant un évènement tragique, de l'autre, le philosophe racontant la même histoire de façon pragmatique. L'enfant et le philosophe ont dans ma pièce le rôle de narrateurs, ils tendent à donner une double interprétation des faits: Orphée comme héros tragique selon l'enfant, ou Orphée comme un gars un peu paumé, obsédé par ses certitudes selon le philosophe. Au final, on ne sait pas trop si l'enfer, le diable et les damnés que croise Orphée au cours de son voyage existent réellement ou pas.
Giraudoux, Anouilh, Cocteau ainsi que des auteurs plus classiques tels que Ovide, Sophocle, Euripide et Eschyle m'ont donnés envie de me lancer dans cette pièce.

Et s'il n'y a pas de référence directe au mythe d'Orphée, c'est tout simplement parce que le personnage d'Orphée n'intervient pas avant la scène 3 de ma pièce.
ICEBLOCK
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 19:43 pm    Sujet du message:
Citation:
Et s'il n'y a pas de référence directe au mythe d'Orphée, c'est tout simplement parce que le personnage d'Orphée n'intervient pas avant la scène 3 de ma pièce.

Mais, Cocteau nous raconte direct tout avec le prologue de la Voix, et en mettant Jocaste et Tirésias dans la scène 1 (enfin, leur voix ! ) ... Mais, c'est mieux que tu n'ais pas fait comme lui, ça aurait fait très impersonnel.

Citation:
particulièrement par le dialogue entre le Sphinx et Oedipe d'ailleurs

Là, par contre, je ne vois pas le lien entre ton dialogue enfant/philosophe et le dialogue entre Oedipe et le Sphinx.
Après relecture du passage en question, je pense qu'il s'agit en fait du dialogue avant l'énigme : Le sphinx voit les choses de manière pragmatique, et Oedipe s'enflamme dans son rêve d'héroïsme, de gloire, etc... ok.
Méphistophélès
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 20:07 pm    Sujet du message:
Le rapport n'est pas encore très net à la toute première scène de cette pièce, mais le lien repose sur le regard tragique qui est porté sur un mythe ancien: Oedipe pour Cocteau, Orphée en ce qui me concerne. La scène de la Machine infernale mettant en scène le Sphinx, Oedipe et Anubis nous propose une vision à la fois fataliste et absurde du mythe. Ainsi, le Sphinx doit dévorer les passants, mais il ne sait pas pourquoi, et il réchigne à exécuter Oedipe. Il obeit à une hiérarchie de bureaucrates deshumanisée qui n'est pas sans rappeler celle du Procès. Je cite d'ailleurs cette magnifique réplique d'Anubis:

« Nos dieux exigent, en tel endroit de la terre, la présence d’un monstre dont vous avez assumé le rôle. Maintenant, que les hommes baptisent ce monstre : "le Sphinx", et qu’ils en souffrent, ce sont là des contingences qui ne regardent pas les dieux. »

Il y a donc une sorte de mélange dans la pièce de Cocteau entre le destin tragique du théâtre antique et cette absurdité toute kafkaïenne, typique de la littérature du XIXème siècle. Ceci est particulièrement flagrant quand on compare les différentes interprétations d'un même mythe au fil des siècles, c'est là un travail qui me passionne. Il s'agit par exemple de comparer l'Antigone d'Anouilh, avec celle de Goethe, de Sophocle, de Cocteau que l'on peut aussi rapprocher de l'Electre de Giraudoux et d'Euripide; ou encore l'Oedipe d'Anouilh, à celui de Cocteau, et aux deux versions écrites par Sophocle (Oedipe roi et Oedipe à Colone).
Pour l'anecdote, je signale que Cocteau a écrit un script et réalisé un film sur le thème d'Orphée: je vous les conseille tout deux.

Moi, je veux faire cohabiter ces deux visions de la tragédie: le destin tragique et le pragmatisme absurde.
Prométhée
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 21:25 pm    Sujet du message:
'et totalement deshumanisés'
J'avais remarqué ça aussi.
Prométhée
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 21:28 pm    Sujet du message:
Alors y'avait rien dans la fin. Crying or Very sad

Remarque:
'Il y a aussi dans cette réplique, c'est vrai, de l'admiration pour le philosophe, admiration pour sa taille non pour ses idées'
Smile
L.H.
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 21:48 pm    Sujet du message:
(Brève réapparition sur le premier topic vaguement intéressant depuis un moment - je ne pense pas faire mon retour pour autant)

Maintenant que la question des influences a largement été abordée - et bien sûr je pensais aussi à la Machine Infernale, d'autant plus qu'elle est citée en signature de Méphistophélès (excellente pièce par ailleurs) -, je dirais que cette pièce, ou du moins cet extrait, semble pouvoir fournir un texte à peu près respectable pour une tragédie moderne à la Cocteau ou Giraudoux, c'est à dire dans les années 1930 en gros. Ca remonte tout de même à loin pour cet art, dont la spécificité - peut-être plus qu'ailleurs - est justement de toujours se réactualiser dans sa pratique et son écriture - de se refaire toujours au présent, au contemporain -, qu'est le théâtre ; et qui est la source d'au moins autant de remises en questions et de réflexions sur le langage, son utilité, etc qu'en poésie depuis plus d'un demi-siècle. Sans sous-entendus, je veux dire qu'il est difficile de faire comme si la génération absurdiste n'était pas passée par là.

En plus, cela manque de la poésie génialement imaginative de ces auteurs que je cirais plus tôt (Cocteau et Giraudoux donc ; personnellement je n'ai pas encore lu Anouilh - la couverture orange fluo de la seule édition que j'ai trouvée pour Antigone jusqu'ici me dégoûte trop), par ailleurs très bien illustrée dans ladite citation de Cocteau que Méphistophélès a mise en signature.

Enfin, comme ça a été souligné, l'enfant n'est pas crédible, et son statut allégorique n'est en aucun cas une excuse - il faut toujours se rappeler en écrivant du théâtre que la chose est sensée être jouée, sinon on ne s'en sort pas ; or un enfant qui s'exprime comme ça sur scène, ça ne passe pas - ça ne semblerait même pas absurde non plus ; au pire un comique de mauvais goût en surjouant une dérision qui dénoncerait l'erreur d'écriture.

Bon, en gros - je cherchais pas à participer du tout aux concours de casse ridicules qui se font dans le coin - je dirais que je suis plutôt déçu par Méphistophélès, que j'estime suffisamment, dans la mesure où, certes, le texte est déjà d'une qualité, et notamment linguistique, respectable, mais où il pourrait être largement amélioré en faisant plus de place à la poésie et l'imagination, la fantaisie - souvent importante au théâtre. Je fais confiance à l'auteur que j'en crois tout à fait capable ; mais il me semble qu'on devine ici la domination de la logique rationnelle dans son esprit qu'il vante si souvent - ce qui ne constituerait en aucun cas un reproche sur la personnalité de l'auteur, qui ici ne me concerne pas.

Voici mon avis sur cet extrait.

PS : je fais bien le critique neutre ? Rolling Eyes


Dernière édition par L.H. le Lun Juin 04, 2007 21:51 pm; édité 1 fois
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 21:49 pm    Sujet du message:
Personnellement le côté "manifeste", anti-rationnaliste, par opposition à l'enfance poétique, est quelquechose d'un peu trop didactique et d'un peu trop grossier. Ce texte fait plus penser aux agréables bavardages de Giraudoux (avec un peu moins d'esprit) qu'à l'âpreté de Sophocle.
C'est en fait aussi mauvais que du Saint-Exupéry.
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 22:30 pm    Sujet du message:
Ma foi, c'est pas faux LH., à ceci près que l'absurde tient une large place dans ma pièce (pas dans cette scène, elle est somme toute assez classique, je le reconnais bien volontiers). Quant à l'enfant, je tiens énormément à ce qu'il ne soit pas "crédible", pour la simple raison que mon enfant tient un double jeu dans ma pièce: il incarne aussi mon "Hadès". En outre, si l'on y regarde de plus près, aucun de mes personnages n'est crédible: ce sont tous des caricatures, des êtres désincarnés. Tu l'as dit, les shémas de représentation des années 30 sont surannés.

Quant à affirmer la prédominance de l'anti-rationnalisme dans cet écrit, uuacus, c'est simplifier à outrance mon point de vue: ma pensée est autrement nuancée, autrement ironique vis à vis du propos qui y est abordé; ce qui explique entre autre qu'à la fin de ma première scène et au début de ma scène 2, les rôles s'inversent. Quant à l'esprit, c'est tragique, mais je crains de ne pouvoir rien faire pour compenser la faiblesse d'un intellect expirant...

PS: Et un grand merci pour vos interventions à tous les deux. A ce sujet, LH, je trouve qu'Antigone est la meilleures pièce d'Anouilh, tu devrais te la procurer.


Dernière édition par Méphistophélès le Lun Juin 04, 2007 22:52 pm; édité 12 fois
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 22:31 pm    Sujet du message:
Edition.

En fait, non: deux textes pour un seul sujet, c'est trop. Je vous renvoie éventuellement à ma Diatribe du passeur, texte faisant partie de ma pièce lui aussi (je trouve somme toute un peu mièvre par ailleurs, mais sans doute a-t-il plus de personnalité que celui-ci).
L.H.
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Message Posté le: Lun Juin 04, 2007 23:49 pm    Sujet du message:
De rien Méphistophélès. Je pensais bien que ma critique était assez "objective" pour que tu l'admettes ; néanmoins tu t'es bien "défendu" et je me doutais que cet extrait n'était pas forcément représentatif de la pièce, qu'elle comportait des passages plus "modernes" - et puis j'admets qu'il n'est pas forcément facile de présenter un extrait particulièrement absurde sur un forum, où il s'agit d'être "efficace" dans le choix du passage, et d'ailleurs certains ont déjà été frustrés que l'histoire n'avance pas.

Pour ce qui est des personnages, je n'ai rien à redire à ton dernier message.

Tu sembles finalement avoir tous les éléments en main, je suis rassuré (même si je n'en doutais pas totalement - ce passage m'avait simplement semblé un peu trop classique disons). Bonne continuation.
Invité








Message Posté le: Jeu Juin 07, 2007 03:36 am    Sujet du message:
Méphistophélès a écrit:
[...] "ce genre de chose" sans "s" est correct.

D'accord. Merci pour l'information, c'est noté.

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