melodeath
De passage
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Posté le: Jeu Mai 31, 2007 15:29 pm Sujet du message: Toxico woman
Je vois la neige tomber de l’autre côté de la fenêtre. Je jette un rapide
coup d’œil au calendrier : 21 mars, premier jour du printemps. Quel temps
!
Je reste là, affalée sur mon siège de bureau, à regarder les flocons se
déposer sur le toit de la maison d’en face. Je n’ai envie de rien. Sauf
de dormir, mais le sommeil ne vient pas.
Résignée, je me décide enfin à me lever. Je vais chercher une bière dans
le frigo et allume la télé. Assise dans mon immense fauteuil, seule, je
regarde le journal de 19heure.
Les catastrophes se suivent et se ressemblent dans mon petit écran : Une
guerre dans telle et telle région du monde, réchauffement climatique qui ne
cesse d’empirer, encore un jeune poignardé, cinq enfants retrouvés
égorgés,…
Non, je n’ai vraiment plus envie de bouger.
Deux heures plus tard, je prends mes clefs et me cale dans ma voiture.
J’étais bien obligée, après toutes les menaces de mon patron…
_ « Encore une seule minute de retard, un jour d’absence et c’est la
porte assurée pour toi ! Ne t’avise pas de me planter encore une fois ! »
Et ce, pas plus tard qu’hier ! Ca me déprime tous ces gens stressés par le
temps. On ne vit plus, on survit….
Et merde ! Encore un bouchon ! Mes affaires ne vont pas s’arranger avec ça
! Je klaxonne un petit coup, mais évidemment c’est beaucoup de bruits pour
rien.
Allez ! On garde son calme. Inspirer ! Expirer !
Je perds mon calme ! Voila une heure que je patiente, déjà une demi-heure de
retard et trois appels de mon patron. Au prochain, je suis virée.
Je descends donc de ma voiture, histoire d’aller voir ce qui se passe plus
loin. Je dépasse à pied la longue file de voitures, et arrive enfin au cœur
du problème : Un camion s’est renversé et a déversé sa cargaison sur
l’autoroute ! Et voila, encore quelque chose de pas très joli qui va passer
aux infos ! Je téléphone à mon chef pour lui expliquer mon problème.
Ouf ! Il est de bonne humeur ! Il me donne ma journée ! Monsieur n’a pas de
temps à perdre avec ça, il trouvera bien un stagiaire qui me remplacera
aujourd’hui.
Je ne suis pas irremplaçable et ça, il me l’a bien fait comprendre.
Génial ! Encore un avertissement. Le dernier !
Je reprends le volant, passe au-dessus de la bordure et retourne chez moi. Je
vais peut-être pouvoir dormir un peu maintenant.
***
Bâillements incontrôlés, je me réveille. Enfin une bonne nuit de sommeil !
Bon, cette fois je prends la route une heure plus tôt, quitte à arriver à
l’avance au bureau. Je m’étire encore une fois et passe à la salle de
bain. Une douche bien froide comme je les aime et vite devant le miroir pour
dompter ma crinière, mais en me regardant dans la glace, je ne peux retenir
un cri de stupeur !
Un bouton !
Allez ! Pas grave ! Un peu de produit et j’y vais.
Il est un peu moins de huit heures du matin. Dans une petite demi-heure je
commence à travailler. Un travail très intéressant, soit dit en passant.
Trier des papiers, classer des documents, les apporter au patron avec sa tasse
de café (un sucre, pas deux ! Bien fort, bien noir…), le laisser retourner
les piles de documents rangés pour vérifier que c’est bien fait et les
reclasser une fois qu’il a décidé que c’était bien fait avant qu’il
ne les ait envoyé à l’autre côté de la pièce.
Je me décide à aller boire un café en attendant. J’hésite : « Café
Jacques » ou « L’Irlandais » ? J’opte pour le deuxième choix et
traverse le Boulevard du Sud.
J’ouvre la porte et vais m’attabler après avoir commander mon
traditionnel Café Latte.
Mes yeux s’attardent dehors. Il neige encore. Un regard sur ma montre et je
remarque qu’il est presque 8h30. Je prends ma veste, paie l’addition et me
dépêche de rejoindre mon bureau. Je frappe à la porte de mon patron qui,
pour changer, me donne une pile de documents à photocopier et classer pour
dix heures. Dix heures… Ca signifie qu’à 10h30 je devrai tout reclasser.
Génial.
Midi arrive enfin, l’heure de la pause. C’est étrange. Tout le monde me
regarde bizarrement. Enfin, plus que d’habitude en tout cas. Je laisse
passer.
Je m’avance vers la machine à café en prenant un gobelet au passage. Je
n’ai pas très faim, tant pis j’attendrai le soir pour manger. C’est pas
possible, encore deux cruches qui me dévisage de l’autre côté de la
pièce. Je leur lance un regard méprisant avant d’aller m'enfermer dans la
salle des archives pour ne plus avoir à les subir.
20 :00 : Je quitte enfin ce bureau. Tant mieux, je suis exténuée et j’ai
une faim de loup. Je rentre vite fait chez moi.
Comme d’habitude je passe la plus part de la soirée à la cuisine :
Popotte, manger, laver ! Je passe sans faire attention devant le petit miroir
du salon pour aller ranger la vaisselle propre. Je repasse encore avec mon
verre qui se brisa par terre lorsque je jetai un coup d’œil dans la glace.
Le bouton de ce matin avait drôlement évolué. Il avait doublé de volume et
ce n’était rien comparé à l’immense tâche verdâtre qui l’entourait.
Je repris mes esprits, horrifiée.
Une nouvelle sorte de cancer ? Mon médecin me l'avait dit la dernière fois
:
-« Attention, il faut surveiller l’évolution de vos grains de beauté, ils
peuvent se transformer en cancer de la peau »
A l’exception près que ce bouton était loin de ressembler à toutes ces
images qu’il m’avait montrées dans son « Encyclopédie du médecin
exemplaire ». D’ailleurs, il était loin de ressembler à un grain de
beauté.
Pas de panique, on se calme. Demain, je vais tout droit chez le médecin !
Je vais m’asseoir sur le divan, tremblante, après avoir ramassé les bouts
de verre. Je prends le journal du jour que j’avais acheté en rentrant chez
moi, espérant me changer un peu les idées.
Pas la peine d’ouvrir le journal, la première page m’interpelle déjà
avec son gros titre.
Au moins, avec ça, mon patron arrêterait de me rabâcher que je trouvais
toujours de bonnes excuses pour ne pas venir travailler.
D’ailleurs, je vais filer dormir. Demain encore, pas question d’être en
retard ! Surtout que pour aller chez le médecin je vais devoir me lever tôt
!
« Etrange, étrange ! ». C’est ce que le Dr Modart avait dit en observant
mon bouton mutant. Ce dernier avait encore doublé de volume durant la nuit et
des tâches orangées faisaient concurrence à l’étendue verdâtre qui me
défigurait. Cependant, aucun diagnostic.
« Revenez demain ! Je serai avec un confrère ! ». Un spécialiste de la
chose m’avait-il dit. Un certificat vite fait : Pas question de me
présenter au bureau comme ça ! Je vais m’acheter le journal au kiosque. Ma
lecture préférée ! Les potins, les ragots, je ne me nourrirais que de ça
!
Aujourd’hui, en première page :
Je lis l’article. Encore des disparitions. Trois femmes, quatre hommes et
deux enfants portés disparus. Point commun de ces neuf personnes : Elles
travaillaient toutes dans le quartier nord. Comme moi. Quant aux enfants, leur
école se trouvait aussi dans ce quartier. Cependant, une déclaration de
l’inspecteur responsable de l’enquête, m’interpelle plus que le reste
de l’article :
Je ne sais pas pour quelle raison, tout ça me laisse songeuse. Je me laisse
aller à réfléchir. J’ai chaud tout à coup, l’impression d’avoir
gardé un masque trop longtemps sur le visage. Je transpire. La chaleur me
fait m’assoupir. Je m’endors, peu à peu, le journal entre les mains.
16h00 : Je me réveille enfin ! J’ai dormis des heures. Je dois avoir une
tête de déterrée maintenant, avec mes cheveux qui vont dans tous les sens.
Je vais vite remettre tout ça en état, me mettre un peu de maquillage et
essayer de masquer mon bouton : « un ravalement de façade » comme dirait
l’autre. Je m’approche du miroir (ce satané miroir).
Je ne fus presque pas étonnée, et pourtant il y avait de quoi, en
découvrant mon visage qui avait entièrement viré au vert. Mes rêves,
hantés par cette tâche verte, m’avaient préparés psychologiquement.
Cependant, voyant le monstre que j’étais devenue, je cassai directement
tous les miroir de la maison, m’épargnant ainsi le fait de me voir chaque
jour. Deuxième résolution : Ne plus sortir de cette maison ! Je savais que
le médecin ne trouverait rien contre ça. S’il y avait une solution,
l’évolution était, malheureusement, sûrement déjà trop avancée et puis
je n’ai aucune envie de devenir une bête de cirque. Je m’abonnai donc au
journal pour qu’il soit livré chez moi car je m’étais promis de suivre
de près l’affaire des disparitions, après avoir téléphoné à mon patron
et lui avoir faxé ma lettre de démission, au grand plaisir de ce dernier.
6h30 le lendemain : Satané horaire de travail ! Pas moyen de me rendormir !
Et mes mains qui me démangent. Et vas-y que ça gratte ! Tant pis, le sommeil
ne reviendra pas : je me lève !
Petit déjeuner. Vite fait ? Non, pour une fois que j’ai le temps…
La vie ne m’apportera plus rien. Une larme perle au coin de mon œil.
Allez, relativisons, je ne perds rien : Un patron qui ne m’aime pas, plus de
famille, aucun véritable amis… Du moins aucun qui valent le coup.
A la place : Une vie en quarantaine, sans boulot, sans autres emmerdes que mon
physique…
En fait, ce n’est peut-être pas si mal. Bon, sauf pour la bouffe…
Tant pis, je me ferai livrer, et lorsque je n'aurai plus d'argent,
j'aviserai.
Deux jours ont passés. C’est fou, l’argent part sans qu’on ne le voit,
même sans bouger de chez soi. Il va falloir que je trouve une solution si je
veux continuer de (sur)vivre comme ça ! Je m’installe donc devant
l’ordinateur espérant y dénicher quelques bonnes idées.
Alors… Commençons par vendre aux enchères deux trois objets pour renflouer
le porte-monnaie. Je continue ma recherche.
Pas ça… Mmmh, non pas ça non plus… Oh ! Non sûrement pas ça !
Ah ? Gagner de l’argent en surfant ? Intéressant ça ! Je prends !
Ma survie sauvée, je descends et prends le journal, qu’on venait juste de
me livrer, au passage.
Rien d’intéressant, à part un article qui semble me concerner directement
:
Je restais abasourdie ! C’était donc ça ! Je m’étais trouvée sur le
lieu de l’accident… Et à moins de 100 mètres en plus, cela expliquait ma
mutation subite. Le fait que ces personnes ait muté plus vite tiens sûrement
du fait qu’elles étaient plus proche du produit que moi. Mais dans combien
de temps me transformerais-je en tâche verte ?
Devrais-je appeler l’inspecteur responsable de l’enquête ? Peut-être
que, maintenant qu’une explication avait été trouvée, je n’étais pas
tout à fait perdue. Cela faisait à présent une semaine que ma mutation
avait commencée, je ne tarderais donc pas à disparaître. A peine avais-je
penser ça qu’une énorme goutte d’une substance verte gluante venait de
tomber de mon visage. Je passai ma main verdâtre sur ma figure, pour
remarquer qu’il me manquait…mon nez. Il venait de tomber, en un tas
informe, à mes pieds. Horrifiée, je courus jusqu’à mon téléphone et
composa le numéro du commissariat et demanda à parler à l’inspecteur. Ce
dernier écouta attentivement mon histoire, tandis que ma main droite et mon
oreille gauche se liquéfiaient. Lorsque je raccrochai, après qu’il m’ait
promis d’arriver chez moi le plus vite possible, j’avais la poitrine aussi
plate que celle de mon patron, et mon œil gauche coulait de son orbite,
heureusement sans douleur. Cependant, cette vision insupportable me fit perdre
connaissance et je m’étalai par terre.
C’est un quart d’heure plus tard que l’inspecteur arriva chez moi. Il
frappa. Pas de réponse. Il frappa encore. Toujours pas de réponse.
Après cinq minutes d’attente, il décida de rentrer par la force, de peur
de ne pas me retrouver entière. Il défonça donc la porte (réussissant à
la quatrième tentative et après s’être luxé l’épaule). Il s’avança
vers la porte de la cuisine, puis passa au salon, mais ne vit personne. Il
alla vers le téléphone et avant qu’il n’ait pû l’atteindre, glissa et
se retrouva par terre. Il se releva avec peine, s’appuyant sur son épaule
valide, et regarda à ses pieds la cause de sa chute.
C’est avec stupeur qu’il découvrit une immense tâche verte teintée
d’orange !
***
Depuis ce jour, aucunes preuves ne sont venues s’ajouter au dossier. Il fût
classé mais resta tout de même dans les anales.
L’inspecteur, quant à lui, pris une retraite anticipée après avoir été
suivi durant deux ans par un psychologue. En ce qui me concerne, personne ne
vint à mon pseudo enterrement, ce qui me convenait bien. Sur ma tombe, fût
écris en toute lettre : « Née solitaire, morte solitaire et maintenant sous
terre. », comme demandé dans le testament que j’avais rédigé 2 jours
avant ma mort.
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