In memoriam ( ma première nouvelle... )


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melodeath
De passage
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Message Posté le: Mar Mai 22, 2007 09:20 am    Sujet du message: In memoriam ( ma première nouvelle... )
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Elsa est au jardin. Elle joue. Elle a 5 ans, de longs cheveux bruns, bouclés, les yeux clairs et les genoux sales. Le jardin est immense, les arbres gigantesques, les fleurs innombrables. Démesuré aux yeux d’Elsa, le jardin est à la mesure des histoires qu’elle y invente, des aventures qu’elle y vit, des personnages qu’elle y fait naître pour l’accompagner dans ses jeux. Elsa suit du regard la progression des lutins d’arbre en arbre. Elle contemple les fées qui récoltent le parfum des plus belles fleurs et épie les sorcières qui ramassent les mauvaises herbes ou les fruits pourris pour les transformer en philtres maléfiques. Elle construit dans le bac à sable des châteaux qu’habitent les rayons du soleil et les ombres des nuages. Elle colle son oreille contre la terre pour surprendre le grouillement du peuple souterrain des insectes et des vers. Elle descend de la balançoire où elle rattrapait la mésange pour cueillir les framboises qu’elle partagera avec la pie qui l’observe depuis le faîte du mur qui protège le jardin des regards, de la rue, du monde extérieur, l’enferme de silence. Toujours. Il ne faut pas faire de bruit. Quand Elsa se confie à l’écureuil, c’est dans un chuchotement. Quand elle rit de la pluie, c’est tout doucement. Elle marche à pas de loup, de fourmi ou de chat, selon son humeur et son compagnon imaginaire du moment. Elle retient ses larmes quand elle tombe en s’écorchant le coude ou le genou sur les graviers de l’allée. Il ne faut pas déranger la maman d’Elsa qui dort dans la chambre du bas, derrière les persiennes closes. Sa maman fatiguée. Il ne faut pas gêner non plus son papa qui travaille dans le bureau, à côté de la chambre. Le papa d’Elsa est sérieux, sévère et il la gronde si elle n’est pas sage ou qu’elle embête les grandes personnes.

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Elsa est au jardin. Elle lit. Elle a 10 ans, des boucles brunes, les yeux moins clairs, les mains agrippées à son livre. La lecture est un refuge. Comme le jardin. Protégé du monde, de la rue, du bruit. A l’abri de son père dont elle entend par instant la voix depuis le bureau. Elsa lève les yeux de son livre vers le ciel. Elle s’est allongée sur le ventre, dans l’herbe à l’ombre du tilleul, et incline sa tête vers l’arrière pour fixer les rayons du soleil. Elle ferme les paupières pour voir les taches de couleur qui dansent dans ses yeux clos. Elle les rouvre quand elle sent sur son visage la fraîcheur de l’ombre d’un nuage. Elle tend l’oreille vers le bureau. Elle entend aussi, moins souvent, moins fort, la voix de la dame qui est venue voir son père. Pour parler d’Elsa. C’est la maîtresse qui lui a dit. Parce qu’Elsa est trop silencieuse et que cela l’inquiète. Mais Elsa n’a rien à dire. Il ne faut pas faire de bruit pour ne pas déranger maman qui se repose dans la chambre du bas derrière les persiennes closes. Papa lui a demandé de se taire. Elsa contemple un papillon qui s’est posé sur la page ouverte de son livre. Elle retient son souffle. La dame sort dans le jardin, accompagnée du père d’Elsa. Ils s’approchent du tilleul et le papillon s’envole. La dame sourit à Elsa mais pas son père. Elsa observe un moment le vol du papillon, son regard croise celui de la dame et elle lui rend son sourire. Le père s’éloigne. La dame s’assied près d’Elsa sous le tilleul. Elle lui parle, doucement. Elsa se tait. Son père lui a ordonné de se taire. Elsa se lève, traverse l’allée en appuyant fort ses talons dans les graviers pour les faire crisser davantage. Elle se dirige vers la haie au pied du mur. Elle cueille une poignée de framboises et en tend quelques unes à la dame qui l’a suivie. Elles se sourient de nouveau, silencieusement. Son père lui a fait jurer de se taire. Elsa aimerait tenir sa promesse. Elle n’ose pas désobéir.

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Elsa est au jardin. Elle pleure. Elle a 15 ans, les cheveux courts, les yeux tristes et le corps serré. Elle s’est roulée en boule, les genoux ramenés contre sa poitrine, les bras entourant ses jambes, la tête baissée, le visage enfoui. Comme pour se fondre, se réfugier, comme pour s’engloutir en elle même. Étreindre son corps tout entier jusqu’à l’étouffer, faire taire en elle la rumeur assourdissante du mutisme. Elle ne bouge pas. Elle ne fait rien. Il ne se passe rien. Que le silence du jardin et de sa solitude. Et le parfum des fleurs, l’odeur sucrée des framboises au pied du mur qui la sépare de la rue, du monde. Elle n’a même pas envie de se lever pour en cueillir une poignée. Pas envie de manger. Elle n’a envie de rien. Seulement que le temps passe, jusqu’à demain soir et le retour à l’internat. Elle cherche dans le sol le réconfort d’autrefois, l’écho lointain du peuple souterrain. Elle s’écrase face contre terre jusqu’à s’engloutir, jusqu’à s’aveugler, jusqu’à s’asphyxier. Elle se relève brusquement. Se dresse face au tilleul. Elle caresse l’écorce de l’arbre, elle enlace son tronc pour y abandonner sa peine, pour puiser à ses racines une parcelle d’énergie pour affronter le soir. Elle déteste le soir. Elle redoute la nuit. Elle sent dans sa nuque les derniers rayons du soleil qui disparaît derrière le mur. Elle appréhende le crépuscule qui l’enveloppe dans un frisson qui lui parcourt le corps et la fait grelotter. Elle se sent inutile. Elle entend la voix de son père qui appelle en sortant du bureau. Il peut crier maintenant. La mère d’Elsa est morte. Il y a deux ans. "Des suites d’une longue maladie." On ne risque plus de la déranger. Le silence n’a plus de raison d’être. Et les pleurs d’Elsa s’étouffent dans sa gorge. Et son cri inutile ne trouve aucun écho.

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Elsa pense au jardin. Elle a 20 ans, les cheveux ras et les yeux durs. Le corps sec, douloureux, insensible, cassé par le souvenir. Personne ne joue plus à la balançoire. Personne ne s’assied plus à l’ombre du tilleul. Personne ne donne plus vie aux lutins, aux fées, au peuple souterrain. Personne ne fixe plus le soleil en face. Elsa regarde par la fenêtre. Le mur d’enceinte dresse son ombre entre elle et le ciel. Il lui rappelle le mur qui entourait le jardin de son silence protecteur. Mais celui-ci protège la rue, le monde, les gens du dehors d’Elsa qu’on a enfermée ici. On ne peut pas ouvrir la fenêtre, ni fermer les persiennes pour se reposer. On ne peut pas aller dehors pour jouer, pour lire ou pour pleurer. Les sorties durent à peine un quart d’heure. Il n’y a pas de terre dans la cour et il n’est pas question de s’étendre sur le sol pour guetter, à travers le bitume rugueux, les signaux assourdis des fourmis ou des vers. Elsa ne joue plus, ni ne lit, ni ne pleure. Elle attend simplement que passent les heures, les jours, les mois, les années de sa peine. En silence. Le silence qui l’accompagne depuis toutes ces années, fidèlement, sans jamais la quitter. Ce silence qui la protège encore. Elle n’a rien dit. Elle a juste avoué. Elle ferme les yeux, inspire profondément, s’abandonne. Elle imagine une enfant aux boucles brunes, au regard clair, traversant l’allée qui crisse sous ses pas, suivant du regard le vol d’un papillon vers la fenêtre ouverte de la chambre, souriant à sa mère accoudée au rebord qui lui rend son sourire, s’approchant du mur à pas de loup pour ne pas effrayer la pie juchée au sommet, cueillant à pleines mains les framboises qu’elle dévore à pleines dents, piétinant innocemment la terre dans laquelle Elsa a enfoui son père pour retrouver sa liberté .
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Message Posté le: Mar Mai 22, 2007 09:49 am    Sujet du message:
Tu as une jolie écriture: agréable, assez fluide. J'aime beaucoup certains de tes qualificatifs qui dénotent une certaine vivacité d'esprit, de l'aisance dans l'expression.
Par exemple, cette prosopographie des plus classiques, qui s'achève de manière surprenante avec "et les genoux sales":
Citation:
Elle a 5 ans, de longs cheveux bruns, bouclés, les yeux clairs et les genoux sales.

Ca aussi, c'est un détail et pourtant, un détail assez audacieux sur le plan scruptural:
Citation:
Elle marche à pas de loup, de fourmi ou de chat, selon son humeur et son compagnon imaginaire du moment.


En revanche tu as une facheuse tendance à glisser de très vilaines périodes (phrases longues) qui sont une horreur à la lecture. Par exemple:
Citation:
Elle descend de la balançoire où elle rattrapait la mésange pour cueillir les framboises qu’elle partagera avec la pie qui l’observe depuis le faîte du mur qui protège le jardin des regards, de la rue, du monde extérieur, l’enferme de silence.

Une pléthore de propositions rattachées les unes aux autres, un effet de polysyndète: ce n'est pas très heureux. Il y a bien une asyndète finale "l’enferme de silence" toutefois elle est vectrice de confusion plus que de fluidité. D'un point de vue mélodique, cette phrase est très bizarre, elle se compose d'une foulitude d'acmès, et au final, elle en est très répétitive. Tu ferais mieux de casser cette longue tirade en plusieurs phrases plus courtes.


Dernière édition par Méphistophélès le Mar Mai 22, 2007 09:56 am; édité 1 fois
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Message Posté le: Mar Mai 22, 2007 09:55 am    Sujet du message:
je te remercie de l'intention que tu portes a ma nouvelles et tes commentaires peuvent s'avérer utiles pour la suite...

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