Le Grand Projet


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The one & only Kwizer
De passage
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Message Posté le: Ven Mai 04, 2007 21:24 pm    Sujet du message: Le Grand Projet
Ils se sont tous bien donné du mal. Pour rien. Et puis alors ils sont repartis, avec leurs grandes échasses, ils sont repartis essayer de marcher plus haut, et encore bien plus loin qu’ils ne se l’étaient promis. Ils ont laissé les années les perdre bien comme elles savent. Ils m’ont laissé me perdre aussi. Que je ferme bien les portes. Que j’écoute bien le vent sortir d’en dessous. Quand il ramène quelque odeur de dehors. Ça vient mourir là, tout près, là, à côté de la cheminée de papa, à droite de sa bibliothèque. Oh oui ! Ils s’étaient alors donné bien du mal pour rien. A me dire qu’elles viendraient me prendre par-dessus. Toutes mes histoires… toutes mes grimaces…

Y’avait un silence gêné. Katie gardait un p’tit sourire, le même que celui qu’elle avait ramené du lit notre deuxième fois. Tu sais le sourire genre « ouais ça fait chier, mais c’est bien pour ça qu’on vit, s’pa ? ». Elle arrêtait pas de s’inquiéter pour ma mère. Elle tournait autour des distances, pour se rapprocher en douce. Mon petit frère, il s’en foutait vraiment. Pas qu’il comprenait pas, non, il s’en fichait. C’était une expérience au fond pour lui, mais pas des plus motivantes. Je l’avais vu plus excité le jour de l’abattage du grand platane de la rue royale. C’est la grande rue dans mon village. Mon frère il voulait pas qu’on coupe cet arbre. Mais en même temps c’est des cauchemars pour gosses, les arbres qui meurent. On les voit pas pleurer entre eux. Il reste la dignité du calme, c’est tout dans une petite boîte, on peut dormir en la serrant. Ça joue une musique triste, mais seulement si on l’ouvre.

Papa lui, je l’ai vu sortir de sa poche son tissu pour ses lunettes. Il s’est trompé. Il a essuyé ses yeux. Comme c’était pas fait pour ça, il a voulu ravaler son geste. Je crois qu’il était là totalement écrasé. C’est dur les choses de la vie, on a beau s’y préparer, prendre toutes les précautions, ça tombe comme de la vieille peau… derrière les rides ! mon papa il se mettait toujours derrière les choses, c’est un de la terre le dad’, il sait quand faut planter. Bin là il savait plus… il tenait son bout tissu, et ça avait l’air de lui peser aussi lourd que le nez. Mais ça le faisait plus rire le coup du pif qui faisait semblant de se couper…

A un moment, sans doute moins pour détendre l’atmosphère que parce que j’avais faim, je me suis tourné vers Katie pour lui demander un truc à grignoter. J’ai vu le clin d’œil en larme de maman. Elle venait de trouver le terrain d’entente. On parle souvent des belles mères, que ce soit pour les hommes ou les femmes, c’est une légende pire que les sirènes, puis sans leurs charmes surtout. Chez moi j’ai pas connu. Les parents de Katie, je captais rien à leur blabla, le kinyarwanda c’est pas facile de premier abord, alors t’imagines celui de ses vieux. De toutes façons ils parlaient bientôt plus jamais. Rien qu’à sa naissance, Katie c’était le nom de la playmate préférée du brancardier. Il parlait jamais plus que de ça dans les urgences ce type. Les vieux avaient du croire que c’était le français pour « bébé ». Le père l’a pris dans ses bras, il dansait timidement : « katie ! katie ! ». Il la tendait aux yeux des présents. C’est ces derniers qui ont mal compris l’histoire…

Ce qu’il lui avait tout de suite plu à ma maman chez elle, c’est qu’elle parlait beaucoup. On pouvait même dire qu’elle parlait pour nous deux. C’était jamais ce que j’aurai prononcé, mais j’avais pas la position pour critiquer. Quoique ça m’aurait fait l’ouvrir. Ça a été la seule fille que je leur ai présentée à mes parents. Je l’ai amené visiter environ deux mois après que je l’ai connu. Quand on est arrivé dans la cour de chez moi, mon père bricolait dehors, prés de la cabane tombée en cage à ronce. Une cabane fabuleuse vraiment, avec un étage. Un château fort. On y a des photos et plus de souvenirs encore avec papa. Alex, le p’tit frère il y a joué qu’une ou deux fois. C’était devenu dangereux déjà à son moment. Une fois qu’on y accédait on savait pas ce qui tenait encore et ce qui succomberait au poids. Et puis j’y rentrais plus, je pouvais pas l’accompagner. Y a jamais eu que des gosses qui y rentraient. C’était un peu une grotte avec des monstres à taille d’insectes… une vue imprenable sur le bonheur. Alex la dernière fois qu’on y est allé dans la cabane il voulait que j’aille chercher un personnage qu’il avait fait tomber sous les planches. Je lui ai un peu crié dessus. Que je prenais des risques, qu’on s’en carrait les trois jambes de son jouet… des saloperies d’ado que j’étais. J’y suis retourné après les larmes pour son bonhomme. Juste sous la planche en question y avait un lombric en train d’agonir. Et des fourmis dessus qui le torturaient sans y prendre goût. Je me suis dit que c’était bizarre ce temps qui passe et toutes ses peurs qui restent, accrochées à des images… ça vous relance, un coup de nausée, un trac pas possible pour un coup d’œil au mauvais plan. On sait qu’ils sont là tout le temps nos déclenchent-trouille, mais on s’en passe de flipper en permanence. C’est le visuel qui nous tambourine le cœur. Les vers de terre j’ai jamais supporté ! Je crains ça plus que tout. Je me faisais des comparaisons débiles pour savoir sur quoi je céderai en premier, c’est un peu de cette manière qu’on reste enfant, dans ces rapports où tout un monde peut se jouer sur le surpassement d’une peur. Des fois en allant à l’école je marchais sur le rebord du trottoir. Fallait que je reste en équilibre pour que ma vie soit chouette. J’ai laissé les résultats au hasard de la mémoire. Elle continue de jouer avec… moi je laisse venir… c’est déjà un échange l’oubli… ça renverse presque les yeux… Je suis finalement revenu… j’ai mis un p’tit moment à m’en remettre. Le ver se rapprochait difficilement du bidule d’Alex. Il m’a fallu attraper un bout de bois pour l’écarter et récupérer le jouet. Mais il se cassait la gueule quand je l’attirais à la méthode des baguettes japonaises. Finalement j’y suis arrivé à l’heure où le ver rendait l’âme. Le miracle c’est que je me sois pas retrouvé plumé dans les pommes juste là. En face du gluant. Alex il la ramenait plus quand je lui ai tendu le jouet. Je lui ai dit de pas le toucher avant qu’on le lave à la maison. Il avait tout compris malgré les gants ! « Alors on les reverra plus Gaston ? »

« qui ça Alex ? »

« les petits trous dans les planches »

« … »

« tu sais ce que j’aimais bien là bas, Gaston ? »

J’avais du mal à lui répondre. Puis j’ai sorti : « on voyait tout comme un mystère là bas Alex. C’était une prison pour la terre cette cabane ! tout y était enfermé ! l’air était pas net ! pas net ! une petite fumée sans la couleur… »

« nan ! moi je préférais les trous ! »

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