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Posté le: Ven Mai 04, 2007 20:13 pm Sujet du message: LES QUÉBÉCOIS, CITOYENS FRANÇAIS !
Voxlatina a
écrit: | Francosphère - Du
droit à la nationalité française
EN DROIT FRANÇAIS, LES QUÉBÉCOIS ET CANADIENS
« ORIGINAIRES FRANÇOIS » SONT TOUJOURS... FRANÇAIS !
Francosphère - Du droit à la nationalité française
EN DROIT FRANÇAIS, LES QUÉBÉCOIS ET CANADIENS
«ORIGINAIRES FRANÇOIS» SONT TOUJOURS... FRANÇAIS !
Québec, le 17 avril 2006 - Paris, le 14 mai 2006 - Agissant en vue
d’étayer la requête de notre amie québécoise Marie-Mance Vallée, qui
veut que lui soit reconnue sa nationalité originelle française, Maître
Christian NÉRON, son avocat, est allé puiser aux sources du droit français
et nous démontre ici comment, en droit, le roi de France n’avait aucune
capacité légale à céder le Canada – territoires et habitants – à la
couronne d’Angleterre. Ainsi, comme cela fut d’ailleurs relevé à
l’époque, le Traité de 1763 n’a pas de fondement juridique en droit
français, et tous les Québécois «originaires françois» peuvent
légitimement revendiquer la reconnaissance de leur inaliénable nationalité
française ! Ce mémoire dont on mesure les conséquences considérables a
été remis récemment auprès de la Chancellerie du Consulat général de
France à Québec.
===
Requête de Marie-Mance Vallée au soutien de la reconnaissance de son statut
de vraie regnicole et originaire française.
MÉMOIRE de Maître Christian NÉRON
Québec, le 17 avril 2006
La requérante, Marie-Mance Vallée, désire obtenir un passeport du
gouvernement français. Madame est titulaire de la citoyenneté canadienne, et
ce, à titre de droit de naissance ; par contre elle tient à préciser
qu'elle ne possède aucun document officiel établissant le lien de droit
existant entre elle et l'État français.
Malgré l'absence de pièces justificatives, madame soumet qu'elle a droit à
la délivrance et à l'obtention d'un passeport français, droit qu'elle tient
de ses ancêtres, vrais regnicoles et originaires françois, venus s'établir
en Nouvelle-France avec promesse formelle de Sa Majesté qu'eux et leurs
descendants conserveront à perpétuité la faculté de venir habiter en
France quand bon leur semblera et ce, sans être tenus de prendre aucunes
lettres de déclaration ni de naturalité.
Madame prend soin d'ajouter que les promesses formelles faites en ce sens par
Sa Majesté Très-Chrétienne à ses ancêtres étaient irrévocables et
imprescriptibles et obligent l'État français en vertu des principes de
succession d'État ou de mutation territoriale (1).
De plus, il importe de préciser que le traité de Paris de 1763, par lequel
le pays de ses ancêtres a été cédé à un souverain étranger, n'a
absolument rien changé à cet état de droit puisque Sa Majesté Louis XV ne
détenait aucune compétence, selon le droit constitutionnel du royaume, pour
céder légalement à un souverain étranger quelque partie que ce soit du
domaine public de sa couronne ni aucun peuple de son royaume sans avoir
préalablement obtenu de ce peuple son consentement par voie de consultation
populaire.
Madame reconnaît que le souverain étranger en cause, Sa Majesté
britannique, a peut-être obtenu, par la conclusion dudit traité, une forme
de souveraineté de fait sur le territoire de la Nouvelle-France mais que,
juridiquement, ce traité portait les germes de sa propre destruction parce
que mené à terme, de la part de la France, par un souverain inhabile en
droit à transiger sur des sujets nécessitant à la fois la participation des
États Généraux du royaume et le consentement de la population directement
concernée par le projet de cession territoriale.
Ainsi, le traité de Paris aurait tout au plus conféré une apparence de
légalité ou de légitimité en faveur du souverain cessionnaire en cause
mais n'a jamais pu rompre le lien tenu pour sacré et intangible issu du
contrat constitutionnel conclu entre Sa Majesté Très-Chrétienne et ses
sujets, français, établis en Nouvelle-France avec l'assurance que leurs
droits de naissance étaient inaliénables et imprescriptibles.
Plus précisément, la requérante soumet que les droits octroyés et garantis
à ses ancêtres n'ont pu être altérés par les stipulations apparaissant à
l'article IV du traité de Paris, droits lui ayant été transmis, entiers et
parfaits, à titre de droits de naissance, et ce, par la seule opération de
la loi.
LES ORIGINES FÉODALES DU CONTRAT CONSTITUTIONNEL
ENTRE LE ROI ET SES SUJETS
Le premier principe juridique à la base de la revendication de la requérante
est celui découlant du contrat bilatéral entre Sa Majesté et ses sujets
(2).
L'idée-force à l'origine de ce principe vient du droit féodal, droit ne
reconnaissant d'autre forme d'engagement personnel que celui découlant du
contrat de fief librement conclu entre le suzerain et son vassal.
Dans ce système, la foi personnelle de chacun constitue la composante
fondamentale de toute l'organisation politique. Par conséquent, personne, à
cette époque, ne pouvait même imaginer ni concevoir qu'un homme puisse être
tenu d'obéir à un autre s'il ne s'était préalablement engagé
personnellement à le faire.
Par la suite, des légistes, tant canoniques que romanistes, ont joué
d'influence pour faire glisser le concept de contrat ou d'engagement personnel
vers celui d'engagement collectif à l'endroit du souverain (3). Mais la
notion d'engagement contractuel est demeurée intacte. Et du contrat personnel
entre le suzerain et son vassal, on s'est transporté ou déplacé vers la
notion de contrat, bilatéral et constitutionnel, entre le roi et ses sujets.
L'obligation de loyauté et de fidélité participant de l'essence même de
cet engagement personnel et politique, la question de sa pérennité ou de son
éventuelle résolution allait se poser en des termes juridiques. Le contrat
étant tout à la fois de nature personnelle et synallagmatique, le droit
féodal n'a jamais reconnu qu'une volonté unilatérale de désengagement
pouvait y mettre fin (4).
À la manière du droit civil moderne, le droit féodal ne reconnaissait qu'un
concours de volontés pour y mettre un terme, ceci valant tant pour le roi que
pour ses sujets.
De cette conception légale de l'engagement personnel et politique est
apparue, dès le XIIIe siècle, celle de l'usage des consultations des
personnes concernées lorsqu'un seigneur, ou un prince, entendait céder ou
aliéner un fief ou territoire soumis à sa juridiction. Cette doctrine était
encore pleinement valide et absolument incontournable lors de la conclusion du
traité de Paris en 1763.
LE DROIT NATUREL AU SOUTIEN DE LA DIGNITÉ
DES COMMUNAUTÉS POLITIQUES
En France, la doctrine du plébiscite ou de la consultation populaire, d'abord
empruntée au droit naturel reconnu par l'ensemble des royautés, a été
assimilée et reconnue comme faisant partie de la constitution coutumière du
royaume. Pour ce qui en est de son application à la Nouvelle-France, rien
n'autorise à croire ni même à penser que cette constitution coutumière
n'ait eu les mêmes conséquences pour les sujets de Sa Majesté établis en
ces territoires avec la promesse formelle qu'eux et leurs descendants
continueraient d'y jouir pleinement de leurs droits de naissance.
En 1628, et dans le but de rassurer les candidats français désireux de venir
s'établir dans la colonie, le Conseil d'État, présidé par le cardinal de
Richelieu, faisait adopter l'ordonnance suivante :
XVII. Ordonnera Sa Majesté que les descendants des François qui
s'habitueront au dit pays, ensemble les sauvages qui seront amenés à la
connoissance de la foi et en feront profession, seront censés et réputés
naturels françois, et comme tels pourront venir habiter en France quand bon
leur semblera, et y acquérir, tester, succéder et accepter et donations et
légats, tout ainsi que les vrais regnicoles et originaires françois, sans
être tenus de prendre aucunes lettres de déclaration ni de naturalité. (5)
À l'époque de la création de la compagnie des Indes occidentales, Sa
Majesté Louis XIV faisait adopter, en 1664, une autre ordonnance dont les
effets recherchés étaient sensiblement les mêmes :
XXXIV. Et pour favoriser d'autant plus les habitants des dits concédés, et
porter nos sujets à s'y habituer, nous voulons que ceux qui passeront dans
les dits pays jouissent des mêmes libertés et franchises que s'ils étaient
demeurant en ce royaume, et que ceux qui naîtront d'eux et des sauvages
convertis à la foi catholique, apostolique et romaine soient censés et
réputés être regnicoles et naturels françois, et comme tels, capables de
toutes successions, dons, legs et autres dispositions, sans être obligés
d'obtenir aucunes lettres de naturalité [...] (6)
Ces ordonnances confirment, de façon on ne peut plus claire, la volonté de
garantir le maintien du lien contractuel entre Sa Majesté et ses sujets
établis, ou projetant de s'établir, en Nouvelle-France.
Ces ordonnances garantissent même que les descendants de ces Français seront
censés et réputés naturels français sans qu'ils soient tenus de requérir
des autorités administratives des lettres de naturalité.
Avec des droits de naissance aussi clairement affirmés et garantis par des
textes légaux stipulant sans réserve en faveur des descendants des habitants
français de la Nouvelle-France, dans quelle mesure Sa Majesté pouvait-elle
oublier ses promesses formelles ou se désengager de ses obligations légales
envers ses propres sujets, les céder à un autre souverain, et tenir pour
caducs leurs droits inaliénables de venir habiter en France quand bon leur
semblera, et ce, sans être tenus d'obtenir aucunes lettres de déclaration ni
de naturalité.
Selon la doctrine du plébiscite ou de la constitution populaire, reconnue en
France dès le XIIIe siècle, Sa Majesté ne pouvait résoudre le contrat
politique la liant à ses sujets que par l'obtention de leur consentement
librement exprimé en ce sens par voie de plébiscite ou de consultation
populaire.
DES PRÉCÉDENTS TIRÉS
DE L’HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE
De nombreux exemples peuvent être tirés de l'histoire politique et
constitutionnelle de la France qui témoignent de l'existence et de la
vitalité du processus de consultation populaire.
En 1251, lors du passage de la ville de Marseille sous juridiction des comtes
de Toulouse, la population a été appelée à exprimer son consentement par
voie de consultation populaire.
En 1285, lorsque le roi Philippe Le Bel a voulu céder la population de
Pamiers à Roger Bernard, comte de Foix, la population concernée par ce
projet de cession a aussi été appelée à y consentir par voie de
consultation populaire. Et lorsque ce même roi, Philippe Le Bel, céda ses
droits sur la Bretagne au roi d'Angleterre, mais sans consulter les principaux
intéressés, toute la noblesse de cette province s'insurgea, à la suite
d'Artus de Bretagne, alléguant que leur roi outrepassait ses droits et qu'il
n'était pas de sa compétence de les céder sans obtenir préalablement leur
consentement. (7)
Après le traité de Brétigny, conclu en octobre 1360, les vassaux du
Languedoc, du Rouergue, de la Saintonge, du Périgord, d'Armagnac et de
plusieurs autres provinces protestèrent vivement contre ces cessions
arbitraires et inconstitutionnelles de territoires, alléguant :
Combien que le roi les quitta de foi et d'hommage… disaient
les aucuns qu'il n'appartenait mie à luy à quitter et que par
droict il ne le pouvait faire. (
Au milieu du XIVe siècle, lorsque le Dauphiné fut réuni à la couronne de
France, une assemblée de prélats, de seigneurs et de notables a été
convoquée afin d'obtenir son consentement. Lorsque le roi d'Angleterre, Henry
V, réclama la cession du duché de Guyenne, en 1419, le Dauphin affirma être
inhabile en droit à y donner suite sans obtenir au préalable le consentement
de la population concernée. (9)
Une fois conclu le traité de Madrid, en 1525, lequel avait pour objet
principal la cession du Duché de Bourgogne en faveur de Charles-Quint, les
États Généraux de Bourgogne s'assemblèrent et adressèrent à François
Ier une remontrance lui signifiant qu'il n'était pas en son pouvoir de
préjudicier à ses sujets et vassaux du pays de Bourgogne I>en les mettant
hors de l'obéissance accoutumée de France. (10)
C'est ainsi que, le 20 décembre 1526, après consultation d'une assemblée de
notables, le Parlement de Paris cassa le traité de Madrid jugé contraire au
droit public de la monarchie française. (11)
La guerre reprit immédiatement avec Charles-Quint, mais un principe
fondamental du droit constitutionnel français avait été solennellement
confirmé et porté à la connaissance de la communauté internationale. Ce
principe, qui n'était pas propre au royaume de France, s'était étendu en
Europe au point d'être reçu comme règle de droit international public.
En 1868, le professeur Johann Gaspar Bluntschli, dans son projet de Droit
international codifié, a, quant à lui, synthétisé la règle sous l'article
286 :
Pour qu'une cession de territoire soit valable, il faut d'abord qu'elle soit
déclarée telle par les habitants du territoire cédé
qui sont en possession de leurs droits politiques. Cette reconnaissance ne
peut, dans quelques circonstances que ce
soit, être passée sous silence ni supprimée, car les populations ne sont
une chose sans droits et sans volonté dont on puisse
transmettre la propriété au premier venu. (12)
Le professeur Bluntschli a, à sa façon, lumineusement exprimé que, de la
réification civique ou politique des êtres humains, que le résultat soit
atteint par la force, la violence ou la menace, ne pouvait naître nul droit,
et qu'il était sans importance que le tyran ou l'usurpateur concerné fut
empereur d'Allemagne ou roi de Grande-Bretagne.
À la lumière d'une loi fondamentale à la fois si certaine et précise,
comment donc interpréter cette partie de l'article IV du traité de Paris, du
10 février 1763, conclu entre Sa Majesté britannique et Sa Majesté
Très-Chrétienne du royaume de France :
De plus, S.M. Très-Chrétienne céde & garantit à Sa Majesté
britannique, en toute propriété, le Canada [...] & généralement tout
ce qui dépend desdits pays, terres, îles et côtes, avec souveraineté,
propriété, possession & tous droits [...] que le Roi Très-Chrétien
& la Couronne de France ont eus jusqu'à présent sur lesdits pays, îles,
terres, lieux, côtes & leurs habitants. (13)
Il appert, à l'évidence même, que Sa Majesté Très-Chrétienne savait fort
bien qu'elle ne détenait aucune compétence légale pour céder ses propres
sujets comme s'ils avaient été des choses ou du bétail. Pour sa part, Sa
Majesté britannique, dont les ancêtres avaient connu dès la guerre de Cent
Ans les lois fondamentales du royaume de France, savait d'expérience que son
vis-à-vis français était inhabile en droit à céder légalement ses
propres sujets sans obtenir au préalable leur consentement.
Les deux souverains étaient, sans nul doute, conscients qu'ils contrevenaient
à une loi fondamentale et intangible du royaume de France ainsi qu'à l'ordre
public international, en transigeant, tels des esclavagistes, sur la
propriété d'êtres humains.
Ces seuls motifs suffisent à priver l'article IV du traité de Paris de toute
valeur juridique et à le laisser sans effet quant à la dite transmission de
la propriété des Canadiens à Sa Majesté britannique.
Et, conséquemment, la conclusion et la ratification du traité de Paris n'ont
jamais privé les Canadiens de leur statut de sujets français ni de leur
droit de naissance d'aller habiter en France, tels de vrais regnicoles et
originaires françois, sans être tenus de prendre aucunes lettres de
déclaration ni de naturalité. Et, qui plus est, l'article IV du traité de
Paris est sans aucune valeur juridique et inopposable aux descendants des
Canadiens pour un autre motif relevant spécifiquement du droit public
français.
L’INALIÉNABILITÉ ET L’IMPRESCRIPTIBILITÉ
DU DOMAINE DE LA COURONNE DE FRANCE
À la doctrine du plébiscite ou de la consultation populaire, s'ajoute celle
de l'inaliénabilité du domaine de la couronne en droit international. Cette
dernière, remontant elle aussi à l'époque du droit féodal, fut précisée
et imposée suite à l'influence des romanistes qui avaient retenu et
emprunté la distinction faite entre le domaine du peuple romain, qui était
inaliénable, et celui du domaine privé de l'empereur, domaine dont ce
dernier pouvait disposer à sa seule discrétion.
Ainsi, les rois de France, pressés par le peuple et influencés par les
romanistes, ont adopté une ligne de conduite qui s'est graduellement
transformée en loi fondamentale du royaume, loi que les rois étaient tenus
de respecter et qu'il n'était pas en leur pouvoir d'ignorer ni de changer,
sauf du consentement des États Généraux. De nombreux faits historiques
attestent de l'existence, de la précision et de la contraignabilité de cette
loi fondamentale. (14)
La cession de territoires comprenant des fiefs était, au Moyen-Âge, une
entreprise risquée et délicate car le processus pouvait remettre en cause un
principe fondamental propre à l'organisation féodale, c'est-à-dire celui du
lien voulu, librement accepté et publiquement exprimé entre le vassal et son
suzerain. Ainsi, le fait de remettre en cause le principe de l'engagement
personnel risquait de saper, en son essence, une organisation politique où
régnait en maître un concept fondamental qui rattachait tout engagement ou
toute sujétion à la foi personnelle de chacun. Ce principe s'appliquait tant
à l'intérieur qu'à l'extérieur du royaume de France. S'il devait se
produire une nécessité inéluctable telle la perte d'une guerre contre un
souverain étranger, disposé et capable d'imposer sa volonté par la force
des armes, le roi de France demeurait tout de même inhabile en droit à
céder quelque territoire ou partie de territoire sans la participation du
pouvoir constituant du royaume, c'est-à-dire sans obtenir le consentement des
États Généraux. Cette règle du droit constitutionnel français était
notoirement connue dans l'ensemble des chancelleries européennes.
Ainsi, au début du XIVe siècle, avant que n'éclate la guerre de Cent Ans,
Pierre de Cugnières, juriste au service de Philippe VI de Valois, soutient,
devant une assemblée de prélats et de barons réunis à Vincennes, que le
roi de France est impuissant à aliéner les prérogatives de la couronne au
motif qu'elles ne sont pas sa propriété. Le roi non seulement ne peut les
aliéner, mais encore il est tenu de poursuivre la révocation de celles
déjà cédées en contravention de la loi. Ce juriste expose, à sa manière,
la double théorie de l'imprescriptibilité et de l'inaliénabilité des
droits et prérogatives de la couronne. Il précise que les pouvoirs ou
compétences du roi sont constitutionnellement limités, ajoutant que ce
dernier se trouve, en vertu des lois fondamentales du royaume, dans l'heureuse
impuissance de s'amoindrir lui-même. (15)
Vers la même époque, la guerre de Cent Ans crée de nombreuses occasions de
voir à l'œuvre l'application du principe de l'inaliénabilité des mouvances
et du domaine de la couronne.
Le traité de Londres (mars 1359) et celui de Brétigny (octobre 1360)
fournissent aux vassaux et bourgeois de plusieurs régions l'occasion de se
révolter, créant ainsi un véritable climat de guerre civile, lorsque Jean
II Le Bon de France s'est mis à céder des territoires à Edouard III
d'Angleterre. Le chroniqueur Jean Froissart en fait état avec les raisons
suivantes : Combien que le roy les quitta de foy et d'hommage… disoient les
aulcuns qu'il n'appartenait mye à luy à quitter et que par droict il ne
pouvait faire.
Vers la fin du XIVe siècle, la même conviction est exprimée dans le traité
intitulé Le Songe du Vergier. Son auteur y affirme que le principe de
l'inaliénabilité des droits essentiels de la couronne constitue une loi
fondamentale du royaume de France:
"De rechief au roy appartient la souveraineté et le dernier ressort en tout
son royaume, et entant qu'il ne pourroit mye cette souveraineté donner,
transporter ou aultrement aliéner, ne si n'y peut aulcunement renoncer, car
cette souveraineté et dernier ressort, si sont si fort et par telle manière
conjoincts et annexés à la couronne, qu'ils ne peuvent de luy estre
séparés […] et pour ce disent les docteurs en droit canon Hortiense et
Jehan André… que se aulcun seigneur veult mettresa terre et ses hommes en
la subjection d'aulcun autre seigneur, ses hommes se peuvent opposer et
contredire, car c'est le prouffit des sujets de non changer de seigneur quand
ils l'ont bon et agréable". (16)
Au cours de ce même siècle, suite aux prétentions dynastiques revendiquées
par Edouard III d'Angleterre, le comte Robert III d'Artois affirme que la
couronne de France n'a pas de caractère patrimonial et que, en ce sens, aucun
roi n'a la capacité d'en disposer à sa convenance : La couronne de France
n'est pas un bien patrimoine (sic), nos princes n'en peuvent disposer, ils
n'en ont que la jouissance, et personne ne la peut avoir que celui qui est
appelé par les lois fondamentales. (17)
Au début du XVe siècle, Jean de Terre Rouge, juriste lui aussi, énonce que
la couronne de France n'est en aucune manière la propriété du roi, mais un
fidéicommis dévolu à l'aîné de la maison royale, fidéicommis réglé
uniquement par la force de la coutume et que nulle loi ni volonté souveraine
ne peut modifier. (1
La couronne de France, ni héréditaire ni testamentaire, est transmise
légalement à un successeur identifié par la constitution coutumière du
royaume. Cette couronne est inaliénable et il n'existe aucune autre manière
de la transmettre. Vers la fin du même siècle, Philippe Pot, grand
sénéchal de Bourgogne et diplomate, trouve la formule heureuse qui
synthétise en quelques mots l'essence même de la royauté française : La
Royauté française est la dignité et non la propriété du prince. (19)
Son interprétation fait que cette dignité, loin d'être patrimoniale, est
assimilée à une magistrature d'essence politique qui tire son origine de la
souveraineté du peuple lui-même. La royauté française est donc la chose du
peuple. De par son essence même, elle ne peut qu'être inaliénable et
imprescriptible.
LA CAPTIVITÉ DE FRANÇOIS Ier
ET LE TRAITÉ DE MADRID
La captivité de François 1er aux mains de Charles-Quint, en 1525, et les
conférences préliminaires à la conclusion du traité de Madrid vont
permettre de mettre à l'épreuve le dynamisme, la vigueur et la précision
des lois fondamentales du royaume. En novembre 1525, le roi, gardé prisonnier
et désespérant de recouvrer un jour sa liberté, se résout à requérir que
le Dauphin, son fils aîné, soit couronné et sacré roi de France.
Or, les lois fondamentales du royaume font obstacle à la réalisation de
cette entreprise.
François 1er n'est pas roi par sa volonté ni celle de qui que ce soit, mais
par la seule force de la coutume constitutionnelle du royaume, ce qui fait
qu'il ne dispose pas de sa personne ni ne détient le droit d'abdiquer sa
couronne, et ce, même en faveur de son fils aîné, le Dauphin. (20)
Pour qu'un tel acte puisse se produire légalement, le concours du pouvoir
constituant est absolument nécessaire. Alors, le roi fait parvenir
secrètement à la Régente, Louise de Savoie, un édit par lequel il lui
demande de convoquer les États généraux de tous les pays du royaume pour
obtenir leur avis, conseil et, surtout, leur consentement.
Un autre aspect légal fort important ressort de la conclusion du traité de
Madrid, soit celui de la cession du duché de Bourgogne en faveur de
Charles-Quint. François 1er, la Régente Louise de Savoie et les conseillers
du roi tentent de faire échec au projet des ravisseurs en leur opposant la
doctrine constitutionnelle de l'inaliénabilité du domaine de la couronne.
Tel que mentionné plus haut, le roi de France est, en vertu de cette
doctrine, totalement inhabile en droit à céder quelque partie que ce soit du
domaine de la couronne.
Cette doctrine du droit constitutionnel français est universellement connue
des chancelleries européennes. L'Angleterre et l'Espagne ont appris, à
l'expérience, les contraintes inhérentes au droit constitutionnel français.
En traitant de la cession ou de l'aliénation d'une partie du domaine de la
couronne, elles sont au fait qu'elles en traitent avec des incapables, puisque
les rois de France ne sont que les administrateurs et dépositaires d'une
couronne qui leur a été dévolue par le seul commandement de la loi.
Par exemple, lorsqu'elle négocie avec le gouvernement anglais en vue de la
conclusion du traité de Moor (30 août 1525), la Régente Louise de Savoie
fait transmettre au chancelier Wolsey, par l'entremise de ses
plénipotentiaires, les exhortations suivantes:
Au demeurant direz audit seigneur cardinal [Wolsey] quant aux comtés de
Bourgogne, Guigne, avec la ville d'Ardes, ce que je vous ai dit précédemment
à votre partement, c'est assavoir que s'il est question de bailler terre si
petite fût-elle, que Monseigneur et fils [François Ier] n'y vouldrait
aulcunement entendre, tant pour la conservation de son serrement que pour ne
déplaire à ses sujets, que pour éviter les inconvénients advenir ; et pour
ainsi quant à cela, n'entrez en aucune disputacion; ains, si ne volait
arrêter, retournez devers moi. (21)
Au cours des conférences préliminaires de Tolède tenues en prévision de la
conclusion du traité de Madrid, cette situation particulière à la couronne
française aurait été exposée une vingtaine de fois aux plénipotentiaires
espagnols de Charles-Quint. Les Anglais, pour leur part, craignant
l'exécution d'un tel traité, auront la précaution de transmettre
préventivement au gouvernement français une note diplomatique à l'effet
qu'une partie quelconque du territoire du royaume [de France] ne pouvait être
préalablement cédée, sans que les Parlements, la Chambre des Comptes, les
États généraux donnassent leur libre consentement, ce qu'ils ne feraient
point. (22)
Le contenu de cette note indique clairement que les autorités anglaises non
seulement connaissaient bien les lois constitutionnelles françaises, mais
aussi qu'elles en craignaient les effets sur le plan international.
Toujours dans le cadre de la préparation du traité de Madrid et en
prévision de la cession du duché de Bourgogne, la doctrine ci-haut exposée
relative au consentement populaire inquiète beaucoup les plénipotentiaires
de Charles-Quint. Ces derniers essaient de contourner la rigueur de cet
obstacle juridique en concevant, à l'article IV, une clause selon laquelle
les vassaux et sujets français seraient exonérés de leur obligation de
fidélité à l'endroit de leur souverain :
… ledit seigneur roi très-chrétien [François Ier] sera tenu de consentir
et déclarer en forme deüe et suffisante que les
vassaux et subjects desdites duchés et autres pièces avantdites soient et
demeurent quites et absous perpétuellement et à
tousjours de foy, hommage, service et serment de fidélité, qu'ils et chacun
d'eux pourraient avoir fait audit seigneur roi
très-chrétien et à sesdits prédécesseurs, pour raison de ladite duché et
pièces avantdites […] déclarant lesdits foy, hommage,
service et serment de fidélité devoir demeurer nuls et de nulle valeur, tout
ainsi que si jamais n'eussent esté faits et prestez. (23)
François 1er pouvait certainement offrir officiellement à ses vassaux et
sujets de les libérer de leurs obligations légales à son endroit, mais il
ne s'agissait là que d'une partie de la solution recherchée puisque le roi
était absolument impuissant à les obliger à porter vers un autre souverain
leurs foy, hommage et fidélité. Si telle était leur intention, il leur
appartenait de le faire savoir à leur souverain de façon telle qu'aucune
ambiguïté ni contestation ne pusse en résulter.
L'épisode du traité de Madrid aura été, dans l'histoire de la vie
constitutionnelle française, la première occasion de tester, dans une forme
relativement moderne, la vigueur et la force des lois fondamentales du royaume
sur le plan international.
Plus tard, les avatars entourant la conclusion du traité d'Utrecht
permettront, une fois de plus, de mettre à l'épreuve la solidité et la
maturité de ces mêmes règles face à un adversaire bien déterminé à
imposer ses propres règles, et ce, même au détriment de celles d'une
puissance étrangère.
Les conférences préliminaires à la conclusion du traité d'Utrecht entre la
France et l'Angleterre ont constitué le plus dur moment de mise à l'épreuve
des lois constitutionnelles du royaume de France. Suite au décès, insolite,
de trois Dauphins en moins d'une année, soit entre le 14 avril 1711 et le 8
mars 1712, le gouvernement anglais, fort alarmé d'une éventuelle réunion
des couronnes de France et d'Espagne sous une même tête, exige, d'une part,
une renonciation formelle du duc d'Anjou [devenu Philippe V d'Espagne] à la
couronne de France et, d'autre part, une semblable renonciation de la part des
ducs de Berry et d'Orléans à leurs droits éventuels sur la succession de la
couronne d'Espagne.
Pour se conformer aux exigences de l'Angleterre, le défi à relever, pour les
plénipotentiaires français, est considérable puisqu'ils devaient soit
ignorer soit contourner arbitrairement les lois de la succession à la
couronne, lois jugées fondamentales et intangibles par la totalité, ou
presque, des juristes français. Le marquis de Torcy et ses plénipotentiaires
s'épuisent, sans le moindre succès, à faire entendre aux plénipotentiaires
anglais la contradiction flagrante de leurs exigences à l'égard des lois
fondamentales du royaume et la nullité manifeste des actes de renonciation
envisagés.
Dans une lettre du 28 mars 1712 adressée au vicomte de Bolingbroke, le
marquis de Torcy expose :
Ce serait un bien de pouvoir mettre en usage l'expédient que vous proposez
pour empescher à jamais le grand inconvénient de l'union des couronnes de
France et d'Espagne. Mais il ne faut pas dans ces occasions bâtir sur du
sable et prendre inutilement bien des précautions pour asseurer des actes qui
d'eux-même seraient nuls.
En voulant éviter un mal on tomberait en d'autres beaucoup plus dangereux
[…] Il [le roi de France] n'est redevable de sa couronne ni au testament de
son prédécesseur ni à aucun Édit ni à aucun décret ni enfin à la
libéralité de sa personne, mais à la loy. Cette loi est regardée comme
l'ouvrage de celuy qui a estably toutes les monarchies, et nous sommes
persuadés en France que Dieu seul la peut abolir. (24)
L'Angleterre, sûre de sa puissance militaire, ne veut absolument rien
négocier sans obtenir, au préalable, les renonciations exigées des ducs
d'Anjou, de Berry et d'Orléans. En réponse à la lettre précédente, le
vicomte de Bolingbroke, secrétaire d'État et responsable des négociations
de paix, démontre amplement que son gouvernement est tout à fait résolu à
faire peu de cas des contraintes inhérentes au droit constitutionnel
français afin d'obtenir les renonciations exigées :
Nous voulons bien croire que vous êtes persuadés en France que Dieu seul
peut abolir la Loy sur laquelle le droit de votre succession est fondé ; mais
vous nous permettrez d'être persuadés dans la Grande-Bretagne qu'un prince
peut se départir de son droit par une cession volontaire, et que celuy en
faveur de qui cette renonciation se fait, peut être justement soutenu dans
ses prétentions par les Puissances qui deviennent garantes du Traitté. […]
la reine ne consentira jamais à continuer les négociationsde paix à moins
que l'expédient qu'elle a proposé ne soit accepté ou quelque autre
également solide. (25)
La réplique du vicomte de Bolingbroke démontre que la volonté de son
gouvernement est irrémédiablement fixée et qu'elle ne changera plus. La
renonciation des princes français est présentée, d'une façon on ne peut
plus claire, comme la condition incontournable à la poursuite des
conférences de la paix.
Le droit constitutionnel français, jugé intangible depuis des siècles, doit
s'incliner humblement devant le droit anglais, sans quoi c'est
vraisemblablement la reprise des hostilités, ce que le peuple français n'est
plus en mesure de supporter.
En 1712, après plus de douze ans de luttes défensives contre une coalition
formée de huit puissances, le peuple français, exténué tout à la fois par
les pertes militaires, les famines et la maladie, n'est plus en mesure de
résister à tant de malheurs. Quant au trésor public, il est à l'image du
délabrement de tout le pays. Le roi, le peuple et le pays sont acculés à la
ruine. Refuser de se soumettre aux conditions préalables exigées par
l'Angleterre ne pourrait qu'ajouter, à une ruine déjà si éprouvante, le
désastre d'une occupation militaire et d'un possible démembrement du
royaume. La France fait donc acte d'humilité et se soumet à la volonté de
l'Angleterre, son plus tenace adversaire.
UN TUMULTE D’INDIGNATION AUTOUR
DE L’ENREGISTREMENT DU TRAITÉ D’UTRECHT
Les formalités accompagnant l'enregistrement du traité d'Utrecht, le 15 mars
1713, donnent clairement à entendre que les conditions du traité constituent
une tragédie nationale. Les renonciations des ducs d'Anjou [Philippe V
d'Espagne], de Berry et d'Orléans, les lettres patentes d'approbation du roi
et les conclusions écrites du procureur général sont enregistrées au cours
d'une séance solennelle du Parlement de Paris convoqué pour ce faire.
Tous les juristes du royaume sont pourtant unanimes à déclarer que les
renonciations des ducs sont absolument nulles parce que contraires aux lois
fondamentales de succession au trône. Le chancelier de Pontchartrain
désapprouve tellement l'illégalité des renonciations qu'il fait défaut de
paraître personnellement à la cérémonie. (26) Le procureur général
d'Arguesseau est si convaincu de l'illégalité du procédé qu'il se fait
représenter par l'un de ses avocat généraux. (27)
Le premier président du Parlement de Paris, le comte Jean-Antoine de Mesnes,
présente une allocution officielle dans laquelle il réitère que les
renonciations des ducs sont contraires aux lois fondamentales du royaume.
(2 Le doyen des
conseillers laïques de la Grand'Chambre, le Nain, donne quand même lecture
des renonciations, des lettres patentes et des conclusions écrites du
procureur général où il est affirmé que c'est au salut du peuple qu'il
faut sacrifier les lois fondamentales du royaume.
Après quoi, le premier président de Mesnes reprend la parole et fait, de
consentement du roi, des mises au point fort étonnantes :
Qu'il ne pouvoit se dispenser de rendre compte à la Cour de ce que le Roy luy
avoit fait l'honneur de luy dire au sujet de la résolution qu'il avoit prise
d'autoriser la renonciation du Roy d'Espagne par les lettres patentes dont on
venoit de faire la lecture. Que lorsque le Roy avoit bien voulu lui faire part
de cette résolution, il avoit cru que le devoir de sa charge l'obligeoit de
prendre la liberté de représenter à Sa Majesté qu'une telle renonciation
étoit absolument opposée aux lois fondamentales de l'Estat qui, depuis tant
de siècles, règlent si heureusement l'ordre de la succession à la couronne.
Que le Roy luy avoit fait l'honneur de luy répondre que personne n'avoit
mieux senti que luy tout ce que l'on pouvoit dire et penser sur ce sujet.
(29)
Quoi de plus insolite et déconcertant que d'entendre de la bouche du premier
président de la plus haute cour de justice du royaume que seule la force vive
d'un adversaire intransigeant avait contraint le roi à porter atteinte aux
lois fondamentales du royaume pour sauver le peuple du pire des désastres
qu'il pouvait encore subir aux mains des puissances coalisées.
Les lois fondamentales du royaume avaient été gravement violées, et d'une
seule voix, la nation entière s'était élevée contre des conditions
humiliantes qui lui étaient imposées de vive force par un adversaire trop
sûr de sa puissance militaire. Mais ce n'est pas assez! Les lois
fondamentales et intangibles du royaume seront, dans une autre circonstance,
violées, mais, cette fois, aucune protestation ne viendra de la nation. Il
s'agit de la ratification du traité de Paris de 1763.
LE SILENCE AUTOUR
DU TRAITÉ DE PARIS DE 1763
La ratification du traité de Paris entre la France et l'Angleterre soulève
d'emblée, comme à Utrecht, plusieurs questions relatives aux prérogatives
du roi, dont celle de conclure des ententes avec des puissances
internationales. Le roi est, en principe, la seule autorité du royaume à
pouvoir conclure des traités avec des puissances étrangères. Par contre, sa
capacité légale à conclure des ententes valides est rigoureusement
balisée, sinon restreinte, par les lois fondamentales du royaume. De telle
sorte que conclure une entente avec le roi de France constitue une entreprise
tout aussi risquée que de conclure, en droit privé, un contrat avec un
mineur ou une personne assujettie à un régime de protection légale.
Voici, par exemple, la partie de l'article IV du traité de Paris où
plusieurs aspects légaux mettent nettement en cause la capacité du roi à
s'engager validement à l'endroit de son vis-à-vis anglais :
De plus S. M. Très-Chrétienne [Louis XV] céde & garantit à Sadite
Majefté Britannique [George III], en toute propriété, le Canada, avec
toutes fes dépendances, ainfi que l'isle du Cap-Breton, & toutes les
autres isles & côtes dans le golfe & fleuve Saint-Laurent, &
généralement tout ce qui dépend desdits pays, terres, isles & côtes,
avec la fouveraineté, propriété, poffeffion & tous droits acquis par
Traités ou autrement, que le roi Très-Chrétien & la Couronne de France
ont eus jusqu'à préfent fur lesdits pays, isles, terres, lieux, côtes &
leurs habitans; ainfi que le Roi Très-Chrétien céde & transporte le
tout audit Roi & à la Couronne de Grande-Bretagne, & cela de la
maniere & dans la forme la plus ample, fans reftriction, & fans qu'il
soit libre de revenir, fous aucun prétexte, contre cette ceffion et garantie,
ni de troubler la Grande-Bretagne dans les poffeffions fus-mentionnées. (30)
Sa Majesté Très-Chrétienne [Louis XV] peut fort bien avoir eu l'intention
de céder, en toute propriété, le Canada et ses dépendances, l'île du
Cap-Breton, les îles du golfe et du fleuve St-Laurent mais, comme à Utrecht,
la question essentielle demeure celle de savoir s'il possédait la capacité
légale pour ce faire. La réponse est aussi claire qu'elle l'était en 1713,
puisque encore une fois, les lois fondamentales du royaume ont été violées.
Depuis le XIVe siècle, les lois fondamentales du royaume tenaient le roi pour
incapable d'aliéner, sous quelque forme que ce soit, aucun droit de
souveraineté, aucun territoire, ni même une fraction du domaine public. Et
ces lois fondamentales, cela a été explicité, étaient connues des
souverains étrangers. Ainsi, en traitant avec le roi de France d'une cession
ou d'une aliénation de quelque parcelle que ce soit du domaine public, ces
souverains étrangers savaient qu'ils concouraient à la création d'une
entente portant en elle-même les germes de sa propre destruction.
Si la cession de territoires prévue au traité de Paris pouvait avoir, en
droit international, quelque valeur dans la mesure où George III pouvait se
croire autorisé à exercer une souveraineté de fait, et non de droit, cette
cession n'avait certainement pas la même valeur en droit public français.
Que Louis XV ait pu consentir à céder formellement ces territoires sous la
force vive des événements, il n'en demeure pas moins fondamental que ce
consentement n'avait absolument aucune valeur contraignante en droit
français. Le domaine public français étant tout à la fois inaliénable et
imprescriptible, la question de la souveraineté de droit sur les territoires
cédés arbitrairement et sous l'effet de la contrainte est forcément
demeurée ouverte depuis la conclusion du traité en 1763.
Enfin, ce n'est certainement pas le seul écoulement du temps, à lui seul,
qui a pu transformer la souveraineté de fait d'un usurpateur en souveraineté
de droit.
Sa Majesté Très-Chrétienne [Louis XV] n'e s'en est pas uniquement tenue à
céder ces territoires avec pleine propriété et souveraineté, mais elle y a
inclus également les habitants. Et voilà, qu'une fois de plus, Sa Majesté
Très-Chrétienne a outrepassé ses compétences légales en cédant
unilatéralement ses propres sujets sans avoir obtenu leur consentement
préalable. Tant le droit public européen de l'époque que les lois
fondamentales du royaume de France prohibaient tout trafic de populations.
L'histoire de France est, depuis le XIIIe siècle, pleine d'exemples de
tentatives de cessions unilatérales et arbitraires de vassaux et de sujets.
C'est en vertu de principes tenant leur origine du lointain droit féodal et
qui tenait pour bilatéral le contrat entre le suzerain et ses vassaux et
sujets que la dissolution du lien entre le roi et ses sujets ne pouvait se
réaliser de façon unilatérale. Donc, la seule façon légale de céder ses
sujets à un souverain étranger consistait à obtenir leur consentement, et
ce, afin que soit dissout le lien de droit issu du contrat librement conclu
entre le roi et ses sujets. Ce consentement n'ayant jamais été obtenu ni
même demandé aux sujets de Nouvelle-France, force est de conclure que leurs
descendants sont demeurés Français, et que ceux d'aujourd'hui le sont
encore. Ces sujets n'ont absolument jamais souhaité devoir allégeance au
souverain de Grande-Bretagne. En 1867, ils se sont fait imposer, par la force
du nombre, une constitution fédérale dont ils ne voulaient pas. Pendant
près de quatre siècles, loin d'oublier ou de se détacher de leurs origines,
ils ont œuvré sans relâche à parfaire, en terre d'Amérique, une manière
différente d'être authentiquement Français. |
Je suis français! Je suis tellement content de cette nouvelle que je l'envoye
partout, même ici sur Genaisse. Sur tout les forums que je connaît!
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