Prométhée
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Posté le: Dim Avr 15, 2007 11:25 am Sujet du message: A la brune.
Des vanités démodées gerbe son mégot.
Autour d'un verre pétille la graisse éthique,
De sa bouche dégouline l'orge éthylique.
De vieilles règles d'or fait mousser son égo.
Ses doigts tripotent la turgescence écumeuse
De sa blonde pression qui gonfle sa passion.
Ma moue râle de sa morale de mignon,
de sa cuvée orale à la pensée poreuse.
Dans la rue pavé noir s'écoule sa carcasse.
Il pense à sa panse, réfléchir où vider.
Sous la lune, mes cieux, il écroule sa masse,
Et larmoie, pauvre marc, prières fermentées.
Je récolte désinvolte de mes mains moites
Cette liqueur brune sur ma bouche miroite.
(je n'avais pas fait ce poème en alexandrin à la base. Grosses difficultés
pour le transformer, de là certaines césures mauvaises, à mon humble avis.
Pas de faute au 1er et 4ième vers, d'ailleurs, je sais pas si c'est faisable.
Pas de faute de majuscule non plus à 'marc' , enfin, 2ième
vers de la 2ième strophe naïf mais essentiel.)
Dernière édition par Prométhée le Dim Avr 15, 2007 16:49 pm; édité 1 fois
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Prométhée
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Posté le: Dim Avr 15, 2007 11:38 am Sujet du message:
J'aimerais savoir si il y a une faute au 4ième vers, ce n'est pas un
alexandrin, non? (avec vieille... je l'ai décomposé ainsi vieil/le, n'est-ce
pas vi/eil/le?)
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Mandos
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Posté le: Dim Avr 15, 2007 12:19 pm Sujet du message:
Non non, pas de faute. On n'est pas obligé de faire la diérèse.
Par contre, il est vrai que tes césures sont parfois un peu trop exotiques à
mon goût
Sinon, que dire ? L'ensemble baigne dans une atmosphère organique crasseuse
plutôt sympa, avec tout de même, çà et là, des fanfreluches de pensée un
peu irritantes, notamment dans la deuxième strophe. Et puis, toujours ces
homonymies et paronomases que j'ai du mal à goûter.
Ah oui, surveille ton dernier vers, il a tendance à avoir une syllabe de trop
^^
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Méphistophélès
Suprème actif
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Posté le: Dim Avr 15, 2007 12:53 pm Sujet du message:
L'analyse poétique ce n'est pas mon truc, je ne pourrais pas répondre à ta
question sur le compte des syllabes, Prométhée. Par contre, quelques
commentaires sur ton texte.
__________________
Première remarque, sur un plan purement formel, ce poème est compliqué.
Procédons par ordre:
* Le vocabulaire est dense, recherché, voir scientifique; si bien que tu
m'as forcé à recherche la signification du mot "turgescence". Cependant, la
confusion tient moins du vocabulaire utilisé que de son emploi. Je note au
moins trois néologismes:
Citation: | Des
vanités démodées gerbe son mégot. |
"Gerbe" n'est pas un verbe, c'est un nom.
Citation: | Autours d'un verre pétille la graisse
éthique |
"Ethique" n'est pas non plus un adjectif, c'est encore un nom.
Citation: | Ses
doigts tripotent la turgescence écumeuse |
Une turgescence est un élément abstrait, ne pouvait être affectée par une
action concrète, "tripotent".
Il s'agit là, je pense, d'éléments volontaires. A noter l'abondance des
adjectifs qualificatifs, accentuant la complexité de l'ensemble.
* La syntaxe est complexe, il y a de nombreuse déstructurations:
Citation: | Des
vanités démodées gerbe son mégot. |
Sur ce vers encore une fois, la phrase neutre devrait donner: "son mégot
gerbe des vanités démodées". C'est une anastrophe.
Citation: | Je
récolte désinvolte de mes mains moites
Cette liqueur brune qui sur ma bouche miroite.
|
Ici en revanche, la phrase est incorrecte grammaticalement, il manque un "qui"
(je l'ai rajouté en rouge dans la citation). En effet, le premier vers est
une proposition subordonnée, elle doit nécessairement être rattachée à
une principale "cette liqueur brune", qui elle-même est rattachée
exclusivement à une autre subordonnée; d'où l'incohérence syntaxique.
Encore une fois il y a anastrophe.
* Dernier point, je note au moins une faute d'orthographe ("autour") ainsi
qu'une faute de conjugaison ( « De vieilles
règles d'or (sujet) font (verbe)
mousser son égo. » )
______________________
Abordons le texte d'un point de vue stylistique à présent:
* L'on retrouve encore ici, l'idée d'une écriture amphigourique par
l'usage d'anacoluthes:
Citation: | Et
larmoie, pauvre marc, prières fermentées. |
Citation: | Sous la lune, mes cieux, il
écroule sa masse |
Il s'agit là d'une anacoluthe, ou bien, c'est au choix, d'une énumération;
auquel cas nous aurions "sous la lune, sous (mis en ellipse) mes cieux [...]".
Cette phrase peut donc être comprise de deux façons différentes: on parle
d'amphibologie.
Il y a aussi cette très jolie antanaclase (emploie de deux homophones dont le
sens diffère), accentuant encore la confusion et l'ambiguïté de
l'ensemble:
Citation: | Il
pense à sa panse |
* Impression de confusion néanmoins pondérée par un certain élan donné
par l'utilisation de répétitions diverses:
Citation: | De
sa bouche dégouline l'orge éthylique.
De vieilles règles d'or fait mousser son égo. |
Ici une anaphore.
Citation: | Ma
moue râle de sa morale de mignon,
de sa cuvée orale à la pensée poreuse. |
Ici on peut parler au choix d'énumération, d'hypozeuxe, de parallélisme ou
même de gradation; car il y a à la fois répétition, continuité, effet de
surenchère, et mimétisme dans la construction syntaxique des deux vers.
Un élan également présent dans les sonorités, par de nombreux effets de
résonance:
Citation: | De
sa blonde pression qui gonfle sa passion. |
Il s'agit, comme l'a fait remarqué Mandos, de paronomases.
Citation: | Autours d'un verre pétille la graisse éthique,
De sa bouche dégouline l'orge éthylique |
Au final, c'est un poème travaillé, nécessitant beaucoup d'attention de la
part du lecteur, mais qui n'est pas exempt cependant de quelques petites
maladresses.
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Prométhée
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Posté le: Dim Avr 15, 2007 16:29 pm Sujet du message:
Tout d'abord, je tiens à vous remercier tous les deux pour votre critique.
Je vais commencer dans l'ordre.
Mandos:
'Par contre, il est vrai que tes césures sont parfois un peu trop exotiques
à mon goût '
Non seulement exotiques, mais je n'en suis pas forcément fier (la difficulté
de transposition en alexandrin est immense, surtout lorsqu'on veut conserver
ses figures de style).
'avec tout de même, çà et là, des fanfreluches de pensée un peu
irritantes,'
Je sais que tu n'aimes pas trop ça...
'Ah oui, surveille ton dernier vers, il a tendance à avoir une syllabe de
trop'
Ok. Merci.
Méphistophélès.
Comme d'habitude, j'adore tes critiques (très instructives).
'"Gerbe" n'est pas un verbe, c'est un nom. '
Gerbe est aussi un verbe, qui populairement veut dire 'vomir'.
'"Ethique" n'est pas non plus un adjectif, c'est encore un nom. '
Là, j'avoue que j'avais pas pensé au double nom, mais je n'allais pas
enlevé ma 'Grèce Antique' (qui s'allie à merveille avec règles d'or).
'Une turgescence est un élément abstrait, ne pouvait être affectée par une
action concrète, "tripotent". '
Là, c'est fait exprès. Je me demande si l'on peut appeler celà un 'zeugme',
même si il n'y a pas de mot lien?
Et j'ajouterais que ce duo voulait juste dire 'mousse' (qui gonfle), et donc
qu'on peut appeler celà une métaphore.
'il manque un "qui"'
C'est un grand problème. J'ai l'impression qu'un 'qui' nuit totalement à la
chute. J'ai préféré laisser l'incohérence.
Pour l'orthographe, je suis confus.
'ainsi qu'une faute de conjugaison '
Avec le verbe 'gerber', j'ai voulu ne pas faire du premier vers un paradoxe,
j'ai donc mis dans le quatrième vers la même structure. A lire donc: Son ego
fait mousser de vieilles règles d'or. Je ne suis pas très convaincu de ce
vers, mais je voulais de la forme.
'L'on retrouve encore ici, l'idée d'une écriture amphigourique par l'usage
d'anacoluthes: '
Je ne connaissais aucun de ces deux mots, merci!
Effectivement, c'est une forme elliptique.
'paronomases.'
Je cherchais ce mot. J'avais paronyme, mais c'est pour une lettre.
' mais qui n'est pas exempt cependant de quelques petites maladresses.'
Je suis loin d'être un grand poète...(Et c'est un euphémisme...)
Merci à tous les deux!
Dernière édition par Prométhée le Dim Avr 15, 2007 17:17 pm; édité 1 fois
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Prométhée
Actif
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Posté le: Dim Avr 15, 2007 16:48 pm Sujet du message:
Et merci de dire que 'ce n'est pas de la petite bière'... (désolé, je n'ai
pas pu m'en empécher).
Vous vous doutez que 'A la brune' est un 'santé à la bière!' ou encore un
'au crépuscule'...
De là les nombreux jeux avec l'alcool (marc, liqueur, orge,...), de là les
jeux avec la morale (crépuscule d'une morale dominante-plus de Grèce
antique). Pauvre histoire d'un pauvre pilier de bar.
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abd
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Posté le: Dim Avr 15, 2007 17:39 pm Sujet du message:
le titre est réussi.
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Méphistophélès
Suprème actif
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Posté le: Dim Avr 15, 2007 17:52 pm Sujet du message:
Citation: | 'Une turgescence est un élément abstrait, ne pouvait être
affectée par une action concrète, "tripotent". '
Là, c'est fait exprès. Je me demande si l'on peut appeler celà un 'zeugme',
même si il n'y a pas de mot lien? |
Non ce n'est pas exactement un zeugma: le zeugma est l'association syntaxique
ou sémantique d'éléments totalement différents. Par exemple: "il ouvre la
porte et son coeur" ("ouvrir la porte" est correct, "ouvrir son coeur" est
correct, mais l'association des deux aboutit à un zeugma).
En fait il s'agit ici plutôt d'une allégorie puisque tu as pris un élément
abstrait (la turgescence) et que tu lui a donné une forme concrète (elle
peut être touchée). Je suis bien conscient que ce procédé était
volontaire chez toi, je me contentais de le mettre en évidence: c'est plutôt
bien vu je trouve.
En ce qui concerne le verbe "gerber" je n'y avais pas pensé - bouh, honte à
moi - en revanche utiliser "éthique" comme adjectif est tout à fait
défendable: bien des auteurs s'amusent avec les néologismes (mots inventés
ou détournés); le tout est d'avoir conscience que ç'en est un.
L'emploi du verbe "faire" à la troisième personnes du singulier, se
rattachant donc à "l'ego" est tout à fait correct à condition de troquer le
point par une virgule, ou un point virgule:
Citation: | De
sa bouche dégouline l'orge éthylique;
De vieilles règles d'or fait mousser son égo. |
Bien maintenant, place au lexique:
Amphigourique (du nom amphigouri): se
dit d'un texte littéraire très complexe, souvent assez dense, dans lequel le
sens est diffus.
Anacoluthe: se dit d'une rupture
syntaxique dans une phrase. Un exemple célèbre de Pascal: "le nez de cléopatre, s'il eût été plus court,
la face du monde en eût été changé". En
rouge nous avons une construction syntaxique, en vert nous en avons une autre;
pourtant il s'agit d'une seule et même phrase. La voie normale, sans
anacoluthe, pour exprimer cette idée aurait dû être: "le nez de cléopatre,
s'il eût été plus court, aurait changé la face du
monde" ("aurait" s'accorde avec "le nez", il y a donc une seule et
même structure syntaxique).
Paronomase: il s'agit tout bêtement
d'employer deux mots se ressemblant non loin l'un de l'autre ("De sa blonde
pression qui gonfle sa passion").
Voilà, et j'en profite pour te dire que j'aime beaucoup ce poème. Tout en
double sens, en jeu de mot, en ambiguïté: comme je les aime.
Au fait, tu m'avais demandé des références de bouquin sur la stylistique:
j'ai affronté la montagne de livres et de cartons stockés dans mon débarras
et j'ai retrouvé quelque chose qui pourrait te convenir. Les figures de style et autres procédés
stylistiques par Patrick Bacry, Belin (cette éditeur est très bien
pour les manuels).
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Prométhée
Actif
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Posté le: Dim Avr 15, 2007 21:56 pm Sujet du message:
Merci pour le bouquin! Dès que j'ai réuni de l'argent, je cours le chercher
(sous peu j'espère).
Et pour le reste évidemment (Je connaissais pas l'exemple de Pascal,
intéressant).
Quand au point virgule, je le rajoute sur ma feuille. C'est vrai qu'ainsi
celà marche mieux (même parfait en tout point).
500ième message!!!
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