Méphistophélès
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Posté le: Ven Oct 06, 2006 19:24 pm Sujet du message: Venin [Nouvelle]
Je me lance dans la rédaction d'une nouvelle litteraire, je dois avouer que
certains d'entre vous m'ont largement inspirés, aussi je me propose de la
poster integralement sur ce forum par courts passages au fur et a mesure que
je l'écrirai afin de recueillir, si le coeur vous en dit, vos critiques,
impressions, cris du coeurs et autres joyeusetés.
Ma foi, il me parait amusant que la source de mon inspiration puisse me donner
son avi sur l'oeuvre qu'elle m'a inspiré, et peut être qui sait, me pousser
à la faire évoluer.
Cette nouvelle se nomme Venin.
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Méphistophélès
Suprème actif
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Posté le: Ven Oct 06, 2006 20:16 pm Sujet du message:
Brrr, j'ai presque fini le plan et pour tout vous dire j'ai toujours beaucoup
de mal à commencer la redaction d'un nouvel écrit, je trouve ça terrifiant
et frustrant: pourtant je ne serais tranquil que lorsque je l'aurais fini ^_^
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Méphistophélès
Suprème actif
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Posté le: Dim Oct 08, 2006 14:15 pm Sujet du message:
Voici comme promis, je poste ce que j'ai écris, le tout début de la
nouvelle.
Citation: | Venin
Plus c’est noir, plus c’est vide.
Partant d’un constat aussi démoralisant, on comprend aisément l’horreur
indicible que put éprouver N. en apercevant la chose. N’ayons pas peur des
mots, la “chose” faisait plutôt tâche dans ce décor parfaitement
monochrome, une ombre sur fond noir. D’une manière générale les gens
n’aiment pas le désordre, c’est incompréhensible pour eux, comment
quelque chose qui n’est pas à sa place pourrait-il cadre avec la logique à
angles droits de leurs cerveaux géométriques ? Sans aucun doute, ça ne
rentrerait pas, et puisqu’il faut bien faire quelque chose du désordre,
autant essayer de lui donner un sens. C’est dans cette optique dans un
premier temps que N. avait pris la résolution d’y regarder de plus près.
Premier constat: la chose était vivante, puisqu’elle bougeait. Suite à une
aussi brillante analyse, on a d’autre choix que de poursuivre sur sa
lancée; ainsi “la chose”, au fil du temps, évoluait de manière subtile
et inattendue. Elle semblait se condenser et devenir de plus en plus tangible
jusqu’à ressembler vaguement à une sphère. N. réprima difficilement un
rire triomphant: une sphère, c’est déjà moins apocalyptique qu’une
chose. Néanmoins lorsque celle-ci se mit à luire faiblement, la jeune fille
adopta alors une position radicalement différente sur le sujet. Sphère plus
lumière égale Dieu: il ne manquait que la voix caverneuse dans cette
équation imparable. Avec tout le respect qu’implique l’ignorance,
révérencieusement, elle leva la main sur cette forme miroitante, avide
d’un savoir depuis longtemps oublié; ses doigts frôlèrent le néant
impalpable sans atteindre leur but. Toutefois, cela suffit au prophète pour
recevoir sa toute première illumination: Dieu était en haut dans son paradis
sphérique et clignotant, elle demeurait en bas à la périphérie du
concevable. Que restait-t-il au dehors de ces limites ? Tout le reste, c’est
à dire pas grand-chose.
En vérité il y avait un noyau atomiquo-spirituel autour duquel on gravitait
sans se poser de questions, et il eut été malvenu de la part d’une modeste
particule que d’approcher le responsable de sa gravitation cérémonieuse.
Fort bien, il ne lui restait donc qu’à tourner. Elle s’y essaya mais sans
grand succès car décidément, son corps ne l’entendait pas de cette
oreille. N. le comprit aussitôt: cette difficulté inattendue était
potentiellement problématique. Pour un atome, il n’y a rien de plus bête
et de plus humiliant qu’un électron fermement décidé à jouer les
empêcheurs de tourner en rond. Dans ce genre de situation il arrive même que
le noyau remette ses charmes en question et doute d’être le centre
d’attraction de son petit monde. Comprenant son angoisse, ledit noyau fit
acte d’une bienveillance et d’une compréhension exemplaire: ni une ni
deux, il entra de nouveau en phase de mutation. Il se fit de plus en plus
distinct, de plus en plus vrai; quel processus édifiant ! A croire qu’avant
d’être aussi vrai, la vérité elle même devait avoir quelque chose de
passablement faux.
Puis vint l’extase, l’accomplissement. La vérité sublime se vit
transcendée sous la forme d’une paroi verte et rugueuse, un brin
ésotérique. De nombreuses aspérités en parcouraient la surface, façonnant
à leur manière quelques étranges caractères à la signification douteuse.
N. sut d’emblée à quoi elle avait affaire: ne s’agissait-il pas là des
saints commandements gravés à même le marbre par la grâce du divin scribe
? Si elle l’avait pu, elle serait volontiers tombée à genoux puisque il
est de notoriété publique qu’il s’agit là du seul comportement
raisonnable à adopter en pareilles circonstances. Le plafond aux traits
inexpressifs, et cependant nobles, la regardait de haut. Deux mètres
cinquante. Il semblait indifférent au fait qu’une aussi absurde créature
rampe à ses pieds. N. quant à elle l’observait avec une expression de
profonde béatitude, dans ses yeux se mêlait avec un agencement un peu
brouillon: admiration, reconnaissance, et peut être même une certaine
jalousie typiquement féminine.
Une telle élévation, pensa-t-elle alors, c’est vertigineux.
Malheureusement, l’illustre plafond ne savait précisément rien faire
d’autre que plafonner. Il demeurait statique des heures durant, fidèle au
poste, tel un engrenage bien rodé qui tourne à la perfection sans pour
autant avancer d’un centimètre. A bien y réfléchir, un esprit aiguisé
trouverait cette comparaison surfaite. Peut-on décemment dire d’un plafond
qu’il tourne ? C’est aberrant ! Non décidément, peut importe le bout par
lequel on le prenne, un plafond, c’est indéfinissable... Celui-ci en
particulier.
Subitement, N. se rendit compte qu’elle était éveillée.
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Aneliz
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Posté le: Dim Oct 08, 2006 14:56 pm Sujet du message:
Bien, moi j'attends la suite
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Grain_de_sable
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Posté le: Dim Oct 08, 2006 16:59 pm Sujet du message:
N. comme Nothomb..? (du moin on en retrouve les mms themes)
J'ai hate aussi de voir la suite.
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Méphistophélès
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Posté le: Dim Oct 08, 2006 17:07 pm Sujet du message:
Nothomb est l'une de mes nombreuses inspiratrices avec Joly, Hesse, Powels,
Becket... Mais celui qui a le plus marqué mon écriture reste Christian Yvon,
indubitablement.
Et non, l'abrévitation N. ne renvoit pas à "Nothomb", il s'agit du prénom
de ma demoiselle
La suite:
Citation: | Voici que le monde était inondé de couleurs, de parfums, de
bruits réguliers, intempestifs. Une multitude d’atomes, une infinité
d’électrons, et le tout dans un tel faste que l’on finissait par ne plus
en voir aucun. C’était des masses, elles se chevauchaient sous formes de
droites et de courbes, de bosses et de creux. Fini le néant. Timidement, les
contours de la pièce commençaient à se dessiner. Très vite, il apparut –
ô surprise – que le plafond bien loin d’être la seul entité à composer
ce monde était lui-même soutenu par quatre solides murs d’aspect fort
respectable.
Nouveau sourire triomphant, c’était au tour de N. de mépriser Dieu.
La formalité accomplie, la jeune fille entreprit d’examiner la pièce. Ici,
le sol : plat, à jamais une valeur sûre. Tout au fond, une fenêtre pourvue
de volets mi-clos offrait une vue impayable sur tout ce qu’il peut y avoir
d’inintéressant et de banale dans une cours : des arbres, des feuilles, du
bleu à n’en plus finir, encore plus de feuilles, toujours plus de bleu… A
sa gauche, une table de chevet et plus loin, un large bureau en désordre.
Plus de doute possible, elle ne rêvait pas, ceci était bien sa chambre.
Alors même qu’elle s’apprêtait à se hisser hors des couvertures, elle
remarqua « la présence » qui dormait paisiblement à ses côtés. Comment
avait-elle pu l’oublier ? La présence est un jeune homme brun aux yeux
tristes. Lorsqu’elle le serre dans ses bras, elle n’entend jamais qu’un
seul battement de cœur, elle en a déduit qu’elle l’aimait. Seulement
voila, aussi jeune, brun et triste soit il n’en restait pas moins une simple
présence, une présence qui venait justement d’ouvrir les yeux. Tout deux
se regardent, ils se sourient, ils s’embrassent. Il fait délicieusement
chaud, ici...
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Dernière édition par Méphistophélès le Mer Oct 11, 2006 17:20 pm; édité 3 fois
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Grain_de_sable
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Posté le: Dim Oct 08, 2006 18:50 pm Sujet du message:
Bcp plus fluide que le debut .
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Aneliz
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Posté le: Dim Oct 08, 2006 18:56 pm Sujet du message:
Je suis d'accord avec Grain_de_sable... J'aime beaucoup ta description de la
chambre... ^^
Continue !
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Méphistophélès
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Posté le: Mar Oct 10, 2006 19:28 pm Sujet du message:
La fluidité n'est pas une fin en soi, ou plus exactement, à mon sens, la
littérature ne se limite pas à cela.
Cela étant, ma première partie gagnerait à être retravaillé: comme je
l'ai dit, je poste au fur et à mesure que j'écris, il s'agit du premier jet.
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Méphistophélès
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Posté le: Mer Oct 11, 2006 17:16 pm Sujet du message:
La suite:
Citation: | Il
fait delicieusement chaud, ici...
Il était plus que temps d’y mettre fin. Non pas que cela eut été
désagréable, bien au contraire, mais il fallait bien se garder d’y céder
plus que de raison. Cette même raison qui avait réponse à tout, la bible du
croyant et de l’athée tout à la fois, avait du reste une idée très
précise sur la question qu’elle ne manquait d’exprimer en ces termes
mystiques : « les choses les plus courtes sont les meilleures ». Voilà qui
sonne comme les paroles de quelques prophètes des temps anciens dont la
portée est telle qu’on en reste songeur : l’œil vide, l’air placide,
adoptant une pose grotesque, on s’efforce de bien montrer combien l’on est
admiratif devant cette idée aérienne. Celle là même qui survole de très
haut l’amoncellement sympathique de chair et de boyaux constituant notre
petite personne. La placidité, c’est l’infini des gens raisonnables.
Mais laissons là les digressions et revenons au sujet qui nous intéresse :
quelle diablerie avait bien pu convaincre N. se s’arracher au confort de son
lit pour finalement s’élancer à moitié nue dans une pièce froide ? A
celui qui ne connaît pas l’horloge, ce problème demeurera insoluble. Elle
s’était levée sans mot dire, animé par un mélange subtil d’excitation
et d’angoisse. Elle avait agis ainsi car du tréfonds de son inconscient
était monté la certitude brutale, incohérante et absolue que le temps
était venu.
Certains parlent d’horloge biologique en ce qui concerne le corps, en
conséquence il me parait logique d’employer l’adjectif « frénétique »
pour ce qui a trait à l’esprit. L’horloge. Il s’agit là d’une
créature pugnace et hargneuse : une entité intemporelle qui sonne au rythme
lent et décisif de la fatalité. Elle n’a de cesse de segmenter la
journée, de trier chaque activité en fonction de sa couleur, de son numéro,
de sa marque, puis de ranger chaque bout d’existence dans le tiroir
adéquat, avec sa petite étiquette. Il parait que cette démarche est
rassurante, toujours est il qu’une telle gestion nécessite un ordre
rigoureux et un timing précis dans son exécution. Puisque l’horloge tapait
du pied, cela signifiait certainement que le temps alloué à la section «
divertissement, plaisir, contemplation, besoins naturelles et perte de temps
» avait expirée – l’horloge ne s’encombre pas de sous-catégories.
C’est par ce procédé astucieux que l’homme rentabilise chaque seconde de
sa vie en la meublant de bout en bout, en toute innocence, de tout ce qu’il
peut y avoir de contraignant et de malheureux.
On ne lutte pas contre le progrès.
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