nouvelle de nuit parisienne


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Aviam Errpeï
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Message Posté le: Lun Sep 11, 2006 05:55 am    Sujet du message: nouvelle de nuit parisienne
1

Dans ma tête, je lutte pour la tendresse universelle. C’est un combat difficile car je ne connais personne. Enfin, je n’abandonnerai pas.

Cette nuit là, je sors de mon appartement après quelques bières, emportant les clés, de quoi écrire. Je met tout dans mon sac à dos. L’immeuble et ses habitants fatigués dans le mien, je pars marcher sur Paris de nuit.
Il n’y a aucune étoile pour me guider vers le ciel. De toute manière, les étoiles ont-elles jamais guidé les hommes ? Peut-être quelques rares élus, mis au parfum par je ne sais quelle force trop lumineuse pour mes yeux inexpérimentés. Ceux-ci doivent-ils garder un secret pouvant soulager les autres d’un poids incompréhensible ?
Je ne sais pas. Qui sait ?

Le boulevard de Grenelle a pour unique vocation d’aller se jeter dans la Seine. Ma cinquième et dernière bouteille de bière à la main, j’aime ne penser à rien et laisser la nuit engloutir mes pas.
Je m’apprête à dépasser un groupe d’hommes, tranquille. Le cul d’un break repose sur une portion du trottoir. Soudain l’un des types me barre la route et m’agrippe par le bras, sans raison apparente. Il a l’air jeune et bronzé dans les ombres.

‘Hé toi, p*****, tu vas finir dans le coffre de la Laguna !’ me confie-t-il sans lâcher mon gilet, avec juste ce qu’il faut d’animosité sur le visage. Je l’observe sous la lueur crue du lampadaire. Non, pas de vrai haine, pas de vrai hargne. Il manque le motif.
‘Lâchez-moi s’il vous plaît, lâchez-moi.’ Je parle à voix basse et tâche de ne pas trop éviter son regard de macadam. Il me dévisage, je reste calme, il retire son emprise.
Je m’en vais sans donner aucune trace d’appeurement, il ne faut pas dans ces cas-là. Ma démarche transpire la faux flegme anglais. Cent mètres plus loin, je change de trottoir. Mon cœur aura quand même battu vite.

Enfin la Seine ! Je crois parfois qu’un fleuve vaut bien toutes les rages contenues du monde. Un bateau-mouche passe, emportant avec lui la dernière cargaison de touristes de la soirée. Je le quitte du regard et change de rive. Je ne me rappelle pas le nom du pont franchi alors.
Pourtant je l’ai traversé et le traverserai encore – la ligne 6 est ma ligne disfonctionnelle et branlante que je maudis avec la gentillesse des vieux amis – après quelques cours séchés d’un sommeil étrange.
Je pense à une fille. Ma vie pourrait enfin commencer.
Je pense à l’écriture, au décalage croissant, au départ lancinant. Les fantômes peuvent-ils seulement voyager sans autre souvenir que leur vide flottant ? Est-ce sérieux, partir sans avoir vécu ? Ne faut-il pas avoir connu la douceur des femmes amoureuses, la société fumeuse d’écrivains, les ivresses géniales ? Ne faut-il pas déjà avoir été un vivant, non pas juste un cœur sur pattes suant, un malade d’angoisse ?

Je ne sais pas. Qui sait ?


Dernière édition par Aviam Errpeï le Jeu Sep 21, 2006 15:39 pm; édité 1 fois
Aviam Errpeï
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Message Posté le: Lun Sep 11, 2006 05:56 am    Sujet du message:
2

La Tour Eiffel donne magnifiquement le change aux rats fouillant les quais. Je suis debout en face d’un éclair, un doigt métallique de 300 mètres. L’élève a bien appris sa leçon qui tend très fort sa main.

Combien de tonnes pèse le génie architectural des hommes ?
Napoléon préféra parler du poids des âges en Egypte, mais il avait tort, le temps n’est pas une construction humaine, et du haut des pyramides les foutus dieux de Romain Gary n’en finissent plus de rire.
De nombreux grands personnages de notre Histoire ont voulu, et veulent encore, partager la vue de ces divins esprits dont le seul but est de réduire l’homme. Moi, je leur dis merde.
C’est trop facile de ne pas combattre cette intoxication de nos actes que nous portons tous.
Certains sont beaucoup plus seuls que d’autres. Seuls avec leur dégoût de la condition humaine. Seuls contre toute une masse vibrante. Que ce ne soit pas une excuse valable. Être dix mille fois exposé de par ma solitude morale et physique forge ma passion pour une lutte sans fin. Comme je l’ai dit au début de ce récit, je lutte seul pour la tendresse humaine. J’y crois, vous savez.

Moi je leur dis merde.
Aviam Errpeï
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Message Posté le: Lun Sep 11, 2006 05:56 am    Sujet du message:
3

En dessous de la Tour Eiffel je ne vois rien qu’une cage d’ascenseur vide. Je la préfère qui s’élève insolemment à mes côtés, sexe français jeté par-dessus les toits, alliée rigide des amoureux, prélude… Autour de moi respirent des gens distingués en poudre d’or. Tristan Tzara.
Tous les trois ou cinq ans, un corps expéditionnaire vient vérifier sa pénétration dans le paysage des esprits ; à ceux-là qui prennent soin d’elle, elle crache quelques étoiles de remerciement sous les joues heureuses de jolies filles et d’imberbes russes ivres.

Et j’ai envie de vous écrire un refrain.

Des gars à moitié bourrés
Ils ne voient que leurs pieds enflés
Des gars à moitié bourrés
Emmerdent un clochard complètement défoncé.
Quatre brasseries fermées
J’aurais voulu m’empiffrer
De glaces de cornets de crêpes sucrées
Et au Nutella
Parce que y’a que ça de vrai.
Mais je me noies
Dans chaque bouffée d’ombre
Mais je me noies
Dans chaque bouffée d’ombre.


N’hésitez pas à le chanter à tue tête la prochaine fois que vous passerez par là. Je n’ai moi-même pas essayé.

Je vous fais confiance, je fais souvent confiance, j’ai beaucoup d’espoir dans les veines, c’est une tare de naissance.
Aviam Errpeï
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Message Posté le: Lun Sep 11, 2006 05:57 am    Sujet du message:
4

Puis je traverse les eaux noires de la capitale. Je suis prêt à dévorer des kilomètres de quais, je suis prêt à m’enfoncer jusque dans le cœur de la ville.
Le cycliste arrêté contre la garde-fou semble aussi goûter à l’inimitable magie de la nuit enveloppant d’infini les cités mondiales. (Je ne m’étendrai pas sur le sujet, ne connaissant de ce charme incroyable que quelques bribes parisiennes et londoniennes. J’irai dire bonsoir à l’épine dorsale des autres plus tard.)
Le cycliste, donc, était une masse immobile. Voilà qu’il m’interpelle. Intrigué, je m’avance vers lui. Il est jeune, mince et un peu agité au fond des yeux.
‘Oui ?’ me semble une approche convenable.
Peut être un peu trop à son goût puisqu’il me demande si je veux bien me faire sucer.
Ce à quoi je réponds laconiquement :
‘Non, désolé.’
Il insiste (je ne me souviens plus si il est descendu ou non de sa bécane) et moi aussi j’insiste avec tout le laconisme dont je suis capable :
‘Non, désolé.’
Il abandonne.
Je crois que je n’ai pas encore réalisé la scène quand je croise un mec mi rasta mi dur qui me demande une clope. Enfin une personne non atteinte. Ni l’un ni l’autre ne prenons la peine de nous arrêter, et je fais alors preuve de répartie, enfin à vous de juger :
‘Ha non, désolé.’
Il me sort un
‘Pas grave mec, salut.’
assez salutaire après l’homosexuel transi.
‘Salut.’ Je réplique dans la seconde.
Un moment, j’ai envie de revenir sur mes pas lui donner tout un paquet de cigarettes imaginaires. J’aurais dû.

Le jeune homosexuel transi revient à la charge, me voyant à nouveau seul. Je suis prévenu par mes neurones anesthésiés d’un cliquetis approchant, sur lequel je mets sans hésiter l’étiquette ‘cliquetis caractéristique d’un pédalier de bicyclette’.
Passée une goutte de sueur durant laquelle je vois défiler en lettres d’imprimerie dans la page fait divers :
‘LE CADAVRE D’UN JEUNE ETUDIANT RETROUVE DANS LA SEINE AU PETIT MATIN PORTE LES STIGMATES DES SEVICES LES PLUS DIABOLIQUES JAMAIS RENCONTRES ICI OU AILLEURS. NOUS AVONS PERDU UN GRAND ECRIVAIN TEMOIGNA UN PASSANT QUELCONQUE DEVANT LA TETE DU PAUVRE GARCON PIQUE AU BOUT D’UN RAYON DE BICYCLETTE…’
je retrouve donc mon ami des berges.
Je vous assure qu’il tente d’abord le coup de l’explication plausible, laquelle ne l’est évidemment pas.
‘Tu comprends, ma copine rentre demain, et…’
Et quoi c****** ? T’as plus qu’un jour pour assouvir tes putains de fantasmes ?
Après quoi il passe au stade de l’incompréhension pitoyable :
‘Mais pourquoi tu veux pas ? Tu vas voir…’ sa voix doucereuse me donne envie de gerber.
Quant à moi je fournis sans problème la cause de mon scandaleux refus, à plusieurs reprise :
‘Ca ne m’intéresse pas, je n’en ai pas du tout envie.’
Aux affres de l’agonie, croyez le ou non, il lance cette phrase mémorable :
‘Mais au moins, montre moi ta b***…’
Il abandonne. Mon faux flegme anglais est imparable.

Je cesse de jurer entre mes dents en maudissant cette enfoiré cinq minutes plus tard, déjà loin, et ce n’est que là, quittant ma colère enfantine, quittant mon nettoyage d’âme, que j’ai un peu peur qu’il me suive furtivement. Je scrute les ténèbres sans y voir personne d’autre que les voitures. En y repensant, j’aurais pu tomber sur un vrai malade en liberté.
Aviam Errpeï
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Message Posté le: Lun Sep 11, 2006 05:58 am    Sujet du message:
5

Je décide de regagner mon petit appartement au plus vite, voyant ma ballade gâchée définitivement par la libido d’un pervers monté.
Malheureusement je suis peu enclin à l’angoisse quand je peux me retrouver tranquillement à parcourir les rues.
De plus, une jeune femme rentre chez elle avec une jupe. Il fait assez sombre pour que sa beauté soit indiscutable. Elle a quoi, 25 ans.
Hélas, elle n’est atteinte d’aucune perversion et ne monte aucune bicyclette, elle ne me demande même pas de lui montrer mon sexe. Dommage.
Je la viole quand même de mes deux yeux de velours grands ouverts, d’une furieuse volonté de luciole terrestre. Puis, au revoir à ses longues jambes.

Quelque peu désorienté, je finis par regagner mon antre sans même écrire une ligne et m’endors comme un combattant des tunnels profonds.

Le midi au réveil, la seule trace de mon voyage incroyable dans les méandres des âmes humaines est le cadavre songeur d’une bouteille de bière sur mon bureau.
Aviam Errpeï
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Message Posté le: Lun Sep 11, 2006 05:58 am    Sujet du message:
6

Elle est bien vide, pensais-je.
Sylvain Legrand
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Message Posté le: Lun Sep 11, 2006 10:19 am    Sujet du message:
J'aime bien 5 et 6 mais je trouve les textes précédents peu intéressants Smile
Aviam Errpeï
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Message Posté le: Lun Sep 11, 2006 13:06 pm    Sujet du message:
ma vie n'est pas très intéressante
enfin bon j'ai toujours les nuages.
Aviam Errpeï
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Message Posté le: Jeu Sep 21, 2006 15:39 pm    Sujet du message:
je le remonte pour mon ami lecteur, j'aimerai peut être lui prouver que l'écriture me fait vivre.
Méphistophélès
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Message Posté le: Jeu Sep 21, 2006 16:56 pm    Sujet du message:
Fort bien, voyons cela.
Méphistophélès
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Message Posté le: Jeu Sep 21, 2006 17:16 pm    Sujet du message:
Et bien.
Contrairement à Sylvain, je trouve ceci redigé de main de maître : le style est agréable, vivant, très introspectif, le narrateur un peu blasé rend plutot bien avec un point de vu narratif interne.
Le rythme est rapide et entrenant, des phrases courtes octroyant une certaine force à l'ensemble; cette force est mise en evidence par le dialogue engagé entre l'ecrivain et le lecteur, les questions rhetoriques, les interjections et les remarques sur le ton de la confidence...
Le vocabulaire est parfaitement maitrisé cela étant le texte n'est pas complexe pour autant ce qui est une bonne chance en soi.
Les cinq derniers paragraphes me semblent plus réussis que le premier cela dit.

Je prefère de très loin tes recits à tes poèmes, quoi que, ce que je viens de lire là ressemble un peu à de la poésie en prose...
Beau boulot.
Aviam Errpeï
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Message Posté le: Jeu Sep 21, 2006 23:16 pm    Sujet du message:
j'ai aussi l'impression que c'est plus ça, là...
en fait concernant mon manque litteraire jessaye de le rattraper, je lis et j'aime lire. ca vient de là.

il est vrai que sur cette nouvelle , tout a coulé de source, de bout en bout. bon ca aide, quand c'est du vecu.

j'ai 2/3 trucs que je retravaillerai (genre 1er paragraphe)
Kronos
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Message Posté le: Ven Sep 22, 2006 00:20 am    Sujet du message:
Pas mal du tout ^^
Méphistophélès
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Message Posté le: Ven Sep 22, 2006 07:40 am    Sujet du message:
Les études litteraires ne servent pas à grand chose si tu lis pour ton plaisir, on ne t'apprendra rien de plus que ce que tu connais déjà, simplement on approfondira ces connaissances et on te donnera le vocabulaire qui va avec.
En sommes, les études litteraires ne sont en grandes partie qu'un entrainement: lire, écrire et analyser.

Enfin, écrire sur son vécu, ou ecrire en se referant à des éléments de son vécu que l'on transpose dans une histoire, c'est là le secret pour faire les textes les plus interessant et les mieux construits.
Kronos
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Message Posté le: Ven Sep 22, 2006 11:16 am    Sujet du message:
Métempsychose a écrit:
Enfin, écrire sur son vécu, ou ecrire en se referant à des éléments de son vécu que l'on transpose dans une histoire, c'est là le secret pour faire les textes les plus interessant et les mieux construits.


C'est Stephen King (dans "Ecriture") qui a dit "On écrit toujours sur ce qu'on connaît" Wink
Méphistophélès
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Message Posté le: Ven Sep 22, 2006 11:38 am    Sujet du message:
Quelle culture, j'adhère Aux
anges

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