Miss Chocolat
Invité
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Posté le: Jeu Juil 20, 2006 10:29 am Sujet du message: Histoire et lois
Puisque nous sommes un certain nombre d'historiens ou apprentis historiens (le
mot semble plus juste^^) sur ce forum, voici un sujet pour vous... Et pour les
autres bien sûr.
La polémique a fait rage il y a peu autour d'un projet de loi, d'abord voté
puis retiré par Chirac, visant à parler des "conséquences positives de la
colonisation" dans les manuels scolaires. Cette loi a fait un tollé : du
côté de la gauche et d'une partie de la droite, et des anciens colonisés
d'abord, estimant que cette affirmation est grandement fausse. Du côté d'un
collectif d'historiens ensuite ("Liberté pour l'Histoire"), prétendant que
l'Etat n'a pas à se mêler des "vérités" historiques, et que la liberté
des historiens est de pouvoir réfuter telle ou telle vérité historique
telle qu'elle a été établie avant.
Cette seconde position remet en cause trois autres lois votées dans les
années précédentes :
-La loi Gayssot, tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou
xénophobe, votée le 13 juillet 1990
-la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide
arménien de 1915
-la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de
l’esclavage en tant que crime contre l’humanité (dite loi
Taubira).
Les historiens ayant signés cette pétition reprochent à ces lois de
contraindre la recherche et l'enseignement de l'Histoire.
Voici la pétition en question :
Citation: | Emus par les interventions politiques de plus en plus
fréquentes dans l’appréciation des événements du passé et par les
procédures judiciaires touchant des historiens et des penseurs, nous tenons
à rappeler les principes suivants :
L’histoire n’est pas une religion. L’historien
n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de
tabous. Il peut être dérangeant.
L’histoire n’est pas la morale. L’historien n’a pas
pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique.
L’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité.
L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques
contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois
la sensibilité d’aujourd’hui.
L’histoire n’est pas la mémoire. L’historien, dans une
démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre
eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces, et établit les
faits. L’histoire tient compte de la mémoire, elle ne s’y réduit
pas.
L’histoire n’est pas un objet juridique. Dans un Etat libre, il
n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de
définir la vérité historique. La politique de l’Etat, même animée
des meilleures intentions, n’est pas la politique de l’histoire.
C’est en violation de ces principes que des articles de lois successives
notamment lois du 13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23
février 2005 ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit,
sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit
trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites.
Nous demandons l’abrogation de ces dispositions législatives indignes
d’un régime démocratique.
Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise
Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre
Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René
Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet
et Michel Winock |
En tant que future historienne (ou pas), je me positionne bien évidemment en
faveur de ces principes énoncés ci-dessus.
Mais ça pose quand même le problème du racisme, pour ce qui est de la
première loi du moins : c'est la porte ouverte à tous les actes ou paroles
racistes ou antisémites... Et là, il n'est pas question de vérité
historique. Cela voudrait dire, par exemple, que Le Pen aurait le droit de
déballer toutes ses inepties sur la Seconde Guerre Mondiale et les camps sans
être inquiété. Et je trouve cela dangeureux.
Alors, liberté de l'Histoire à tout prix ou règles à imposer par l'Etat?
Par exemple pour ce qui est du génocide arménien, j'estime que ce n'est pas
à la France de le reconnaître, mais à la Turquie. Pour ce qui est de
l'esclavage, la question est plus complexe, même si de fait les effets en ont
été terribles. Pour ce qui est du "rôle positif de la présence française
outre-mer, notamment en Afrique du Nord", je doute qu'on puisse parler de
"rôle positif", du moins qu'on dusse le "reconnaître en particulier dans les
manuels scolaire" : ce n'est pas l'effet le plus visible de la colonisation.
Allez dire ça à un Algérien... (Bref, j'arrête là là dessus sinon les nostalgiques de la
colonisation vont me tomber dessus, et ce n'est pas le débat^^)
Voilà, j'arrête de parler
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