Invité
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Posté le: Lun Avr 24, 2006 12:32 pm Sujet du message: modernité ?
bon, suite au post du malheureux Ronsard revit ! et surtout suite aux
réactions suscitées, j'aimerais avoir votre avis sur la modernité en
poésie. Car, en parcourant cette partie du forum, force est de constater deux
choses : une primauté donnée au sens et à l'expression des sentiments + une
tendance à la versification systématique. Peu de poèmes en prose, peu de
prose poétique, peu d'essais modernes.. En fait, peu d'exploration profonde
du langage.
J'ai moi aussi écrit beaucoup de poèmes versifiés dans le passé pour
former un recueil d'une centaine de pages au final... mais en réfléchissant
bien sur les notions poétiques, je me suis aperçue de la vacuité de ce
système à la longue qui tend à faire de la poésie un simple langage fleuri
qui exprimerait des idées personnelles seulement... Dans le cadre de mes
études, j'ai pu faire deux rencontres déterminantes qui m'ont ouvert les
yeux : avant, j'étais réellement allergique à l'art moderne sous toutes ses
formes, qui pour moi, était un repaire d'imposteurs ayant choisi la
facilité. Je peux voir aujourd'hui à quel point je me trompais, notamment
après avoir étudié les nouveaux romanciers.
et vous, dans quelle catégorie de poètes vous situez vous ?
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Mandos
Actif
Sexe:
Inscrit le: 22 Jan 2006
Messages: 1148
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Posté le: Lun Avr 24, 2006 16:05 pm Sujet du message:
Pour moi, la modernité, telle que définie depuis un siècle, est un concept
paranoïaque. La hantise de dire quelque chose qui a déjà été dit est
tellement forte que l'on oriente artificiellement son investigation créatrice
dans des directions déterminées, censément originales.
Ma position est simple. Je range sous le terme art toute activité créatrice
englobant une recherche sincère du beau, le beau étant entendu comme ce qui
procure un agrément d'ordre esthétique, c'est à dire situé sur un autre
plan que l'objet éventuellement représenté (par exemple, si on considère
un tableau représentant une tablette de chocolat, le plaisir sucité par
l'évocation d'une dégustation possible de ladite tablette ne sera pas un
plaisir esthétique). A partir de là, tout m'est bon.
Il me semble tout de même qu'on peut faire deux constats. Premièrement, la
modernité, telle que censément incarnée dans un certain nombre d'oeuvres
contemporaines, est factice. En pratique, bon nombre des poèmes en vers libre
ou en prose que l'on peut être amené à lire auraient tout aussi bien pu
être écrits il y a cent ans. Le vers libre, sur un plan chronologique, est
tout à fait désuet, et ne parlons même pas de la prose poétique. De mon
point de vue, ceci ne lui ôte évidemment pas sa valeur (j'apprécie tout à
fait les formes poétiques non classiques, j'écris souvent de la prose, et il
m'est arrivé de me frotter au vers libre), mais cette valeur ne saurait être
rattachée à leur prétendue modernité.
Ensuite, Je goûte peu ce conditionnement qui consiste à voir
systématiquement dans la poésie classiquement versifiée une redite, ou un
artifice superficiel qui implique nécessairement la négation de la recherche
et de la nouveauté. Je reviens à cette idée de paranoïa. Nous vivons de
toute manière au vingt-et-unième siècle. Ce que nous écrivons est
contemporain, et a subi l'influence de toute la littérature du vingtième, et
de toutes les imprégnations culturelles et préoccupations de notre époque.
Pourquoi ne pas les laisser simplement exercer leur influence en douce, sans
la forcer bêtement, ni la rédimer ?
Je pense que nous sommes arrivés à un stade où il serait grand temps de
dépasser ces querelles antiques entre le vers libre et le vers classique,
entre l'emphase et la sobriété, entre le lyrisme et la retenue. Toute
démarche se vaut, et la seule question à se poser lors de la prise de
contact avec une oeuvre devrait être : "ai-je plaisir à voir ceci ?"
P-S : Pour éviter toute mauvaise interprétation, il me faut préciser que je
prends le mot plaisir, et par suite le mot "beau", sous une acception des plus
larges. Ainsi, j'ai plaisir à voir certaines de ces oeuvres dadaïstes que tu
évoquais dans un autre sujet, parce que dada, à sa manière, me semble être
une recherche du beau. De même, je peux tout à fait trouver belle et
agréable à l'esprit une peinture violente et crue, comme La Guerre d'Otto Dix.
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