E. Todd: systèmes familiaux et idéologies


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chiron
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Message Posté le: Sam Nov 26, 2005 01:36 am    Sujet du message: E. Todd: systèmes familiaux et idéologies
Bonjour à tous,

D’où proviennent les différentes idéologies, philosophies, l’adhésion ou la répulsion à un mouvement politique, une religion ou encore la sensation que certaines valeurs nous semblent « naturelles » ou « impensables » ?

Emmanuel Todd, à travers la définition de valeurs portées par les systèmes familiaux nous propose un cadre explicatif transcendant l’ensemble des cultures, les philosophies et les religions.


Personnellement, j’ai dévoré les travaux d’Emmanuel Todd car il m’a fourni un cadre théorique explicatif à mes propres interrogations, trouvailles et recherches sociales, avec l’idée qu’il n’existe pas une seule nature humaine, mais bien des identités différentes, qui ont donné naissance à des religions, philosophies et mouvement politiques différents.

Mais au-delà d’une analyse strictement géopolitique, je crois que cette oeuvre nous donne la chance de nous ouvrir aux autres cultures et de proposer des terrains d’entente et des collaborations entre nos différentes cultures.

Aussi je propose deux petits exposés, espacés dans le temps, pour servir d’axes de réflexion et de discussion :

- Le premier est une analyse géopolitique des cultures de l’Europe de l’ouest ainsi que leurs positionnements sur quelques exemples historiques

- Le second, bien plus compliqué (et qui reste à faire Rolling Eyes ), un essais sur la psychologie culturelle, ainsi que la pédagogie et le management multiculturel, incluant une étude anthropologique de la famille maghrébine et les problèmes liés à l’immigration en France


Chnoub et rêveur je vous avais promis un tel fil. De plus, j’utilise tellement dans ce forum le terme de « différence culturelle » qu’il est dommage de ne pas expliquer ce qui se trouve derrière. Hamilcar, Beau zozo et Belle Cebe Wink , ainsi que vous tous, j’espère que cela vous intéressera.

Mais n’hésitez pas à poster pour dire si cela vous semble intéressant ou non, tiré par les cheveux, et ce qui vous semble manquer.

A plus et vous lire,


Dernière édition par chiron le Sam Nov 26, 2005 01:58 am; édité 1 fois
chiron
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Message Posté le: Sam Nov 26, 2005 01:46 am    Sujet du message: Re: E. Todd: systèmes familiaux et idéologies
Tout d’abord, Emmanuel Todd part du principe séduisant que l’homme est éduqué par son milieu familial et donc formaté en vertu des valeurs de sa famille. Ses relations avec ses parents préfigurent celles avec l’Etat ; ses relations avec ses frères et sœurs, celles avec les citoyens.
Par exemple, un père autoritaire induit la vision d’un Etat fort, une relation égalitaire avec ses frères et sœurs, une égalité entre les citoyens.
Si l’enfant est en révolte avec sa famille, il n’échappe pas à cette culture locale car il la retrouve (ou du moins dans une zone culturelle homogène) parmi ses camarades d’école et également leurs familles.

Pour l’Europe de l’Ouest, Emmanuel Todd propose une segmentation des systèmes familiaux à l’aide de deux variables privilégiées distinctes :
- l’autorité/ la libéralité des parents envers les enfants, mesurée en fonction de la corésidence des générations en milieu rural (grand-père, père et enfants en un même foyer étant un signe d’autorité)
- l’égalité/inégalité des enfants (étude des coutumes testamentaires égalitaires ou inégalitaires)
ce qui nous donne quatre types de systèmes familiaux

libéralité+égalité : la famille nucléaire égalitaire – cliché : les latins
rapport à la terre : ouvriers agricoles/grandes exploitations
idéologies (association aux dominés/dominants) : anarchisme/ libéral-militarisme
descriptif culturel : Rousseau, les droits de l’homme

libéralité+inégalité : la famille nucléaire absolue – cliché : les anglo-saxons
rapport à la terre : fermage/ rentier
idéologies (association aux dominés/dominants) : travaillisme~syndicalisme/droite libérale
descriptif culturel : utilitarisme, Rawls (égalité des chances)

autorité+égalité : la famille communautaire – cliché : les russes ou méditerranéens

rapport à la terre : métayage (propriétaire touchant une partie de la récolte)/ propriétaire dirigeant
idéologies (association aux dominés/dominants) : communisme/fascisme (dictature de droite non raciste)
descriptif culturel : Troyat, et bien sûr l’idéologie communiste

autorité+inégalité : la famille souche – cliché : les allemands
rapport à la terre : petite propriété familiale
idéologies (association aux dominés/dominants) :socialisme/droite nationaliste à tendances ethnocentriques
descriptif culturel : Luther, Hegel

L’égalitarisme induit de plus la notion de l’homme universel et souvent des idéologies considérées comme applicables par toute l’humanité. Au contraire, la notion d’inégalité segmente les citoyens en classes sociales distinctes, et introduit des hiérarchies entre les peuples (inégalité forte) ou du moins un différentialisme (inégalité faible).
L’autorité implique une très bonne transmission culturelle (enfants partant plus tard du foyer familial, bien plus éduqués), voire une obsession de transmissions aux générations suivantes, qui doivent continuer le travail des anciens. Au contraire, dans une famille égalitaire, l’enfant doit partir très tôt du milieu familial et se faire ses propres expériences et sa propre philosophie. La priorité est accordée à son indépendance, mais la transmission culturelle y est moindre.

Mais voyons plutôt une application politique et historique de ces différentes cultures familiales et le rôle de l’inconscient culturel dans les prises de position politiques. La carte suivante propose une décomposition géographique pour l’Europe de l’Ouest en fonction des systèmes familiaux majoritaires par département ou équivalent.




Tout d’abord, on s’aperçoit que les nations n’ont pas conduit à une homogénéité des systèmes familiaux, lesquels sont stables depuis 500 ans. Cette carte a été réalise par superposition d’études de données recueillies de 1850 à 1980.
Emmanuel Todd propose de lier l’apparition de ces cultures à l’accès à la civilisation. La famille latine (nucléaire égalitaire) est pour lui liée à d’anciennes zones d’implantation romaines. La famille communautaire serait la continuatrice de la culture étrusque. La famille souche (en Allemagne) proviendrait des invasions barbares des années 300-500, celle du sud-ouest français pourrait être antérieure à la conquête romaine. Enfin, la zone de la famille nucléaire absolue rappelle le royaume maritime de Cnut le Grand (XIè siècle), alliant le Danemark, l’Angleterre et la Norvège.

A l’aide de cette simple carte, et de quelques concepts supplémentaires (diffusion lente de l’alphabétisation à partir d’un axe Suède-Suisse, et l’éloignement géographique de Rome), Emmanuel Todd nous ré-explique les positionnements politiques à partir d’affrontements culturels. Le déterminisme y est hallucinant !

Par exemple alors que vers 1500 toute l’Europe de l’Ouest est chrétienne, la famille souche allemande dont la noblesse allemande, ayant une grande avance culturelle, et étant éloignée de Rome, rejette l’autorité du Vatican et affirme clairement sa revendication identitaire inégalitaire, à travers le protestantisme : il y a des élus de Dieu et les autres sont damnés. Face à cet inégalitarisme et cette révolte, la Contre-réforme se redéfinit comme égalitariste.
La doctrine inégalitaire séduit immédiatement les zones d’implantation de la famille souche et est rejetée par la famille nucléaire égalitaire, qui rejoint la contre-réforme.
En effet, le calvinisme touche le sud-ouest français ainsi que le centre de la vallée du rhône, la Hollande, la guerre des paysans touche le sud de l’Allemagne et l’Autriche.
A l’opposé, la ligue catholique s’implante dans les régions égalitaristes que sont le grand bassin parisien ainsi que la côte méditerranéenne.

Autre exemple lors de la Révolution française. Le nord de la France est alors beaucoup plus alphabétisé que le sud. Les valeurs de liberté et d’égalité sont donc boostées et vont donner la devise de notre république. Mais certaines régions françaises s’inscrivent dans l’espace contre-révolutionnaire. Si l’on prend la carte de refus de la constitution civile du clergé (serment de fidélité des prêtres à la Constitution), les zones de refus majoritaire mises en évidence sont : le sud ouest, le Nord, l’Alsace (la famille souche) ainsi que la Bretagne (famille nucléiare absolue), ce qui représente l’espace inégalitaire français.

Aussi il a toujours existé et il existe non pas une, mais deux Frances. La France « officielle », nucléaire-égalitaire (~45 % de la population) mais aussi une France de l’ombre, la souche (~30 % de la population). Ces conflits idéologiques permanents hystérisent les affrontements politiques, aussi bien concernant la Réforme, la Révolution, mais également l’affaire Dreyfus, la relation envers l’étranger ou encore l’immigration.
Quant aux cultures minoritaires, trop faibles pour peser sur l’histoire de France, elles s’expriment généralement par des revendications d’indépendance.

C’est le cas également dans le nord de l’Espagne car le socle anthropologique espagnol est relativement uniforme. Mais l’Italie est quand à elle, un vrai cas d’étude.
Le nord-est est souche et n’est pas sans rappeler une partie d’Allemagne. Le piémont est nucléaire-égalitaire, la toscane, Rome et le centre communautaire et le sud nucléaire égalitaire.
Est-ce donc un hasard si la ligue lombarde italienne prône l’indépendance de la padanie (nord-est) ? Est-ce un hasard si M. Erminio Boso, suggère de " faire monter les nègres dans des Hercule militaires et les renvoyer chez eux ", au nom de la " défense de la race blanche " ? . Pas vraiment : une forme d’idéologie conservatrice de la famille souche tout simplement.
Le centre, dominateur et centralisateur a quand à lui fourni tous les cadres communistes et fascistes de l’Italie. Le sud par contre est plus complexe. Au rejet de l’autorité s’est combiné celui de l’Etat. Néanmoins et sans ordre, la famille nucléaire égalitaire risque l’excès de désordre (un peu comme dans l’anarchisme espagnol). Il y a donc eu un phénomène d’idéologie conservatrice violemment anti-romaine et centrée sur le clientélisme : la maffia.


Je vous ai donc présenté quelques petits exemples d’analyse politique tirés des travaux d’Emmanuel Todd, dont j’attends des critiques, commentaires et impressions, ce que cela vous inspire et si cela vous semble complètement tiré par les cheveux. Si si ! Wink

Pour ma part, cette grille d’analyse me semble intéressante et de nature à comprendre les risques de conflits et les enjeux politiques plus ou moins conscients des représentants politiques et des populations qu’ils représentent.
Néanmoins, bien loin de m’inscrire dans un débat actuel de « chocs de civilisations », où une civilisation ou une culture devrait vaincre, je crois beaucoup plus intéressant d’en opérer la fusion ou au moins la collaboration et ne retenir que les « avantages » de chaque culture tout en neutralisant les « défauts », « peurs » ou « excès » empêchant cette collaboration.
C’est pourquoi je suis très intéressé par la recherche dans le domaine du management et de la pédagogie multiculturels qui, bien appliqués, me semblent non seulement plus respectueux des personnes, mais aussi me semblent aboutir à la plus grande productivité possible.



A plus et vous lire,

Sources : L’invention de l’Europe – Emmanuel Todd – Points
C’est un livre très riche, avec près de 80 cartes, une bibliographie splendide et une orientation géopolitique. Il permet également une découverte ou revisite de l’histoire moderne des pays européens. Le sommaire en est :
- le socle anthropologique
- Religion et modernité
- Mort de la religion, naissance de l’idéologie
- La décomposition des idéologies (1965-1990)
Attention toutefois : c’est un livre de lecture difficile et tous ceux à qui j’ai prêté ce livre et qui n’étaient pas passionnés par les sciences politiques en ont abandonné la lecture

Un autre livre plus facile d’accès et qui expose le même type d’approche :
L’enfance du monde ; structures familiales et développement – Emmanuel Todd – Seuil

Analyse de la politique française :
La nouvelle France – Emmanuel Todd – Points
Analyse des systèmes culturels et impacts dans la politique française de la Révolution française à nos jours.

NB édité pour nouvelle carte


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chiron
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Message Posté le: Mer Sep 16, 2009 00:17 am    Sujet du message: Re: E. Todd: systèmes familiaux et idéologies
Bonjour à tous,

Cette discussion provient d'une disgression du topic sur les legislatives avant les présidentielles (http://www.genaisse.com/forums/viewtopic-37164-20.html)

Romulus a écrit:
Mais je constate juste que vous ne m'avez donné aucun exemple de guerre purement religieuses ou culturelles,


Le problème est que nous avons des visions de l'histoire par trop différentes. Je propose donc une autre approche ici sur les actuelles revendications indépendantistes en Europe.

La carte des cultures présentée ci-dessus met en évdences les revendications indépendantistes comme
1) La Bretagne vis à vis de la France
2) Les basques vis à vis de l'Espagne
3) Les catalans vis à vis de l'Espagne
4) l'occitanie vis à vis de la France (si si cela existe)
5) la Lombardie vis à vis de l'Italie

Or cette carte a été réalisée à partir de registres qui prouvent la constance de l'inégalité (via les testaments) de de l'autorité (par la corésidence des générations). Ces structures sont stables depuis 500 ans. Qu'en était-il avant ? Probablemet la même chose, mais on n'a pas de registres pour l'affirmer.
C'est troublant tout de même, qu'une telle carte mette en évidence les revendications indépendantistes, non ?
Celeborn
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Message Posté le: Mer Sep 16, 2009 11:59 am    Sujet du message:
J'aime bien cette théorie d'Emmanuel Todd. Qu'il ait en compte les structures familiales pour expliquer la vision de la société.
Mais je ne l'aime plus quand elle prend son caractère normatif ou trop explicatif : "Un tel peuple a fait ça parce que..." ou "Un tel peuple va faire ça parce que...". Pour moi les structures familiales n'ont qu'un impact très très mineur sur nos comportements. Par exemple ce n'est pas à cause de ma structure familiale que je vais soutenir tel ou tel projet, que je vais voter pour tel ou tel parti... Oui ça joue surement dans une fraction des cas, mais dans une fraction petite. Disons une fois sur 10. De même que une personne sur 10 est peut être influencée concretement par sa structure familiale.
Les exemples donnés ci dessus confirment cette théorie, mais il existe une foule d'exemples qui ne sont pas ci dessus et qui l'infirment. Ca ne parle pas de la moitié de l'Italie qui aurait du rejoindre la Réforme, de même que la très catholique Autriche.
Bref c'est une théorie très intéressante, mais très limitées aussi comme toutes les théories sociologiques. On ne peut pas expliquer la totalité des faits d'un groupe parce qu'il est composé d'individus bien différents.
Tommy Angello
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Message Posté le: Mer Sep 16, 2009 12:07 pm    Sujet du message:
Elle met en relation d'innombrables frontières "culturelles" mais seules quelques unes sont celles revendiquées par des indépendantistes. Je dirait plutot que le fait qu'il y ai différentes populations d'europe de l'ouest (on parlais avant de races) sont la cause des différences de culture familiales et une des cause de la volonté d'indépendance.

De plus tu n'explique pas comment un adulte se retrouve à avoir avec l'autorité d'etat la relation et les raisonnement qu'il avait enfant avec l'autorité parentale. C'est la pièce la plus importante du raisonnement.

Par contre il y a un point que est faux dans le déscriptif de Todd: le communisme n'est pas autoritaire, il vise même a supprimer la police et les institutions. Dans les fait les révolutions sont faciles à récupérer et le communisme connu est celui de staline, pol pot et autres enfants de cœur.
Romulus
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Message Posté le: Mer Sep 16, 2009 20:29 pm    Sujet du message:
chiron a écrit:
Romulus a écrit:
Mais je constate juste que vous ne m'avez donné aucun exemple de guerre purement religieuses ou culturelles,


Le problème est que nous avons des visions de l'histoire par trop différentes. Je propose donc une autre approche ici sur les actuelles revendications indépendantistes en Europe.

La carte des cultures présentée ci-dessus met en évdences les revendications indépendantistes comme
1) La Bretagne vis à vis de la France
2) Les basques vis à vis de l'Espagne
3) Les catalans vis à vis de l'Espagne
4) l'occitanie vis à vis de la France (si si cela existe)
5) la Lombardie vis à vis de l'Italie


Tiens c'est intéréssant que tu prennes ces exemples parce que justement ce ne sont pas des guerres, ce sont des conflits culturels qui sont bien moins que des guerres.
Par ailleurs la résistance des états vis à vis des indépendantismes régionaux est indéniablement une affaire de pouvoir.
Dans l'autre sens c'est moins vrai : l'action des régionalistes vis à vis de l'état c'est peut être vraiment culturel (quoi que je ne serais pas étonné qu'il y ait souvent des affaires d'argent et de pouvoir en jeux dérrière), mais justement ces "insurgés" sont minoritaires. Il n'entrainent pas dérrière eux tout un peuple qui se souleverait. Retires des droits aux Corses, fait en sorte qu'ils en ait moins que les autres Français et là tu verra qu'ils se révolteront vraiment, et je mets ma main à couper qu'ils le feront au nom de la nation Corse, de la culture Corse, etc... Mais dans le cas présent... pas de réèl enjeux de pouvoir, donc pas de vrai révolte, pas de vrai guerre. L'écrasante majorité des Corses ne vont pas prendre les armes, se mettre dans l'illégalité, risquer la prison ou je ne sais quoi pour l'idée floue et artificielle qu'est la nation.


Concernant ton gouroux Todd Mr.
Green :

Même chose que Celeborn et Tommy. je trouve qu'il accorde une place trop importante et non fondée à la culture familiale. Bien sûr que cette culture a une influence importante sur les individus et donc sur les idées et les choix qu'ils feront mais ce n'est pas la seule source d'influence. Qu'en est-il de l'influence de l'environnement scolaire? De l'environnement professionnel? L'environnement médiatique? etc...
Au cours de notre vie on cotoie de multiples individus (professeurs, amis, collègues,...) on lis où on visionne de multiples "oeuvres" qui nous influencent. L'individu et la société est la somme de tout un tas de choses. Cela explique la multitude de contres-exemples qui viennent contredirent la théorie de Todd car de nombreux paramètres, autres que la culture familiale, viennent jouer un rôle. Dont notamment les évènements historiques passés qui marquent la mémoire collective et qui fait que les individus agissent en en tenant compte (plus ou moins consciement), ils se repositionnent vis à vis de cela et pas seulement vis à vis d'une pure culture familiale qui serait fixe et inchangée au cours du temps.
chiron
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Message Posté le: Dim Sep 20, 2009 22:29 pm    Sujet du message:
Bonjour à tous,

Celeborn a écrit:
J'aime bien cette théorie d'Emmanuel Todd. Qu'il ait en compte les structures familiales pour expliquer la vision de la société.
Mais je ne l'aime plus quand elle prend son caractère normatif ou trop explicatif : "Un tel peuple a fait ça parce que..." ou "Un tel peuple va faire ça parce que...". Pour moi les structures familiales n'ont qu'un impact très très mineur sur nos comportements. Par exemple ce n'est pas à cause de ma structure familiale que je vais soutenir tel ou tel projet, que je vais voter pour tel ou tel parti... Oui ça joue surement dans une fraction des cas, mais dans une fraction petite. Disons une fois sur 10. De même que une personne sur 10 est peut être influencée concretement par sa structure familiale.


Todd présente une théorie macroscopique, au niveau des régions, qui n'est scientifiquement pas déclinable au niveau de l'individu.

Mes applications de cette théorie au contraire considèrent les petits groupes et l'individu. Je n'ai pas de justifications formelles, juste un résultat: cela marche disons... dans 95% des cas.
Mon sentiment est que seuls les individus ayant parcouru une recherche philosophique très poussée de par l'étude ou la dépression ou les ethnologues de terrain se rendent compte de ce formattage initial et peuvent tenter de le modifier. Mais je ne suis pas certain que le modifier soit une bonne chose, ni qu'on puisse y échapper même si on croit l'avoir modifié.

Citation:

Les exemples donnés ci dessus confirment cette théorie, mais il existe une foule d'exemples qui ne sont pas ci dessus et qui l'infirment. Ca ne parle pas de la moitié de l'Italie qui aurait du rejoindre la Réforme, de même que la très catholique Autriche.


Pour l'Italie, je suis d'accord que la Vénétie aurait dû rejoindre la Réforme. Ta remarque est d'ailleurs excellente. Mais j'ai vulgarisé une thèse de 600 pages. Todd définit une troisième variable lors de la Réforme qui est la proximité géographique avec Rome qui empêche toute révolte.
Et l'Autriche a été touchée par la guerre des paysans.

Citation:

Bref c'est une théorie très intéressante, mais très limitées aussi comme toutes les théories sociologiques. On ne peut pas expliquer la totalité des faits d'un groupe parce qu'il est composé d'individus bien différents.


Je crois qu'au niveau des groupes il est plus facile de déterminer des comportements qu'au niveau des individus. C'est un peu la même chose qu'entre vitesses de particules microscopiques et température moyenne de l'ensemble.

Néanmoins ce qui m'a plus dans cette théorie, ce n'est pas l'application géopolitique régionale (qui est déjà sympathique) mais qu'elle m'a servi à rassembler en un tout cohérent tous mes outils psychologiques et sociologiques. Cela a été le coup de coeur. J'avoue commettre volontairement l'erreur de considérer que cette théorie macroscopique puisse s'exercer au niveau microscopique. Mais ma justification est empirique: de mon point de vue, cela marche.

Voilà pourquoi ce livre est celui que j'aurai aimé avoir écrit (1) j'aimerai beaucoup écrire son pendant pédagogique, managerial, psychologique et de dynamiques des groupes.

Enfin ces travaux que j'ai plusieurs fois présenté ont souvent intéressé les nucléaires égalitaires et les communautaires et très peu les souches ou les nucléaires absolus.
Est-ce la notion d'égalité qui induit l'intérêt des autres cultures ou cette théorie est-elle fatalement culturellement typée ? Very Happy




(1) L’invention de l’Europe – Emmanuel Todd – Points
C’est un livre très riche, avec près de 80 cartes, une bibliographie splendide et une orientation géopolitique. Il permet également une découverte ou revisite de l’histoire moderne des pays européens. Le sommaire en est :
- le socle anthropologique
- Religion et modernité
- Mort de la religion, naissance de l’idéologie
- La décomposition des idéologies (1965-1990)
Attention toutefois : c’est un livre de lecture difficile et tous ceux à qui j’ai prêté ce livre et qui n’étaient pas passionnés par les sciences politiques en ont abandonné la lecture
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Message Posté le: Dim Sep 20, 2009 23:10 pm    Sujet du message:
Tommy Angello a écrit:
Elle met en relation d'innombrables frontières "culturelles" mais seules quelques unes sont celles revendiquées par des indépendantistes. Je dirait plutot que le fait qu'il y ai différentes populations d'europe de l'ouest (on parlais avant de races) sont la cause des différences de culture familiales et une des cause de la volonté d'indépendance.


Je suis sceptique sur les races mais suis d'accord sur des causes différentes. Ce n'est pas parce qu'on est minoritaire qu'on est indépendantiste.
Si l'on est une très faible minorité, on ne peut pas être indépendantiste car on n'a pas le seuil critique pour l'être. Si l'on est une forte minorité, on peu influer sur le destin de la nation donc on n'est pas non plus indépendantiste. C'est une minorité "moyenne" qui ne peut peser au national, de la taille d'un département à une région qui implique souvent un fort mouvement indépendantiste.

Citation:

De plus tu n'explique pas comment un adulte se retrouve à avoir avec l'autorité d'etat la relation et les raisonnement qu'il avait enfant avec l'autorité parentale. C'est la pièce la plus importante du raisonnement.


Elle ne me semble pas très difficile. Le citoyen voit l'Etat comme une projection du père, tout comme également pour Dieu (on dit bien "notre père qui est au cieux", et on appelle bien les représentants du Dieu "mon père"). L'état est d'abord perçu de par son rôle de chef (chef d'Etat continuateur du chef de famille, Etat éducateur via l'école, Etat punisseur vie la justice)

De même, le citoyen voit son rapport avec les citoyens comme une équivalence de ses rapports avec ses frères.

Néanmoins, l'influence ne se limite pas à la famille car de 1500 à 1950, même si les parents ne sont pas formateurs, c'est le village qui formatte, car c'est finalement le mode d'exploitation de la terre qui formatte.
Et je crois que depuis 1950, du fait des mobilités professionnelles et de la fin de l'agriculture familiale, le formattage est moindre. Certaines cultures à haute capacité de transmition (les souches) y résistent bien. D'autres à faible capacité (les latins) me semblent plus perméables à l'idéologie libérale.

[quote)]
Par contre il y a un point que est faux dans le déscriptif de Todd: le communisme n'est pas autoritaire, il vise même a supprimer la police et les institutions. Dans les fait les révolutions sont faciles à récupérer et le communisme connu est celui de staline, pol pot et autres enfants de cœur.[/quote]

Mais tu oublies Tito, Fidel, Mao... La dictature du prolétariat est avant tout une dictature et les communistes ont toujours sacrifié la liberté à l'égalité. Même dans la résistance française, les communistes ne sont intervenus que sur l'ordre de Moscou.

Rien de tout cela chez les nucléaires égalitaires ou absolus: la Révolution française, la Commune de Paris ou la guerre d'Espagne n'ont pas amené une dictature communiste soutenue par une grande partie du peuple car la dictature aurait / a fait horreur au peuple.

Si tu est communiste et si tu détestes les dictatures, il y a fort à parier que tu es plutôt anarchiste. Ainsi pour Proudhon, "l'anarchie, c'est l'ordre sans le pouvoir", "la propriété (des rentiers), c'est le vol" et " la propriété (pour les travailleurs), c'est la liberté".
Proudhon a théorisé les mutuelles, les banques municipales de crédit gratuit, les coopératives, le fédéralisme auto-gestionnaire... toutes ces choses existent encore ce jour et qui je l'espère, ont un bel âge d'or qui va poindre.
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Message Posté le: Lun Sep 21, 2009 00:12 am    Sujet du message:
Romulus a écrit:

Tiens c'est intéréssant que tu prennes ces exemples parce que justement ce ne sont pas des guerres, ce sont des conflits culturels qui sont bien moins que des guerres.


Jai voulu faire simple étant donné qu'on n'a pas la même lecture de l'histoire et que du coup, mes exemples semblaient plutôt générateurs de confusion. Very Happy


Citation:

Par ailleurs la résistance des états vis à vis des indépendantismes régionaux est indéniablement une affaire de pouvoir.
Dans l'autre sens c'est moins vrai : l'action des régionalistes vis à vis de l'état c'est peut être vraiment culturel (quoi que je ne serais pas étonné qu'il y ait souvent des affaires d'argent et de pouvoir en jeux dérrière),

Je suis d'accord mais on ne fait pas une disgression là-dessus, hein ? Razz
Je crois que, comme pour toute révolution, pour qu'il y ait un mouvement indépendantiste, il faut
1) Une élite qui n'est pas associée au pouvoir et qui veur sa part de pouvoir
2) Une assise populaire qui reconnaît comme légitime et "naturel" le discours politique des élites dissidentes.

Donc pour moi, il n'existe pas de mouvement indépendantisme sans le soutien d'une forte partie du peuple, qui considère comme "naturelles" ses valeurs culturelles.

Citation:

mais justement ces "insurgés" sont minoritaires. Il n'entrainent pas dérrière eux tout un peuple qui se souleverait. Retires des droits aux Corses, fait en sorte qu'ils en ait moins que les autres Français et là tu verra qu'ils se révolteront vraiment, et je mets ma main à couper qu'ils le feront au nom de la nation Corse, de la culture Corse, etc... Mais dans le cas présent... pas de réèl enjeux de pouvoir, donc pas de vrai révolte, pas de vraie guerre. L'écrasante majorité des Corses ne vont pas prendre les armes, se mettre dans l'illégalité, risquer la prison ou je ne sais quoi pour l'idée floue et artificielle qu'est la nation.


Non, parce qu'économiquement ils perdraient au change. De plus, avec les régions, on a pas mal donné du lest sur le centralisme étatique. Et encore plus avec les régions d'Europe qui pointent. Cela a un peu calmé les indépendantismes mais la charte des langues européennes risque de les raviver. La Révolution puis l'Etat centralisé avait nivellé les cultures locales, en interdisant la pratique des patois et langues. On peut le regretter mais c'est cela qui a fait la cohésion nationale, au contraire de la Yougoslavie. On a vu ce que cela peut donner...

La crise économique qui va nous laminer va stresser ces appartenances culturelles. J'espère que notre cohésion nationale sera plus forte que les identités culturelles. Au besoin, on peut imaginer un gouvernement multi-culturel, promulgant des lois acceptables par toutes les cultures. L'Assemblée Nationale est d'ailleurs ainsi faite, et me semble supérieure à un scrutin national proportionnel du point de vue de la représentation des cultures.

Citation:

Concernant ton gouroux Todd Mr.
Green :


Rolling Eyes L'invention de l'Europe est livre est excellent, qui de par cette théorie, les très nombreuses cartes et l'hitoire commentée de tous les ays européens, est un livre de travail et de référence .
Au contraire, je trouve ses autres ouvrages nettement moins bons. Et enfin, ce n'est pas lui qui a inventé cette théorie, mais par contre, c'est lui qui l'a développée et lui a donné de solides assises.

Citation:

Même chose que Celeborn et Tommy. je trouve qu'il accorde une place trop importante et non fondée à la culture familiale. Bien sûr que cette culture a une influence importante sur les individus et donc sur les idées et les choix qu'ils feront mais ce n'est pas la seule source d'influence. Qu'en est-il de l'influence de l'environnement scolaire? De l'environnement professionnel? L'environnement médiatique? etc...


Colmme vu plus haut, jusque 1930 tu vis et restes dans ton village (les congés payés étant liés au Front Populaire), donc tu baignes dans ta propre culture.

Citation:

Au cours de notre vie on cotoie de multiples individus (professeurs, amis, collègues,...) on lis où on visionne de multiples "oeuvres" qui nous influencent. L'individu et la société est la somme de tout un tas de choses. Cela explique la multitude de contres-exemples qui viennent contredirent la théorie de Todd car de nombreux paramètres, autres que la culture familiale, viennent jouer un rôle.


Ha bon ? Dis-moi qui tu fréquentes et je te dirais qui tu es... Laughing En effet, nous avons des atomes crochus avec nos amis et c'est justement là qu'est le problème: bien souvent ils sont le reflet de nous-mêmes donc de notre culture. Nous construisons nos environnements de par des choix inconscients culturels. Nous vivons tous dans des mondes parallèles sui se cotoent mais ne se mélangent pas.

L'exception reste tout de même le travail: le seul lieu où nous cotoyons des personnes "différentes", souvent synonymes de "connes", "stupides", "débiles" mais qui en fait ne font pas partie de notre propre culture. Le travail est un lieu d'affrontement culturel individuel et collectif (je pense aux "cultures" d'entreprises).
Mais les forum aussi, où l'on se rend compte de sa spécificité culturelle lorsque nous voyons des raisonnements ou valeurs que nous jugeons "déplorables", "impensables" mais qui ont surtout le tort d'être opposées aux nôtres.


Citation:

Dont notamment les évènements historiques passés qui marquent la mémoire collective et qui fait que les individus agissent en en tenant compte (plus ou moins consciement), ils se repositionnent vis à vis de cela et pas seulement vis à vis d'une pure culture familiale qui serait fixe et inchangée au cours du temps.


Mais ces individus agissants sont-ils libres ? Imagines-tu un De Gaulle Allemand ? C'est impensable... Et nombreux avaient prédit la venue d'un Napoléon suivi d'un impérialisme français devant la décomposition de la révolution.
Il aurait pû être breton et se nommer Moreau, venir de Provence et s'appeller Barras ...
chiron
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Message Posté le: Jeu Mai 09, 2013 13:32 pm    Sujet du message:
Bonjour à tous,

A tout hasard, je vous signale la sortie d'un nouveau bouquin très intéressant sur ce thème:
Le mystère Français
d'Hervé Le Bras et Emmanuel Todd - Edition seuil

avec de magnifiques cartes de socio (dont des cartes de niveau éducatif, évolution de population, évolution des richesses et amplitude des revenus, sans compter bien sût les dernières cartes de vote).

Présentement, je m'en sers honteusement, à la demande de ma douce, pour localiser un possible investissement Dufflot (probablement Bordeaux, Nantes ou Montpellier d'après mes analyses)

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